Introduction

Quand nous regardons les rois d’Israël et de Juda, nous rencontrons des gens qui nous ressemblent beaucoup. Ils n’avaient pas notre technologie, c’est sûr. Mais ils ont les mêmes aspirations que nous, ils sont confrontés à l’appel de Dieu comme nous, ils sont aux prises avec les mêmes tentations que nous. Avec David, Salomon, Roboam et Jézabel nous avons surtout vu des choses qu’il ne faut pas imiter : l’adultère de David, le matérialisme de Salomon, le manque d’écoute chez Roboam, l’idolâtrie de Jézabel. Nous avons beaucoup de compassion pour David : sa faute a entaché une vie tout entière consacrée à Dieu ; nous sommes plus sévères avec Salomon et Roboam ; nous sommes très sévères au sujet de Jézabel.

Ce matin j’aimerais vous citer le cas de quelqu’un qui n’avait pas grand-chose à se reprocher. Un homme qui a bien dirigé son pays et qui a été enseveli dans la cité de David avec les rois. Non pas un roi lui-même, mais un faiseur de rois : Yehoyada, le grand-prêtre.

Vous n’avez jamais entendu parler de lui ? C’est dommage. C’est l’un des grands hommes de l’Ancien Testament. Et son histoire est pleine d’événements qui mériterait que l’on en fasse un film. Non pas le film du maître Yoda, mais le film du maître Yehoyada.

C’est un film en plusieurs épisodes que vous trouverez en 2 Rois 11-12 et dans 2 Chroniques 22-24. Je vais juste vous lire le début.

Yehoyada protège le jeune roi

Revenons à Jézabel, reine d’Israël. Celle-ci a eu une fille, Athalie, qui a épousé le roi de Juda, le royaume du Sud. Leur fils, Ahazia, est devenu roi au décès de son père, ce qui fait qu’Athalie est toujours proche du pouvoir. Mais Ahazia sera assassiné. Qu’est-ce qu’elle va faire, Athalie ? Elle tue tous les princes, ses propres petits-enfants donc, pour rester en place en tant que reine. Voilà le terrible héritage de Jézabel. Telle mère, telle fille.

Un bébé échappe au massacre, il s’appelle Joas. Et pendant six ans ce bébé va grandir dans l’enceinte du Temple, protégé par sa tante, qui avait épousé Yehoyada le grand-prêtre.

Lecture : 2 Chroniques 22.10-23.11

2Chr 22,10 Lorsque Athalie, mère d'Ahazia, vit que son fils était mort, elle entreprit de faire mourir toute la descendance royale de Juda.

2Chr 22,11 Mais au moment du massacre, Yehochabeath, une fille de roi, parvint à soustraire Joas, un fils d'Ahazia, du milieu de ses frères, pour l'installer avec sa nourrice dans le dortoir du Temple. Yehochabeath, qui était une fille du roi Yoram, la femme du prêtre Yehoyada, et la sœur d'Ahazia, cacha ainsi Joas d'Athalie, dans le dortoir du Temple, et on ne le fit pas mourir.

2Chr 22,12 Pendant six ans, il resta caché avec les deux femmes dans le Temple, tandis qu'Athalie régnait sur le pays.

2Chr 23,1 La septième année, le prêtre Yehoyada s'arma de courage et fit venir les chefs des " centaines " : Azariahou, fils de Yeroham, Ismaël, fils de Yohanân, Azariahou, fils d'Obed, Maaséyahou, fils d'Adayahou, et Elichaphath, fils de Zikri, et il fit un pacte avec eux.

2Chr 23,2 Les officiers parcoururent le royaume de Juda et rassemblèrent les lévites de toutes les villes de Juda et les chefs des groupes familiaux d'Israël, puis ils revinrent avec eux à Jérusalem,

2Chr 23,3 et toute cette assemblée conclut une alliance avec le jeune roi dans le Temple. Yehoyada leur dit : -Voici le fils du roi, il régnera conformément à la promesse que l'Eternel a faite au sujet des descendants de David.

2Chr 23,4 Voici ce que vous allez faire : Ce prochain jour de repos, l'une de vos compagnies sera de service ; en qualité de prêtres et de lévites, un tiers d'entre eux gardera les entrées,

2Chr 23,5 un autre tiers surveillera le palais royal, la troisième section se tiendra en faction à la porte de Yesod. Tout le peuple occupera le parvis du Temple de l'Eternel.

2Chr 23,6 Personne ne doit pénétrer dans le Temple de l'Eternel, excepté les prêtres et les lévites de service qui pourront y entrer puisqu'ils sont saints. Tout le monde doit respecter le rituel prescrit par l'Eternel.

2Chr 23,7 Les lévites entoureront le roi de tous les côtés, chacun les armes à la main. Quiconque voudra forcer l'accès au Temple sera mis à mort. Vous accompagnerez le roi dans toutes ses allées et venues.

