Les dix commandements (9) : Tu ne commettras pas de vol
Tu ne commettras pas de vol : Exode 20.15
Prédication du dimanche 10 octobre 2004
par le pasteur Gordon Margery
Introduction
Est-ce que quelqu'un ici connaît Pierre-Joseph Proudhon ? Ne le cherchez pas dans l'annuaire téléphonique, il est mort en 1865. J'ai pensé à lui à cause d'une formule devenue célèbre : « La propriété, c'est le vol ». Vous voulez mobiliser ceux qui n'ont rien, vous voulez en faire des troupes de choc pour la révolution ? Voilà alors un slogan qui en 150 ans n'a pas vieilli.
Mais qu'est-ce qui se passe quand tous les propriétaires sont au goulag et que les va-nu-pieds sont au pouvoir ? Ils deviennent propriétaires. Ils défendent leurs acquis et leurs privilèges. Et si on les chassait ? Si la révolution mangeait ses enfants, comme on dit ? Il y en aurait d'autres pour posséder à leur tour.
En fait, Proudhon n'était pas un révolutionnaire, il n'était ni marxiste, ni maoïste, ni trotskiste. Mon dictionnaire le qualifie de socialiste. Et il a équilibré son fameux slogan « La propriété, c'est le vol » par une autre phrase : « Nous voulons la propriété pour tout le monde. »
Evidemment, il y a des régimes où la propriété des uns se maintient par la spoliation des autres. Mais contester à tout le monde le droit de posséder quelque chose, c'est contraire à l'humanité et contraire à la Bible.
Les 10 commandements parlent du vol.
Je vous rappelle le contexte, en Exode 20.
Le texte
Le peuple des Hébreux se trouve au mont Sinaï, il reçoit ces paroles de la main même de Dieu :
Ex 20,2 Je suis l'Eternel ton Dieu qui t'ai fait sortir d'Egypte, du pays où tu étais esclave.
Ex 20,3 Tu n'auras pas d'autre dieu que moi.
Ex 20,4 Tu ne te feras pas d'idole ni de représentation quelconque de ce qui se trouve en haut dans le ciel, ici-bas sur la terre, ou dans les eaux plus bas que la terre.
Ex 20,7 Tu n'utiliseras pas le nom de l'Eternel ton Dieu pour tromper, car l'Eternel ne laisse pas impuni celui qui utilise son nom pour tromper.
Ex 20,8 Pense à observer le jour du sabbat et fais-en un jour consacré à l'Eternel.
Ex 20,12 Honore ton père et ta mère afin de jouir d'une longue vie dans le pays que l'Eternel ton Dieu te donne.
Ex 20,13 Tu ne commettras pas de meurtre.
Ex 20,14 Tu ne commettras pas d'adultère.
Ex 20,15 Tu ne commettras pas de vol.
Ce qu'il y a derrière ce commandement
Avant d'explorer davantage ce que la Loi veut dire par le vol, j'aimerais comme les autres fois, découvrir ce qu'il y a derrière ce commandement.
- La propriété
Et en premier lieu, il faut dire que ce commandement suppose qu'il est normal de posséder des choses. Des meubles, une voiture, une maison, une entreprise Ce que j'ai est le reflet de ma personnalité : j'ai travaillé, j'ai mis de côté, j'ai acheté, j'ai hérité de ma grand-mère Derrière l'objet, il y a la personne. Et c'est pour cela que les victimes de racket ou de cambriolages sont si choqués. Ils pourront sans doute s'acheter un autre portable. Les assurances rembourseront le cambriolage. Mais rien n'effacera le sentiment d'avoir été personnellement agressé, méprisé, abusé. S'attaquer aux biens, c'est s'attaquer à la personne.
Qu'elle soit riche ou pauvre, d'ailleurs. Ce sont les personnes modestes qui sont le plus souvent victimes de vol, parce qu'elles se protègent moins.
Dans l'Ancien Testament il y avait tout un dispositif pour protéger les biens d'une famille. Suite à une sécheresse ou une invasion de criquets, suite à une mauvaise gestion ou une injustice, une famille pouvait être amenée à vendre la terre de ses ancêtres. Mais la loi de Moïse interdisait de vendre cette terre à perpétuité. Tous les 50 ans, l'année du jubilée, les terres devaient revenir à leurs propriétaires d'origine. De cette façon là, toutes les familles pouvaient prendre un nouveau départ, et personne ne pouvait devenir propriétaire de tout. Pas de concentration immobilière.
