19 février 2006

Soyez remplis de l’Esprit

Prédicateur:
Passage: Ephésiens 5:3-21

Lire : Ép 5.3-21 (Colombe)

Dans les versets 15 à 21, Paul lance un appel à la sagesse. Il oppose le sage et l'insensé, à la manière des livres de l'AT qu'on appelle les écrits de sagesse, en particulier le livre des Proverbes et l'Ecclésiaste. L'insensé, dans ces textes, ce n'est pas celui qui présente une déficience mentale, mais c'est celui qui ne se soucie pas de rechercher la sagesse, c'est-à-dire celui qui ne se soucie pas de connaître Dieu, qui ne se préoccupe pas d'acquérir la connaissance de la vérité et du bien, et qui ne se soucie pas d'avoir une conduite bonne et juste. La sagesse, par contre, c'est l'art de penser et de vivre selon le vrai et le bon, et finalement selon Dieu. Paul exhorte ici les chrétiens à penser et à se comporter avec sagesse.

Cette section prolonge les versets précédents où Paul a mis en opposition la vie dans les ténèbres et la vie dans la lumière. Les ténèbres représentent la condition des incroyants, ceux qui n'ont pas d'héritage dans le royaume de Dieu (v. 6), la condition dans laquelle se trouvait le chrétien avant sa conversion (v. 8). La lumière, c'est la condition qui est la nôtre en Christ (v. 8). À chaque condition correspond une manière de vivre et de se comporter, et ces deux styles de vie sont très différents, et même contradictoires, puisque Paul recommande de n'avoir aucune part aux œuvres mauvaises des ténèbres (v. 11). Il y a donc correspondance entre folie et ténèbres, et entre lumière et sagesse. L'opposition entre la lumière et les ténèbres est une manière imagée de présenter l'opposition entre la sagesse et la folie.

Au cœur de cette section où Paul recommande la sagesse se trouve cette exhortation bien connue du verset 18…. Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur ce verset, souvent sans tenir compte du contexte dans lequel il apparaît. Voici un discours qu'on entend très souvent : « Tous les chrétiens ont le Saint-Esprit ; mais tous les chrétiens ne sont pas remplis du Saint-Esprit ». Être rempli de l'Esprit, est-ce un état spécial ? Y aurait-il deux types de chrétiens, deux classes : ceux qui sont remplis de l'Esprit et ceux qui ne le sont pas ? Ou encore, y a-t-il des moments où le chrétien est rempli de l'Esprit, et d'autres où il ne l'est pas ? Existe-t-il une recette à appliquer pour devenir un chrétien rempli de l'Esprit ? Certains diront par exemple qu'il suffit de demander à Dieu dans la prière de nous remplir de son Esprit, ou que l'on reçoit la plénitude de l'Esprit par un acte de foi. Mais où Paul dit-il cela ?

Paul oppose bien deux sortes de personnes dans ce texte. Mais ce ne sont pas deux catégories de chrétiens qu'il oppose. Ce qu'il met en opposition, ce sont les chrétiens et les non chrétiens, la manière de penser et de vivre du chrétien et celles du non chrétien.

Il est vrai que, pour être rempli de l'Esprit, il faut le demander à Dieu. Jésus l'a souligné : Lc 11.11-12. Comme l'enfant a besoin que son père lui donne chaque jour du pain, nous avons besoin que notre Père céleste nous accorde chaque jour son Esprit pour notre marche quotidienne avec lui. C'est pourquoi Jésus nous encourage à prier pour que Dieu nous accorde son Esprit, c'est-à-dire pour qu'il œuvre toujours à nouveau en nous par son Esprit. Mais on aurait tort de croire qu'il suffit de prier. D'ailleurs, dans notre texte, Paul ne parle pas de la prière pour demander à être rempli de l'Esprit. Il parle d'autre chose, qui montre que cela va plus loin qu'une simple prière, que l'affaire est un peu plus complexe que cela