2Chr 23,8 Les lévites et tous les Judéens exécutèrent ponctuellement tous les ordres que le prêtre Yehoyada leur avait donnés. Ils prirent chacun leurs hommes, ceux qui commençaient leur service le jour du repos et ceux qui le terminaient ce jour-là, car le prêtre Yehoyada n'avait donné congé à aucune des classes de lévites.

2Chr 23,9 Le prêtre Yehoyada remit aux chefs de " centaines " les lances ainsi que les grands et les petits boucliers du roi David qui se trouvaient dans le Temple.

2Chr 23,10 Il posta tous les hommes en demi-cercle, chacun son javelot à la main, en demi-cercle devant l'édifice, depuis l'angle sud-est du Temple jusqu'à l'angle nord-est, près de l'autel, de manière à entourer le roi.

2Chr 23,11 Alors on fit sortir le fils du roi, on plaça la couronne sur sa tête et on lui remit l'acte de l'alliance. On le sacra roi : Yehoyada et ses fils l'oignirent d'huile et ils crièrent : -Vive le roi !

Pendant six ans Yehoyada remplit ses fonctions de grand-prêtre en gardant pour lui cet énorme secret : ma femme est en train d’élever le futur roi, le vrai roi, le descendant de David. Je me plie au protocole, j’essaie de ne pas me compromettre, j’exerce mes fonctions de grand-prêtre, j’essaie de ne pas me mêler des affaires de la reine Athalie. Mais le jour viendra où j’aurai à m’en occuper. Tôt ou tard elle payera pour ses crimes. Tôt ou tard la maison de David règnera de nouveau à Jérusalem^<1. Tôt ou tard les promesses que Dieu avait faites à David seront réactivées. Tôt ou tard, Yehoyada, tu vas devoir prendre le taureau par les cornes et agir.

Le moment décisif arrive quand Joas a sept ans. La Bible dit que Yehoyada s’arme de courage². Il sécurise le Temple avec des compagnies de lévites et de soldats qu’il a gagnées à sa cause. Il sort Joas des appartements privés et le montre au peuple. Il l’oint d’huile. Il le proclame roi. Athalie arrive et pique sa crise. Mais elle ne trouve plus de supporteurs. Les soldats la sortent du Temple et la tuent. Elle meurt, comme elle a vécu, par l’épée.

Il y a des moments dans la vie où il faut saisir le taureau par les cornes, où il faut agir. Les explorateurs de l’espace savent qu’il y a ce qu’ils appellent une fenêtre de tir, un moment où la fusée est au top, où les conditions météo sont favorables, où les différentes planètes sont au bon endroit par rapport à la mission. Il y a un moment pour appuyer sur le bouton. Loupez-le, et vous attendrez une semaine, un mois, voire des années pour les explorations les plus lointaines.

Réfléchissez : y a-t-il dans votre vie, maintenant, une fenêtre de tir à ne pas louper ? Une décision que vous ne devez plus remettre à demain ? Une réconciliation à entamer ? Un engagement à prendre ? Un changement voire une rupture à effectuer ?

Yehoyada incite le peuple à revenir à l’Eternel et à la loi

Le roi n’a que sept ans. C’est donc Yehoyada, son oncle, le grand-prêtre, qui va régner à sa place. Et il commence par une série de mesures très positives. Si j’étais président, si j’étais roi, qu’est-ce que je ferais ? Yehoyada n’est ni l’un ni l’autre, mais cela ne l’empêche pas d’agir.

Dans la foulée du couronnement, il établit une alliance entre le peuple et le roi. Une alliance, cela fixe les devoirs respectifs des partenaires. On se rappelle qu’Achab et Jézabel se sont cru tout permis. Joas, quand il sera grand, aura des droits et des devoirs. Le peuple pareil. Ils sont liés par une alliance. Yehoyada les fait revenir au respect de la loi. Il va encore plus loin : il établit une alliance entre l’Eternel, d’une part, et le roi et le peuple d’autre part. Il renouvelle la relation entre Dieu et le peuple, comme au Sinaï, il fait prendre au peuple l’engagement d’être le peuple de l’Eternel, de l’Eternel seul.^<3

Et à la suite de ça, le peuple débarque en force devant le temple du dieu Baal et le démolit avec ses autels et ses statues. Le grand-prêtre de Baal est tué. A Jérusalem, on ne pourra pas servir deux maîtres. Il n’y a pas de place pour le culte du dieu de la pluie et des récoltes, pas de place pour la prostitution sacrée, pas de place pour les sacrifices d’enfants. Le peuple se range du côté de l’Eternel.

Ou plutôt, le peuple fait semblant de se ranger du côté de l’Eternel. J’ai l’impression qu’il accepte de renouveler l’alliance avec Dieu, parce que Yehoyada le nouvel homme fort le veut. Mais en dehors de Jérusalem les cultes qui mélangent le vrai et le faux continuent comme avant. Quand Yehoyada mourra, on fera une pétition pour que le roi autorise les cultes païens, et le roi acceptera. De son vivant Yehoyada fait ce qu’il peut. Mais il ne réussit pas à changer en profondeur les mentalités.

