14 octobre 2007

David prépare l’avenir

Prédicateur:
Passage: 1 Chroniques 22.6-17, 1 Rois 2.5-9

Introduction

Une bonne partie de notre Bible est composée de récits historiques : les Evangiles, évidemment, et de nombreux livres historiques de l’Ancien Testament. Ces livres ne sont pas là seulement pour nous dire ce qui s’est passé à telle ou telle époque. Ils nous parlent aujourd’hui.

Nous avons commencé à regarder la vie de certains rois d’Israël et de Juda, ceux que l’on peut appeler les bons, les brutes et les méchants. Des gens comme vous et moi. Des gens dont la vie et les expériences sont là pour nous apprendre à marcher avec Dieu.

Il y a quelques semaines nous avons regardé une grande page noire dans la vie du roi David. Aujourd’hui j’aimerais explorer avec vous comment David a préparé l’avenir. Ce que tout le monde doit faire, parce que personne ne restera éternellement en place. Nous devons tous transmettre certaines choses à nos successeurs, à nos enfants, à la personne qui nous remplacera quand nous prendrons notre retraite ou quand nous changerons de poste. Dans l’Eglise, les plus anciens doivent préparer la suite en laissant des responsabilités aux plus jeunes. Tout change dans la vie, il faut en tenir compte.

Comment le roi David a-t-il fait ?

J’aimerais vous rappeler une chose qu’il a bien faite, une chose qu’il a failli rater, et une chose où il était carrément lamentable.

David prépare tout ce qu’il faut pour le Temple

Ce qu’il a fait de bien : il a largement préparé le terrain pour que son fils Salomon puisse construire un grand temple à l’honneur de l’Eternel. Il avait honte de vivre dans un palais prestigieux alors que le culte de Dieu se déroulait dans une structure provisoire, une sorte de grande tente mieux adaptée à une vie de nomades dans le désert qu’à la vie d’un peuple bien établi dans ses terres. Voici l’un des textes qui en parlent :

1 Chroniques 22.6-17

David a acheté le terrain sur le mont Morijah, que nous appelons aujourd’hui le mont Sion. Il a refusé de l’accepter en cadeau, il l’a payé au prix fort, afin de ne pas offrir à Dieu une offrande qui ne lui aurait rien coûté. Quand Dieu lui révèle que ce n’est pas lui qui doit construire le temple, cela ne le décourage pas. Il commence à réunir l’argent et les matériaux de construction.

Et il organise déjà le culte. Il organise les roulements de prêtres et de lévites. Il organise un corps de musiciens et de chanteurs professionnels qui accompagneront les sacrifices de leurs chants. Ses propres poèmes et ses prières deviennent des chants pour toute l’assemblée. Cela se met en place de son vivant, alors qu’il n’a pas encore d’édifice permanent. Louer Dieu, c’était très important pour David.

Et c’est cela qu’il transmet à des générations futures. L’amour de Dieu. Le culte de Dieu. La louange de Dieu. C’est un héritage qui a duré plus longtemps que le Temple lui-même. Un héritage qui a survécu à la destruction du temple en -587. Il a survécu à la destruction du 2e temple en l’an +70. Dans les Eglises et dans les synagogues du monde entier les Psaumes de David sont encore lus et chantés et médités 3000 ans après. C’est remarquable. Et nous pouvons nous demander si le culte offert à Dieu a autant d’importance pour nous que pour David.

Qu’est-ce que nous laisserons derrière nous ? Une petite minorité d’Ozoiriens pourrait dire : un bâtiment d’Eglise, qui durera le temps qu’il durera. D’autres diront, et là nous pouvons être plus nombreux : je laisserai derrière moi une Eglise en bonne santé. D’autres diront : je laisserai derrière moi des personnes à qui j’ai communiqué la foi : des enfants, des adultes, des parents, des collègues. Il n’y aura jamais 100% de réussite – mais notre vie est appelée à toucher d’autres personnes comme un phare est appelé à illuminer la mer.