C'est là qu'il est important de prendre notre texte dans son contexte. Il fait partie de la réflexion sur la sagesse et la folie. L'opposition entre l'ivresse et la plénitude du Saint-Esprit est un aspect de l'opposition entre la folie et la sagesse. En effet, celui qui est ivre ne sait plus ce qu'il fait et se comporte de manière insensée. L'ivresse est donc une forme particulière, et particulièrement aiguë, de folie. Et par conséquent, être rempli de l'Esprit fait partie de la vie selon la sagesse. Et je vais vous en donner une preuve supplémentaire. Être sage, c'est comprendre quelle est la volonté du Seigneur (v. 17). Or, dans l'ép. aux Colossiens, on lit ceci : Col 1.9 (spirituelle = par le Saint-Esprit). Donc c'est l'Esprit qui communique la sagesse pour discerner la volonté de Dieu. Il y a bien un lien très étroit entre l'appel à être rempli de l'Esprit et l'appel à la sagesse. Être rempli de l'Esprit implique le discernement de la volonté de Dieu.

Il y a aussi un lien étroit entre l'appel à vivre dans la lumière et l'appel à être rempli de l'Esprit. Regardez aux versets 9 et 11. Paul y oppose le fruit de la lumière, qui consiste en bonté, justice et vérité, et les œuvres mauvaises des ténèbres. Cela ne vous rappelle rien ? On pense aux fruits de l'Esprit et aux œuvres de la chair dans l'épître aux Galates. Et les fruits de la lumière ressemblent aux fruits de l'Esprit, tandis que les œuvres des ténèbres sont identiques aux œuvres de la chair. [En outre, l'ivresse, que Paul oppose à la plénitude de l'Esprit (Ép 5.18), apparaît ailleurs comme faisant partie des œuvres des ténèbres (Rm 13.12-13 ; 1 Th 5.5-7).] Cela veut dire qu'être rempli de l'Esprit implique de vivre dans la lumière, de porter les fruits de la lumière. Être rempli de l'Esprit, implique donc de porter les fruits de l'Esprit. Or, porter les fruits de l'Esprit, cela s'inscrit dans la durée. Ce n'est pas un état dans lequel je suis à un moment et pas à un autre.

Il reste un point à préciser. Pourquoi Paul parle-t-il d'être rempli de l'Esprit dans notre texte ? Tout simplement, cette expression lui est suggérée par l'opposition avec l'ivresse. Être ivre, c'est être rempli de vin. Par opposition, le chrétien doit être quant à lui rempli de l'Esprit. Paul joue ici sur l'opposition entre être rempli de vin et être rempli de l'Esprit. Par conséquent, l'expression « être rempli de l'Esprit » est une simple image. Ce n'est pas une expression qui vise à désigner un état spécial. En fait, ce n'est pas quelque chose de différent de ce dont Paul parle ailleurs en disant « porter les fruits de l'Esprit ». ou, plus exactement, c'est avoir le Saint-Esprit à l'œuvre en nous pour nous faire porter les fruits de l'Esprit. « Être rempli de l'Esprit », c'est une expression équivalente à « marcher selon l'Esprit » ou « être conduit par l'Esprit » que Paul utilise dans l'ép. aux Romains (Rm 8.4,14), c'est-à-dire vivre et se conduire selon ce que l'Esprit veut pour nous. Au fond, être rempli de l'Esprit, c'est la condition normale du chrétien.

Ainsi, la plénitude de l'Esprit ne constitue pas en un état spécial, une condition dans laquelle certains chrétiens seraient et pas d'autres, ou encore une condition dans laquelle le chrétien se trouverait à certains moments et pas à d'autres. C'est plutôt une question de degré. Tous les chrétiens ont le Saint-Esprit (Rm 8.9 ; Ép 2.22). Tous les chrétiens sont remplis de l'Esprit, mais ils peuvent l'être à des degrés divers. Tous les chrétiens portent des fruits de l'Esprit. Ils les portent plus ou moins bien, certains fruits davantage, d'autres moins. Jésus a dit que c'est à leurs fruits qu'on les reconnaît. Donc s'ils n'en portent pas, ils marchent dans les ténèbres, ils ne sont pas chrétiens. Car lorsque quelqu'un a l'Esprit, cela se voit, il y a des fruits, en plus ou moins grand nombre. Vous voyez pourquoi je dis que c'est une question de degré. Un chrétien a le Saint-Esprit. Cela veut dire que le Saint-Esprit le remplit. Mais l'Esprit le remplit plus ou moins et c'est pour cela que Paul nous exhorte à être remplis de l'Esprit. Nous avons des progrès à faire… à être toujours plus remplis de l'Esprit… pour que les fruits de l'Esprit apparaissent toujours plus en nous.

