Les esclaves
29 janvier 2006

Les esclaves

Prédicateur:
Passage: 1 Timothée 6:1-2

Introduction

Quand on lit la Bible de façon systématique, on tombe sur des passages qui semblent être loin de nos préoccupations actuelles et sur d'autres qui nous choquent. Ce sera peut-être le cas avec le court passage que je vais vous lire maintenant. Il s'agit d'une exhortation à l'adresse de l'une des catégories sociales de l'Église d'Ephèse. On a lu sur les différentes tranches d'âge, puis les veuves, puis les responsables. Paul termine en parlant d'une catégorie qui était certainement bien représentée dans toutes les Églises de l'époque : les esclaves. Écoutez :

Lecture 1 Tim 6.1-2.

Qui étaient ces esclaves ?

Qui étaient ces esclaves ? A l'origine, les esclaves de l'empire romain étaient ramassés lors des guerres de conquête. Des marchands d'esclaves suivaient l'armée, comme ils le feraient devant Jérusalem en l'an 70. D'autres personnes étaient réduites à l'esclavage parce qu'elles n'arrivaient pas à payer leurs dettes. Et d'autres encore naissaient esclaves. Chez les Romains, la plupart des esclaves étaient des blancs : ce n'était pas un phénomène raciste, mais bassement commercial.

En droit, l'esclave n'avait pas de droits. Il appartenait corps et âme à son maître. Comme une pioche ou un bœuf. Le maître intelligent va prendre soin de ses outils, de ses animaux, de ses esclaves. Mais s'il n'en prend pas soin, c'est son problème, c'est son argent. Voilà ce que disait la loi.

Certains esclaves travaillaient dans les champs ou comme domestiques. D'autres pouvaient être maître d'école, architecte, comptable auprès d'un homme riche…

Il y avait beaucoup d'esclaves dans l'empire romain. Ils représentaient trois-quarts de la population dans certaines villes. Les esclaves pouvaient être affranchis, c'est à dire que leur maître pouvait leur rendre la liberté. Cela pouvait être la récompense pour de bons et loyaux services. Mais il arrivait aussi qu'un esclave refuse la liberté, parce qu'il était plus en sécurité chez un maître. Les affranchis et les esclaves étaient de toutes façons tout en bas de l'échelle économique et sociale. Il y en avait beaucoup dans les Églises.

Et dans l'Église, l'esclave changeait radicalement de statut. Voici ce qu'écrit Paul aux Galates : Il n'y a donc plus de différence entre les Juifs et les non-Juifs, entre les esclaves et les hommes libres, entre les hommes et les femmes. Unis à Jésus-Christ, vous êtes tous un. Imaginez un esclave chrétien qui a un maître chrétien. Voilà l'esclave chrétien qui vient s'asseoir à côté de son maître. Le voilà qui prêche. On peut imaginer l'ambiance.

Dans l'une de nos Églises en Suisse, un patron et son employé sont tous les deux anciens dans la même Église. Comment est-ce qu'ils s'en sortent ?

Le message d'1 Tim 6.1-2

Pour le monde du travail de tous les temps, 1 Timothée 6 nous dit trois choses.

Premièrement, qu'il y a des situations pénibles. L'esclave est sous le joug de l'esclavage, il est comme un bœuf qui porte une lourde pièce de bois sur les épaules pour pouvoir tirer la charrue ou la charrette. Une pièce de bois qui frotte, qui meurtrit, qui enchaîne à un travail dur. Il y avait des situations pénibles, voir très pénibles. Il y en a toujours.

Deuxièmement, personne ne devrait avoir à se plaindre d'avoir un employé chrétien. A Ephèse, les esclaves croyants sont incités au respect et à un service de qualité, que leurs maîtres soient chrétiens ou pas. Nous qui suivons Jésus-Christ, le serviteur de tous, comment pourrions mépriser un rôle de service ? Nous qui voulons glorifier Dieu dans tout notre comportement, comment pourrions-nous fournir à qui que ce soit un travail bâclé ? Je ne veux pas savoir si au-dessus de moi c'est mon maître ou mon patron ou le professeur de ma classe ou ma mère : au-dessus d'eux tous il y a le Seigneur. C'est lui que je sers en premier.

Le fait d'être ensemble dans l'Église change la donne. L'apôtre Paul parle de maîtres qui sont des croyants et des frères et des bien-aimés. Bien-aimés ! Vous voyez bien que les rapports ont changé. Mais ce changement ne justifie pas un manque de respect ou la fainéantise.

Et puis troisièmement, le lieu du travail est un endroit où le chrétien est observé, jaugé, jugé. S'il ne donne pas satisfaction, il n'est pas le seul à être discrédité, dit l'apôtre. C'est le nom de Dieu, c'est l'enseignement de l'Église. Certains non-chrétiens vont se permettre de partir toujours dix minutes avant l'heure, vont abuser du téléphone ou de la photocopieuse, vont critiquer les collègues à tour de bras, vont se porter pâle pour oui un non. Mais qu'ils nous voient faire la même chose, et notre compte est bon. Les railleries fuseront. Surtout si par ailleurs nous leur cassons les pieds avec nos histoires de Bible.