Comme nous. Nous sommes appelés à changer ou à améliorer ce qui dépend de nous. Mais nous ne pouvons pas prendre des décisions à la place des autres. Nous n’avons pas d’autorité sur leur cœur. Dieu veut leur adhésion volontaire. Comme il veut le nôtre : une alliance qui stipule que l’Eternel est notre seul Dieu, à la vie et à la mort.

Yehoyada garantit la succession dans la lignée de David

Qu’a-t-il fait d’autre encore, Yehoyada, à part la restauration du respect de la loi et du culte de l’Eternel ? Il veille à la succession au trône en choisissant deux épouses pour Joas^<4. Une aurait suffit. Deux, c’est tout de même un immense progrès par rapport à David et Salomon. Peut-être s’agit-il de garantir à tout prix qu’il y aurait après Joas un descendant de David pour régner comme roi, un descendant de David qui pourrait être - qui sait ? - le messie.

Ceci me dit, comme lorsque nous avons étudié David et Salomon, l’extrême importance de notre vision de l’avenir. Yehoyada n’a pas oeuvré pour sa vie seulement. Sa pensée et son action étaient orientés vers la réalisation de la promesse de Dieu. Il a pensé au roi qui viendrait après Joas. Personne n’est indispensable. Tous nous quitterons la scène un jour. Qui viendra après nous ? Comment l’Evangile sera-t-il annoncé à la génération qui vient ? Yehoyada a prévu certaines choses longtemps à l’avance.

Yehoyada instruit son neveu et son fils

Il y a peut-être une faiblesse dans l’action de Yehoyada. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi il ne montre pas d’empressement à faire les réparations nécessaires dans le temple. Parce que l’impôt destiné à cela ne lui semblait pas juste ? Parce qu’il n’aimait pas recevoir des ordres de la part du roi ? Parce que ses confrères détournaient l’argent ? Parce qu’il devenait vieux ? Je ne sais pas. Toujours est-il que la réparation du Temple est à attribuer à Joas, le roi, et non pas à Yehoyada, le grand-prêtre. Mais si le roi s’y intéressait, c’est que Yehoyada l’avait élevé dans la foi^<5.

Toute sa vie Yehoyada a eu une influence positive sur ce roi Joas^<6. Mais à la mort de Yehoyada, Joas a commencé à déraper, surtout en autorisant le culte des divinités païennes. De son vivant, Yehoyada a gardé Joas dans le droit chemin. Mais il ne pouvait rien garantir pour la suite, cela ne dépendait pas de lui.

Quelqu’un a pourtant résisté à la dérive de Joas, quelqu’un a protesté contre le retour des idoles. C’était le fils de Yehoyada, qui s’appelait Zacharie. Zacharie avait un caractère plus affermi que Joas, et la mort de son père de l’a pas fait dévier. A son propre fils Yehoyada a communiqué la foi en Dieu, il lui a enseigné à être fidèle, il lui a inspiré le courage de résister aux puissants.

Cette résistance a un prix, dramatique. Pour faire taire l’opposition, pour couvrir son ouverture aux idoles, Joas fait tuer le fils de celui qui lui a sauvé la vie. Zacharie sera le dernier martyr de l’Ancien Testament, cité par Jésus^<7, tué par les hommes de Joas pour avoir rappelé au peuple la loi de l’Eternel. Yehoyada aurait pu être fier de lui. Tel père, tel fils.

Ne sous-estimons pas l’influence que nous exerçons sur ceux qui nous sont proches. Sur nos enfants, nos élèves, nos collègues. Notre vie marque les gens pour le meilleur et pour le pire. C’est déjà bien si Yehoyada de son vivant a empêché Joas de partir à la dérive ; c’est encore plus remarquable qu’il ait eu un fils, Zacharie, qui a été fidèle jusqu’à la mort.

Conclusion

La fin de la vie de Salomon n’était pas très glorieuse. D’autres rois comme lui ont bien commencé mais ont mal terminé. Mais au sujet de Yehoyada la Bible dit ceci : Yehoyada devint vieux et mourut rassasié de jours, à l'âge de cent trente ans. On l'enterra dans la cité de David avec les rois, parce qu'il avait agi pour le bien en Israël, pour la cause de Dieu et de son Temple.^<8

C’est Yehoyada qui a fait que le royaume de Juda ne suive pas le même chemin que les Israélites du Nord, que la dynastie de Jézabel ne n’installe pas, que Baal ne devienne pas le dieu de Jérusalem. En temps de crise, c’était un homme de Dieu. Dans le temps de prospérité qui a suivi, il est resté fidèle à son Dieu. C’était un maître.

Son nom était assez courant à l’époque. Mais c’est un nom que lui il méritait vraiment : Yeho-yada : l’Eternel connaît. Est-ce que Dieu nous connaît, nous, de la même manière ?