Donc nous venons de le voir, être rempli de l'Esprit vient en parallèle aux recommandations que Paul fait dans le contexte, c'est étroitement lié à ce que Paul appelle vivre dans la lumière, vivre avec sagesse. Être rempli de l'Esprit, c'est donc compter sur l'action du Saint-Esprit en nous pour vivre comme Paul nous recommande de vivre dans notre texte, pour vivre dans la lumière, pour penser et nous comporter avec sagesse. Et à l'opposé, Paul a parlé précédemment d'attrister le Saint-Esprit (4.30) : attrister le Saint-Esprit, c'est faire ce qui lui déplaît, accomplir des œuvres des ténèbres, se comporter comme des insensés, comme des non chrétiens. En agissant ainsi, nous entravons l'action de l'Esprit en nous.

Notre texte nous dit deux choses. On ne peut pas vivre dans la lumière, penser et vivre selon la sagesse, sans l'action du Saint-Esprit en nous. On ne peut pas être rempli de l'Esprit sans s'efforcer de vivre dans la lumière, sans s'efforcer de penser et de vivre selon la sagesse.

Il nous faut maintenant explorer en quoi consiste la vie dans la lumière, la vie selon la sagesse.

On peut distinguer trois domaines, trois aspects de la vie qui sont abordés en rapport avec la vie dans la lumière, la vie avec sagesse : la pensée, le langage, le comportement.

1) Concernant la pensée, notre texte comporte un volet négatif, des choses à éviter, et un volet positif.

L'aspect négatif, c'est-à-dire ce qu'il faut éviter, rejeter même, est exprimé aux v. 3-4. Cela concerne d'ailleurs aussi bien le langage que la pensée. Ces versets nous invitent à nous poser la question suivante : de quoi nourrissons-nous notre esprit ? Et notamment pendant nos loisirs, car c'est là que nous avons peut-être la plus grande latitude. Quels livres lisons-nous, ou quelles BD ? Quel genre de chansons ou d'émissions écoutons-nous à la radio ? Quels films allons-nous voir au cinéma ou sur nos écrans domestiques ? Est-ce que nous prenons au sérieux la recommandation que Paul nous adresse ici ?

L'aspect positif maintenant : v. 10,17. Paul parle dans ces deux versets de la recherche de la volonté du Seigneur. Dans le texte de l'ép. aux Colossiens que nous avons lu tout à l'heure, nous avons vu que nous avons besoin de l'Esprit pour cela. C'est par l'Esprit que nous pouvons avoir de la sagesse pour discerner la volonté de Dieu. J'avais ainsi souligné qu'il y a un rapport entre être rempli de l'Esprit et la sagesse.

Dans le livre des Proverbes, un texte inverse le rapport entre la sagesse et l'Esprit. Pr 1.20,23. La sagesse est ici personnifiée. Elle appelle les gens à l'écouter, à recevoir son enseignement. Et elle fait une promesse à ceux qui l'écouteront : « Je répandrai sur vous mon Esprit ». Habituellement, c'est Dieu qui parle comme cela. La sagesse qui s'exprime ici, c'est la sagesse de Dieu. Elle parle comme Dieu. Et l'Esprit qu'elle promet, c'est l'Esprit de Dieu. Dans le contexte, la sagesse qui parle ici, c'est la sagesse qui s'exprime dans le livre des Proverbes. L'enseignement de la sagesse, c'est le livre des Proverbes. C'est la sagesse de Dieu parce que le livre des Proverbes est inspiré. Ce texte sur la sagesse vient au début du livre pour recommander l'enseignement du livre. Écouter la sagesse, c'est recevoir l'enseignement de ce livre. Ainsi on reçoit l'Esprit en se mettant à l'écoute de la sagesse. Jésus a déclaré quelque chose de semblable lorsqu'il a dit : « Mes paroles sont Esprit et vie » (Jn 6.63). Cela veut dire que l'on reçoit l'Esprit qui communique la vie lorsqu'on reçoit l'enseignement de Jésus et qu'on s'y attache. Comment peut-on être rempli de l'Esprit ? En s'attachant à l'enseignement de la sagesse, qui se trouve pour nous dans toute l'Écriture, en nourrissant notre pensée de cet enseignement. En recherchant la volonté de Dieu dans l'Écriture.

