16 mars 2008

Qui est responsable de la mort de Jésus ?

Prédicateur:
Passage: Matthieu 27:11-26

Qui est responsable de la mort de Jésus ?

Dimanche 16 mars 2008 (Rameaux)

Prédication du pasteur Gordon Margery

Introduction

Vers la fin du premier siècle de notre ère, un auteur juif, ami des Romains, a rédigé un grand livre d’histoire en 20 volumes. Il raconte entre autres des événements qui nous sont surtout connus de par les Evangiles ou les Actes des Apôtres. Cet auteur s’appelait Flavius Josèphe. Il parle de Jean-Baptiste, d’Hérode, de Caïphe.. et de Jésus. Et il dit que Jésus a été crucifié sur l’ordre du gouverneur Ponce Pilate, suite à des informations fournies par les leaders juifs.

Jésus a été mis à mort sur ordre de Ponce Pilate ; c’est le témoignage des Evangiles, de l’histoire profane, des chrétiens des premiers siècles, du Symbole des Apôtres : c’est incontournable.

Pendant très longtemps, quand on posait la question : Qui a tué Jésus ? la civilisation chrétienne répondait que ce sont les Juifs qui ont tué Jésus. La liturgie romaine d’avant Vatican 2 appelait les Juifs le « peuple déicide », le peuple qui a tué Dieu. Des générations d’hommes de femmes et d’enfants juifs ont ainsi porté une responsabilité inexpiable. Les chrétiens les ont haïs – alors que Jésus était Juif, que les apôtres étaient Juifs, que nous leur devons la Bible, et que la Bible nous appelle à aimer jusque nos ennemis.

Poser la question : Qui est responsable de la mort de Jésus ? ce n’est donc pas innocent. Ce n’est pas un point d’interrogation qui se trouve à la fin de cette question, mais des populations massacrées, des maisons brûlées, les trains de la mort.

Lecture : Matthieu 27.11-26

Pilate

Dans la mort de Jésus il y a un enchaînement de responsabilités. Les quelques soldats romains réquisitionnés ce jour-là ne font qu’obéir aux ordres, ils n’ont aucun choix. Au-dessus d’eux il y a le procurateur de la Judée, Ponce Pilate, nommé par l’empereur pour le représenter et pour maintenir l’ordre. C’était un homme orgueilleux et cruel, responsable de nombreux morts civils au cours de son mandat. Un homme qui finira par être révoqué à cause de ses excès. Lui seul avait autorité pour signer une condamnation à mort.

Il a condamné Jésus. Et aussitôt après il a fait venir un esclave avec une bassine d’eau pour qu’il se lave les mains devant tous. Il avait cédé à la pression de la foule, il avait fait ce que les responsables juifs demandaient. Il imagine dire qu’il n’est responsable de rien. Il rejette la mort de Jésus sur les responsables religieux. Il les nargue, en traitant Jésus de « Roi des Juifs » Il se réjouit de les entendre dire que leur seul roi est César.

Qui est responsable de la mort de Jésus ? Un gouverneur romain, du nom de Ponce Pilate. Il a sacrifié un innocent pour éviter une émeute. Pour éviter que l’on se plaigne de lui auprès de César. Cruel, tordu, lâche : et responsable.

Les chefs religieux juifs de l’époque

Mais bien sûr derrière Pilate il y a d’autres responsables. Le gouverneur n’est pas allé chercher Jésus comme une menace pour la sûreté publique, comme un ennemi de Rome. On lui a amené Jésus. On, ce sont les chefs religieux juifs de l’époque.

Trois arguments les ont convaincus qu’il fallait traquer Jésus, qu’il fallait le neutraliser. Le premier, c’est l’argument politique. Si Jésus gagne en influence leur propre autorité sera menacée. La population suivra plutôt Jésus. Le deuxième argument, c’est tout aussi politique. Si la population suit Jésus, il y aura forcément une insurrection, une révolte contre Rome, et à ce moment-là c’est toute la ville et son Temple qui seront détruits – comme cela se passera effectivement une quarantaine d’années plus tard. Le troisième argument, qui ne valait rien pour Pilate mais qui comptait beaucoup pour eux, était un argument religieux : Jésus avait parlé contre Dieu, avait déshonoré Dieu. Comment ? En disant que Dieu était son Père, en déclarant exister dès avant Abraham, en disant revenir sur les nuées avec une grande gloire. Peu importe les miracles de Jésus ou son enseignement, peu importe sa vie exemplaire, peu importe le témoignage de Jean Baptiste : s’il se met sur un pied d’égalité avec Dieu, il faut le faire disparaître.

C’est ainsi que les responsables ont envoyé les gardes du Temple arrêter Jésus sur le ont des Oliviers et qu’ils ont convoqué le sanhédrin dans la nuit. Les procès nocturnes étaient illégaux. Mais pour Jésus, tout s’est passé dans la nuit, avec une ratification officielle au petit matin. Les chefs religieux juifs et les membres du sanhédrin à quelques exceptions près ont voté la mort de Jésus. Ils l’ont amenés à Pilate. Ils ont poussé la foule à réclamer son sang. Ils sont responsables.

Judas

Et Judas là-dedans ? Judas n’était pas l’instigateur du complot. Il était simplement celui qui permettait aux chefs d’arriver à leurs fins. Il a signalé à quel moment et à quel endroit on pouvait mettre la main sur Jésus en toute discrétion. Si lui ne s’était pas porté volontaire, les chefs auraient trouvé quelqu’un d’autre, une autre méthode.