Nous ne maîtrisons pas la suite. David ne pouvait pas savoir si Salomon allait réellement réaliser les projets qu’il avait pour le Temple. Mais lui comme nous, nous devons faire ce qui est en notre pouvoir pour que ceux qui nous suivent partent avec une petite longueur d’avance. L’erreur serait de faire en sorte que tout reste entre nos mains jusqu’à la toute dernière minute. C’est malheureux dans les familles et dans les Eglises. Parce qu’il faut préparer un monde où nos enfants seront autonomes et où ils nous dépasseront.

David n’arrive pas à passer la main

C’est justement là que l’expérience de David est plutôt mitigée. Arrivé à un grand âge, il n’a pas passé la main à son successeur. Il a dit que ce serait Salomon. Mais il n’a pas mis Salomon en selle. Comme s’il allait continuer éternellement comme le roi, le seul roi, le grand roi. Ses forces déclinent, il n’a pas la maîtrise des événements et il ne s’en rend pas compte.

Qui est-ce qui exerce le pouvoir, alors ? Ce n’est pas très clair. Le palais a dû ressembler à ce que les Bretons appellent un panier de crabes. Le fils aîné – celui qui restait après la mort dramatique de deux autres – le fils aîné, Adoniya, veut forcer le destin et profiter de cette espèce de vide. Il trouve comme alliés le chef de l’armée, Joab, et le grand-prêtre, Abiatar. Il organise une grande fête où ses partisans le proclament roi.

Mais plusieurs savent que David ne veut pas d’Adoniya comme successeur, qu’il veut que ce soit Salomon. Quand ils entendent parler de la consécration d’Adoniya, ils en parlent avec David, le même jour. Et dans un dernier sursaut d’énergie le roi David confirme que c’est bien Salomon qui doit régner. Il donne des ordres pour que Salomon soit consacré roi pour de vrai dans la tente de l’Eternel et devant le coffre de l’alliance. Nathan le prophète, Bath-Chéba la mère de Salomon, le prêtre Tsadok et Benayahou le chef de la garde royale organisent la cérémonie. Et tout Jérusalem sait enfin qui est le vrai roi.

Ce récit est poignant. Vous en trouverez tous les détails dans 1 Rois, au premier chapitre.

Pourquoi David a-t-il attendu si longtemps pour que les choses soit claires ? Pourquoi s’est-il accroché au pouvoir alors que le pouvoir lui glissait d’entre les mains ? Pourquoi n’a-t-il pas vu venir le coup de force ?

Parce qu’il était vieux, sans doute. Parce qu’il était habitué au pouvoir et qu’il ne voyait pas que le monde changeait autour de lui. Parce qu’il voulait rester aux commandes jusqu’au bout. David a évité la catastrophe de justesse.

Nous voyons cela dans le monde entier. Avec les vieux dictateurs et les vieux rois. Avec les vieux patrons et les vieux responsables politiques. Avec les vieux pasteurs et les vieux anciens. Avec les vieux parents.

Qu’on le veuille ou non une nouvelle génération viendra après nous. S’agripper à son poste, à son pouvoir, à son prestige, cela va un temps. Mais tôt ou tard il faut passer la main. Nous pouvons faire comme David et imaginer que nous avons encore le temps, que nous maîtrisons encore les choses, que tout le monde continue à nous suivre. Ou alors, nous pouvons faire comme Jésus, qui a mis trois ans à former l’équipe qui poursuivrait sa mission sur la terre. Quand nous assumons une responsabilité dans l’Eglise, nous voulons l’assumer de notre mieux pour la gloire de Dieu. Nous allons nous investir, travailler, nous donner de la peine. Et la dernière phase de notre mission va être de préparer la suite. Si possible de prévoir un ou des successeurs. Si possible de les former. Mais en tout cas de ne pas laisser derrière nous un panier à crabes.

Dans nos familles, nous commençons avec des bébés, des enfants. Mais progressivement nous aurons à faire à des adultes. Quelque part entre 18 et 25 ans ils ne seront plus des enfants soumis mais des adultes capables de prendre en main leur propre vie, d’avoir des avis différents des nôtres. La relation change, comme s’ils devenaient comme des partenaires, des égaux, des amis… avant d’être ceux qui nous aideront et nous protégeront quand nous serons trop faibles. Quand je vois des familles où un jeune adulte est traité comme un enfant mineur, choyé, protégé, bichonné, ou alors dompté, contrôlé, surveillé, j’ai mal pour les parents et j’ai mal pour l’enfant. Quelque chose n’a pas fonctionné. La suite sera peut-être pénible.