Mais attention, il ne s'agit pas seulement de lire l'Écriture. Paul parle de compréhension (v. 17). Il s'agit donc de mettre en œuvre notre intelligence, de faire une lecture intelligente de l'Écriture. Au verset 10, il emploie un verbe qui signifie « éprouver », « tester » et que la Colombe a rendu par « examiner », la Semeur par « discerner ». Il s'agit de faire un effort d'analyse, de réflexion. Il s'agit de ne pas se contenter d'une lecture superficielle de l'Écriture, mais de comprendre la parole de Dieu en profondeur et d'en avoir une vision globale. Si je ne connais pas bien l'Écriture dans son ensemble, je risque de passer à côté de choses importantes pour ma vie. Cela suppose aussi l'étude.

Mais cela ne s'arrête pas là. L'objectif est la compréhension de la volonté de Dieu. Il s'agit encore de discerner, à partir de l'Écriture, quelle est la volonté de Dieu pour le concret de notre existence. Et cela ne va pas toujours de soi. Il y a des commandements qui sont clairs : tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas d'adultère. Mais il y a aussi dans l'Écriture des principes, dont nous devons discerner l'application à notre situation. Ou encore, des exemples nous sont donnés. Mais nous ne sommes pas dans la même situation que les personnages bibliques. Il faut donc discerner ce que ces exemples nous enseignent pour la situation qui est la nôtre. Quels principes ils nous enseignent. Ou quelle analogie on peut tracer avec notre situation. Passer de l'enseignement biblique à l'application à notre cas, à notre situation, n'est pas toujours évident. La sagesse, c'est cette capacité à discerner comment passer de l'enseignement biblique à son application dans notre existence concrète. Tout cela demande un investissement, du temps, de l'effort, de la discipline. Il y a aussi de bons livres qui peuvent nous stimuler, nous aider en cela, et nous édifier. Est-ce que nous prenons aussi le temps de nourrir et fortifier notre foi à l'aide de bons livres ? C'est au prix de tels efforts que l'on peut être rempli de l'Esprit.

Nous avons besoin de l'Esprit pour cela. C'est pourquoi, dans cette démarche, nous devons compter sur l'Esprit, demander à Dieu de nous conduire par son Esprit. Col 1.9 : c'est par l'Esprit que nous pouvons acquérir la sagesse pour discerner la volonté de Dieu. Mais l'Esprit ne nous dispense pas d'efforts, de discipline pour nous imprégner et nous pénétrer de la parole de Dieu, d'une mise en œuvre de notre intelligence pour la comprendre et discerner la volonté de Dieu. Il n'y a pas de plénitude de l'Esprit sans cela. Pour être remplis de l'Esprit, il nous faut veiller à ce dont nous nous remplissons l'esprit ! Il nous faut nourrir notre pensée sainement.

2) Le langage.

Les versets 3-4 évoquent un aspect négatif du langage. Paul recommande ensuite la vérité (v. 9). Nous vivons dans un monde où la notion de vérité se perd. La vérité est dite subjective, relative aux individus et aux cultures. Il n'y aurait pas de vérité universelle. Chacun fait donc sa vérité selon ce qui l'arrange. Il n'y a pas de bien ni de mal universel. Chacun décide, en grande partie au moins, ce qui est bien et ce qui est mal. Le langage devient instrument, non pas pour dire la vérité, mais pour défendre des intérêts, intérêts de groupes, de lobbies, d'individus. On ne cherche plus ce qui est vrai. On dit ce qu'il faut pour promouvoir ses intérêts. Quelqu'un me parlait récemment d'une personne qui a suivi une formation de délégué syndical. On lui a dit, lors de cette formation, qu'il ne fallait surtout pas essayer de se mettre à la place du patron, surtout pas essayer de considérer les réalités économiques, car si on fait cela, on sera obligé de reconnaître que les patrons ont raison. On retrouve ce genre d'attitude dans bien des sphères de la société : on ne cherche plus à être vrai, ou objectif, le langage n'est qu'un instrument pour défendre des intérêts particuliers. Le chrétien est appelé à la vérité, à la rechercher, à s'y attacher (même si cela va à l'encontre de ses intérêts immédiats).