Il n’empêche que le geste de Judas nous reste à travers la gorge, parce que c’est une trahison. Il a trahi son ami. Jésus l’avait appelé tout comme les onze autres, l’avait enseigné, lui avait confié des missions et des responsabilités. Il était à fond avec le reste du groupe. A tel point que lorsque Jésus révèle que l’un des Douze le trahira, personne ne voit qui cela peut être. Judas ne se démarquait pas des autres. Pendant trois ans il a vécu dans l’inimité d’un Maître exceptionnel. Pour ensuite le trahir.

Mais pourquoi ? Personne ne sait. Le plus probable, c’est que petit à petit il s’est rendu compte que le grand rêve messianique n’allait pas se réaliser comme il le pensait. Que Jésus allait échouer. Il a certainement pris au sérieux les avertissements de Jésus comme quoi il allait mourir. Et Judas a dû se dire que Jésus n’était pas après tout le grand sauveur que tout le monde attendait.

Pourquoi n’est-il pas tout simplement partie alors, comme les gens le font lorsqu’ils quittent un parti politique, une association ou une Eglise ? Je ne sais pas. Pour se venger de ses espoirs déçus ? Pour forcer la main de Dieu ? Pour se replacer du côté des gagnants ? Personne ne sait.

Il existe une théorie qui dit que tout cela n’était qu’un coup monté entre Jésus et Judas, à l’insu des autres. Mais Jésus a eu des paroles très dures à l’égard du futur traître : Certes, le Fils de l'homme s'en va conformément à ce que les Ecritures annoncent à son sujet, mais malheur à celui qui trahit le Fils de l'homme. Il aurait mieux valu pour lui n'être jamais né ! Marc 14.21.

C’est cela, le paradoxe. La mort du Messie est annoncée dans l’Ancien Testament. Le fils de David sera trahi comme David. C’est prédit, c’est prévu, Jésus est même venu dans cette optique. Mais ceux qui le trahissent, qui pervertissent le cours de la justice, qui réclament son sang, qui le condamnent : ils sont tous responsables de leurs actes. Judas est coupable d’une trahison d’autant plus odieuse que la personne trahie était estimable.

Pilate est responsable. Les chefs religieux sont responsables. Judas est responsable. Il reste encore quelqu’un.

Jésus

Jésus a dit : Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis… personne ne peut m'ôter la vie : je la donne de mon propre gré. J'ai le pouvoir de la donner et de la reprendre. Tel est l'ordre que j'ai reçu de mon Père (Jean 10.11,18). Le Fils de l'homme n'est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui-même et donner sa vie en rançon pour beaucoup (Marc 10.45).

Jésus n’était donc pas le malheureux victime d’un traître, d’un complot politique, du fanatisme religieux, de la lâcheté des autorités. Leurs méfaits entraient dans le cadre d’un plan plus vaste, que Jésus a assumé dès le début. Jésus est allé à la mort les yeux ouverts. Il aurait pu l’éviter. Mais il était venu pour cela.

Ce n’était pas un suicide. C’est comme lorsque des soldats se portent volontaires pour couvrir la retraite de leurs camarades, sachant très bien qu’ils y resteront. C’est comme lorsqu’un explorateur malade dans l’Antarctique au début du 20e siècle quitte la tente et s’en va dans le blizzard, pour pas ne pas ralentir le groupe et leur laisser plus de vivres pour continuer. Quand quelqu’un donne sa vie pour les autres, ce n’est pas un suicide, c’est un sacrifice.

Jésus a donné sa vie pour les autres. Pour nous.

Voici comme le prophète Esaïe l’a annoncé quelque sept cents ans avant l’événement :

Mais c'est pour nos péchés qu'il a été percé, c'est pour nos fautes qu'il a été brisé. Le châtiment qui nous donne la paix est retombé sur lui et c'est par ses blessures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants, pareils à des brebis, chacun de nous allait par son propre chemin : l'Eternel a fait retomber sur lui les fautes de nous tous (Esaïe 53.5,6).

Nous sommes les vrais responsables

Le châtiment qui nous donne la paix est retombé sur lui : cela veut dire qu’il a subi le châtiment qui logiquement était la nôtre. C’est nous qui sommes des pécheurs, séparés de Dieu, errants comme des brebis. C’est nous qui allons tous notre propre chemin, incapables de suivre le chemin de Dieu. Mais c’est lui qui a assumé nos fautes, qui nous en a déchargés, qui les a prises sur lui, qui les a portées. Lui, l’innocent. Il a fait pour de vrai ce que les prêtres juifs faisaient en symbole tous les jours dans le temple : ils offraient des agneaux en sacrifice matin et soir pour purifier le peuple de ses péchés. Vrai homme, Jésus s’est offert pour les hommes. Sans péché, il a porté le péché.

Qui est responsable de la mort de Jésus ? Pilate, les chefs religieux, Judas : oui, ils étaient responsables. Mais là ce sont les détails de l’histoire. Fondamentalement, c’est à cause de nos péchés que Jésus est mort. Tout être humain est responsable de sa mort. Cela ne sert à rien de dire que c’est la faute aux Romains, que c’est la faute aux Juifs ou la faute à Judas. Le plus important, c’est de pouvoir dire : c’est de ma faute.

Parce que quand je le dis, je prends la mesure de la gravité de mes petits péchés, de mes demi-vérités, de mes colères. Moi, citoyen sans peur et sans reproche, je suis responsable de la mort de Jésus, le Christ. Je mesure combien ma faute est grave. Je mesure combien l’amour de Christ est grand. Je suis ému. Je suis reconnaissant. Je balance tout pour dire : Oui, Jésus, je marche avec toi. Pardonne-moi, moi non plus je ne savais pas ce que je faisais. Fais-moi naître de nouveau par ton Esprit.

Je me trouve devant la croix comme le pire des criminels. Je me relève comme un homme dont le casier judiciaire est vierge. Il a porté mes péchés. Il a droit à ma reconnaissance pour toujours. Amen.