Que nous soyons des esclaves éphésiens du 1er siècle ou des employés franciliens du 21e, l'élément essentiel dans notre témoignage, c'est la cohérence. Peu importe ce que font les autres, nous vivons d'abord devant Dieu et ensuite seulement devant les hommes. Notre travail se fait d'abord pour Dieu et ensuite pour les hommes.

Compléments

Dans l'épître à Timothée, on a deux versets sur les esclaves, puis on passe à autre chose. On peut penser que c'est un peu court. Tout n'est pas dit. Que faire devant l'injustice ? Quels sont les devoirs des maîtres ?

C'est sans doute un peu sommaire à nos yeux parce que Paul s'adresse à un problème réel. Il y avait certainement dans l'Église des esclaves qui manquait de sérieux et qui déshonoraient l'évangile par leur comportement. Enfants de Dieu, ils se croyaient tout permis. Peut-être que les faux docteurs leur montaient la tête. Peut-être qu'ils s'estimaient supérieurs aux autres par leur piété. Qui sait ? Toujours est-il que Paul ne donne pas ici un enseignement complet, il s'adresse à un problème précis et pratique.

Si on cherche des compléments pour équilibrer les choses, on les trouvera dans d'autres lettres de Paul qui ont été lues à Ephèse : la lettre aux Ephésiens et la lettre aux Colossiens. Là on pourra lire, par exemple : Maîtres, traitez vos serviteurs avec justice et d'une manière équitable, car vous savez que vous avez, vous aussi un Maître dans les cieux (Col 4.1). Dans le droit romain, les maîtres n'avaient de comptes à rendre à personne. Mais dans la loi divine, si : Vous savez, maîtres, que le Seigneur qui est au ciel est votre Maître tout autant que le leur ; et il n'agit jamais avec favoritisme (Eph 5.9). Patrons, chefs d'entreprise, cadres en tous genres : un seul est tout puissant, il faut tenir compte de Lui !

Un autre élément qui fait réfléchir, c'est le cas des esclaves fugitifs. Dans les lois anciennes comme dans les lois du 19e siècle, il y avait de lourdes sanctions pour ceux qui aidaient les esclaves fugitifs. A Rome, l'esclave lui-même devait mourir. Mais la loi de l'Ancien Testament est tout à fait différente. Elle se place du côté du fugitif et non du côté du propriétaire. Si un esclave s'enfuit de chez son maître et vient se réfugier dans votre pays, vous ne le ramènerez pas à son maître. Il pourra demeurer parmi vous dans votre pays, à l'endroit qui lui plaira, dans l'une des villes où il se trouvera bien. Vous ne l'exploiterez pas (Dt 23.16-17). Autrement dit, le peuple de Dieu est un refuge et un asile et un lieu d'accueil pour l'esclave en fuite.

Quelqu'un sait, dans ce contexte, ce qu'était le chemin de fer souterrain ? Au 19e siècle, c'était le réseau clandestin qui permettait aux esclaves des états du Sud des Etats-Unis de s'enfuir vers le Nord, où l'esclavage était interdit. Ceux qui ont animé ce chemin de fer souterrain au 19e siècle savaient bien que quand quelqu'un fuit l'injustice et l'oppression et la pauvreté extrême, on l'accueille.

Si la Bible il y a trois mille ans parle ainsi à propos de ceux qui n'ont pas de droits, je me demande ce qu'elle nous dit, à nous en France au 21e siècle.

Le peuple de Dieu est un refuge et un asile et un lieu d'accueil pour l'esclave en fuite. L'apôtre Paul le savait bien, lui qui a accueilli à Rome un esclave en fuite du nom d'Onésime. Il l'a amené à la foi en Christ, il l'a gardé avec lui, il en a fait un collaborateur hautement estimé. Pendant plusieurs années Paul, citoyen romain, et lui-même surveillé par une garde à domicile, était en infraction par rapport à la loi romaine. Mais un jour Paul a renvoyé Onésime chez son maître, parce que son maître était un chrétien de l'église de Colosses. Onésime est parti avec un autre frère, Tychique. Ils se sont pointés chez le maître avec une lettre de la part de l'apôtre, pour que le maître reçoive Onésime comme un frère bien-aimé. Et qu'il lui pardonne tout. Et qu'il aille même au-delà de ce que l'apôtre ose demander par écrit. Cette lettre, touchante, vous pouvez la lire aujourd'hui : elle est dans notre Bible, c'est la lettre à Philémon.

On comprend bien que la minuscule minorité chrétienne n'allait pas bousculer les lois de Rome. Mais à son échelle, l'Église a vécu des relations humaines qui étaient entièrement transformées.

Conclusion

Et nous maintenant ? Est-ce que notre façon d'être au travail témoigne d'une mentalité transformée par le Christ ? Est-ce que nous relations en Église disent réellement que nous sommes des frères bien-aimés ? Et est-ce que nous permettons à la parole de Dieu de transformer le regard que nous portons sur la société ?

Vous voyez, 1 Timothée 6 n'est pas si loin de nos préoccupations après tout. Il est même… troublant d'actualité.

Amen.