On a encore une mise en garde aux versets 5-6. De vains discours = des discours mensongers, ou tordus. Il est possible que, dans l'Église d'Éphèse, de faux docteurs aient justifié la débauche. Par exemple en disant, comme c'était courant dans le monde grec d'alors, que le corps ne compte pas, que seul l'esprit compte, et donc que peu importe ce que l'on fait avec son corps. De nos jours, les discours habillent le péché de mots qui le rendent acceptable. On parle de liberté, et même de se libérer de ses inhibitions, pour l'immoralité. On dit « droit à la différence » pour justifier des comportements déviants. On dit « liberté d'expression » pour ce qui est manque de respect envers autrui, envers ses convictions, envers ce qu'autrui considère comme sacré. On dit « art », « culture », pour l'immoralité et la violence qu'on nous met sous les yeux. On dit se faire plaisir, satisfaire ses envies, là où l'Écriture parle de se laisser mener par ses passions. Avez-vous remarqué que le mot passion dans ce sens-là, c'est-à-dire avec cette connotation négative qu'il a dans la Bible, avec ce sens de penchant, de tendance qui entraîne au mal, a disparu de notre vocabulaire ? On parle simplement de désir, c'est plus sympathique. Je ne dis pas qu'il ne faut pas se faire plaisir. Cf. Qo qui nous encourage à nous donner du bon temps. Mais le problème réside dans le fait que le désir est devenu une valeur en soi, quelque chose pour lequel on vit, avec cette idée qu'il faut satisfaire ses désirs sans trop se poser de questions. Je vous invite à un petit exercice : prenez une concordance ou un logiciel qui en fait fonction et cherchez le mot « passion ». Allez voir les textes dans le NT et méditez les (si vous faites cela par logiciel, utilisez la version Segond ou Colombe). On ne distingue plus trop entre désir légitime et mauvais désir, ou noir désir. En outre même lorsqu'un désir est normal ou légitime, lorsqu'un désir n'est pas mauvais, cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut le satisfaire. Nous sommes parfois appelés à laisser de côté certains désirs légitimes pour viser à des objectifs plus importants, pour donner toute leur place à des priorités dans notre vie. Paul nous dit quelque chose à ce sujet au v. 16. Bien user de son temps, ce n'est pas satisfaire tous ses désirs, et même ses désirs légitimes.

Dans les milieux chrétiens, on use (ou abuse) aussi parfois du langage pour justifier des péchés. La liberté en Christ peut facilement devenir un slogan pour couvrir la désobéissance à Dieu. « Tout est permis » disaient les Corinthiens, et ils le disaient de telle sorte que Paul a vu la nécessité de leur rappeler que tout n'édifie pas. Parfois, on dit que tel commandement biblique est relatif à la culture. C'est vrai qu'il y a des règles qui sont relatives à la culture dans la Bible. Par exemple, Paul dit qu'il est malséant pour un homme d'avoir les cheveux longs. C'était vrai dans la culture gréco-romaine. Ce n'est pas vrai partout : la preuve, c'est que Samson, lui, devait avoir les cheveux longs, et même très longs… C'est encore une des raisons pour lesquelles il est nécessaire d'user de discernement lorsqu'on lit l'Écriture, pour distinguer ce qui était pour un temps, ou valable dans des circonstances données, et ce qui est normatif en tout temps et en tout lieu. Mais par ailleurs, il est très facile de rejeter des commandements bibliques en prétextant qu'ils étaient liés à la culture. L'argument de la relativité culturelle couvre bien des péchés. Ou encore, c'est l'alibi de l'unité, de l'ouverture, de la tolérance, qui va conduire à couvrir ou à accepter des doctrines, des façons de penser ou des comportements contraires à l'Écriture.