David veut se venger

Pour ce qui concerne le Temple et le culte, David a laissé un bel héritage à son fils Salomon et à des générations de croyants après. Pour la passation des pouvoirs, il a failli tout rater. Et pour un aspect, je trouve qu’il a été franchement mauvais. Il est quasiment sur son lit de mort et il dit ceci à son fils Salomon :

1 Rois 2.5-9

Par ailleurs, tu sais tout ce que m'a fait Joab, fils de Tserouya, et ce qu'il a fait à deux chefs des armées d'Israël, à Abner, fils de Ner, et à Amasa, fils de Yéter. Il les a assassinés en pleine paix comme s'il s'agissait d'un fait de guerre, il a pris sur lui la pleine responsabilité de ce meurtre. Tu agiras envers lui avec sagesse et tu ne le laisseras pas mourir tranquillement de vieillesse.

Mais n'oublie pas de traiter avec bonté les fils de Barzillaï, le Galaadite. Compte-les parmi ceux qui mangent à la table royale, car ils m'ont secouru avec bonté lorsque je fuyais devant ton frère Absalom.

Tu as aussi dans ton entourage Chimeï, fils de Guéra, un Benjaminite du village de Bahourim. Il a prononcé contre moi de terribles malédictions le jour où j'ai dû me réfugier à Mahanaïm. Mais lorsqu'il est venu à ma rencontre vers le Jourdain à mon retour, je lui ai juré au nom de l'Eternel que je ne le ferais pas mourir par l'épée. Maintenant, ne le considère pas comme innocent ; tu es un homme avisé et tu sauras comment tu dois le traiter : tu veilleras à ce qu'il soit mis à mort malgré son grand âge.

C’est quoi, ça ? On pourrait dire qu’il met Salomon en garde contre des gens qui essaierait d’abuser de son manque d’expérience. On pourrait dire que c’est de la realpolitik. Dans les faits, Salomon n’a pas assassiné ces deux hommes de sang froid. Il a attendu que l’un comme l’autre ils commettent une faute grave. Mais de la part de David cela vous donne tout de même l’impression d’un désir de vengeance.

Pour Joab, David demande à Salomon d’exécuter une mesure de justice qu’il était incapable de réaliser lui-même. Joab représente une menace : après tout, c’est lui qui a voulu consacrer Adoniya comme roi. Il y a peut-être là une justification. Mais pour Chimeï, David a fait le vœu de ne pas le tuer, et maintenant il demande à Salomon de le faire à sa place. Alors que c’est un vieillard qui ne menace plus personne.

Tout cela a l’air d’être un règlement de comptes. David a une haine tenace à l’égard de ces deux hommes. Il ne partira en paix que s’il sait qu’il sera vengé. Il ne dit pas seulement à Salomon de se méfier de ces hommes. Il lui dit de faire en sorte qu’ils ne meurent pas tranquilles dans leur lit.

Ce n’est pas très chrétien. Jésus et Etienne sont morts en demandant à Dieu de pardonner à leurs bourreaux. Et beaucoup de chrétiens martyrs les ont imités. David semble avoir oublié que Dieu lui a pardonné un adultère et un meurtre. Dans la vieillesse il est peut-être devenu amer et aigri.

Quel terrible avertissement pour nous ! Avec l’âge, certains chrétiens se bonifient. Et d’autres s’aigrissent. Certains cherchent à pardonner. D’autres à régler des comptes. Que choisissons-nous ? Que voulons-nous ?

Conclusion

David prépare l’avenir. Et nous, maintenant, qu’est-ce que nous allons retenir de son héritage ? J’espère que nous allons tirer les leçons des faiblesses et des fautes de ses vieux jours. Mais j’espère surtout que nous allons nous laisser inspirer par son héritage spirituel. C’est un bâtisseur d’Eglise avant l’heure.

Lecture éventuelle : Psaume 23