Que personne ne vous séduise par des discours trompeurs nous dit Paul (v. 6). Il faut appeler un chat un chat, il faut avoir le courage d'appeler un péché péché : v. 11. Colombe : « Dénoncez-les » ; Semeur : « démasquez les ». Il s'agit de mettre le doigt sur ce qui est coupable, d'en montrer le caractère coupable, de refuser qu'on laisse passer pour bon ce qui est contraire à la volonté divine, dans la communauté chrétienne (il ne s'agit pas d'aller dénoncer les péchés aux incroyants, mais de s'occuper de ce qui se passe chez nous, chrétiens).

3) Paul parle encore de la conduite. Je ne vais pas développer ce point. Le texte dit beaucoup de choses à ce propos, il mentionne des choses à ne pas faire et des choses à faire, et il est assez clair. Il s'agit essentiellement de vivre selon la volonté de Dieu. J'attire simplement votre attention sur deux ou trois versets.

  1. 9 Bonté = faire du bien aux autres. Justice = conformité à la loi divine.
  2. 15.
  3. 16. Les jours sont mauvais : nous vivons en un temps où les gens sont mauvais et font le mal. Nous risquons d'être influencés, d'être entraînés à mal faire. C'est pourquoi il faut veiller sur sa conduite (v. 15) et sur sa pensée (v. 17) et ne pas se laisser polluer, séduire, égarer. Rachetez le temps : autrement dit, ne le gaspillez pas. Utilisez le bien. Le monde qui nous entoure est tel qu'il va nous entraîner à le gaspiller si nous n'y prenons pas garde, à le gaspiller en faisant le mal, en nous adonnant à des activités qui vont nous polluer, et qui vont nous détourner de l'objectif : devenir sages. Nous aurons gaspillé notre temps si nous négligeons la parole de Dieu et la compréhension de sa volonté, si nous négligeons de vivre selon la sagesse.

Soyez remplis de l'Esprit : cela implique tout cela. Je n'ai pas de recette plus facile à vous proposer. Être rempli de l'Esprit, ce n'est pas se laisser porter en attendant que l'Esprit agisse. Ce n'est pas non plus être rempli d'exubérance, d'enthousiasme ou d'exaltation : ces choses-là sont secondaires. Ce n'est pas une question de ressenti. Ce n'est pas abandonner le contrôle de soi-même pour se laisser saisir par une puissance qui nous emporterait. Au contraire, un des fruits de l'Esprit, c'est la maîtrise de soi (Ga 5.22). Être rempli de l'Esprit s'oppose à l'ivresse dans notre texte. Lorsqu'on est ivre, on perd le contrôle de soi. Être rempli de l'Esprit, c'est au contraire être maître de soi. On est rempli de l'Esprit lorsqu'on veille sur sa conduite avec soin, comme des sages, et qu'on fait marcher son intelligence pour comprendre quelle est la volonté de Dieu.

Mais il y a autre chose dans notre texte. Car nous avons considéré ce qui précède. Nous n'avons pas considéré la suite. La suite parle du culte. La plénitude de l'Esprit débouche aussi sur le culte et donc sur la relation avec Dieu (v. 19-20). Mais il nous faut laisser cette partie du texte pour une prochaine fois…

Donc, en conclusion, être rempli de l'Esprit, c'est tout un art de vivre. C'est l'affaire de toute une vie. Notre texte contient un encouragement : si nous sommes chrétiens, l'Esprit est là pour nous faire vivre ainsi.

Il nous faut nous garder de deux illusions : 1. Croire qu'on peut être rempli de l'Esprit sans vivre comme Paul le recommande. 2. Croire qu'on peut vivre comme Paul le recommande sans l'action de l'Esprit en nous.

Soyons donc remplis de l'Esprit : vivons dans la lumière ; pensons, parlons et agissons selon la sagesse !