Je ne sais pas si cette loi a été réellement appliquée. Probablement pas très longtemps, en tout cas. Mais il est clair que Dieu a anticipé sur Proudhon : « Nous voulons la propriété pour tout le monde. »
- Le travail
Donc, derrière le commandement sur le vol, il y a la notion de propriété. Et puis un deuxième élément fondamental : la valeur du travail. On peut citer l'apôtre Paul : Que le voleur cesse de dérober ; qu'il se donne plutôt de la peine et travaille honnêtement de ses mains pour qu'il ait de quoi secourir ceux qui sont dans le besoin. Eph 4.28
On sait bien que le travail peut être pénible. Mais le travail est mis en valeur dès la première page de la Bible. Ce n'est pas une punition en soi. C'est une réalité humaine incontournable. Nous sommes faits entre autres pour travailler. Il y a différentes formes de travail, évidemment, rémunérées ou pas. Mais l'oisiveté n'est pas une valeur biblique. C'était bon pour les citoyens romains, mais pas pour le peuple juif ou les chrétiens.
- La générosité
Le respect du bien d'autrui, la valeur du travail : et un troisième élément encore derrière le commandement : l'importance de la générosité. Paul le dit dans le texte que j'ai cité : Que le voleur cesse de dérober ; qu'il se donne plutôt de la peine et travaille honnêtement de ses mains pour qu'il ait de quoi secourir ceux qui sont dans le besoin. Et là, nous aborderons la version positive du commandement. Jésus a dit : Il y a plus de joie à donner qu'à recevoir.
Différents types de vol
Maintenant, j'aimerais explorer avec vous différents types de vol.
- L'argent
D'abord, bien sûr, le vol de l'argent ou des objets. Des enfants qui volent dans le sac à main de leur maman, cela existe. Des gens qui volent leur entreprise, cela existe. Mais il y a bien d'autres formes de vol.
Le recel d'un bien volé. On vous propose une montre, un portable, une voiture à un prix défiant toute concurrence. Vous savez l'origine de cet objet ? Si vous achetez un objet volé, vous êtes complice du voleur, et aux yeux de la loi vous êtes coupable du délit de recel.
Le travail au noir, la fraude à la douane ou sur la déclaration d'impôts. Ici beaucoup de gens trouvent qu'il n'y a pas de mal à frauder, parce que c'est l'Etat qui est lésé. Et l'Etat a plein de fric, il fait n'importe quoi avec.
Il est intéressant de constater que Jésus a dit de payer à l'Etat ce qui lui revient : Rendez à César, l'empereur, ce qui est à César. Et ces empereurs romains n'étaient pas des enfants de chur. Leur luxe, leur cruauté, leur mépris de la personne humaine étaient légendaires. Quand les apôtres Pierre et Paul écrivent à leur tour qu'il faut payer les impôts à l'empereur, c'est Néron, l'empereur. Un monstre. Mais l'autorité de l'Etat, même injuste, est généralement mieux que l'anarchie, certains pays aujourd'hui le savent. Le chrétien paie ses impôts, par motif de conscience, et pas parce qu'il a peur d'être pris.
La France est un pays avec une très forte protection sociale. Il y a des hôpitaux, des routes, des écoles, il y a de l'aide pour les familles nombreuses et pour les personnes âgées. Vous êtes d'accord avec ça ? Ca a un prix. Et le prix, ce sont les prélèvements sociaux. Vous travaillez au noir parce que c'est plus avantageux ? Alors vous êtes en train de voler ceux qui, eux, paient. Vous voulez profiter de la solidarité nationale et vivre dans un pays structuré, mais vous ne voulez pas payer votre part. Ce n'est pas juste.
Dans le même genre on peut mentionner le piratage et le non-respect du copyright : chants, films, logiciels, vêtements de marque. Quelqu'un a travaillé pour créer un chant, un film, un logiciel. Il est normal qu'il soit correctement rémunéré pour ce travail. Il le sera par le pourcentage qu'il touche sur les produits vendus. Mais si le CD est piraté, l'auteur est privé de son dû. C'est une forme de vol.
Et que dire des jeux d'argent ? On fait rêver des millions de gens, souvent des gens modestes, on prend leur argent, car ils vont perdre à coup sûr, et on donne une partie des résultats à quelques uns. Cent pour cent des perdants ont tenté leur chance ! C'est une escroquerie tout à fait légale.
Ici j'en veux à ceux qui créent des besoins toujours plus prestigieux et plus chers. Ils ciblent parfois exprès des populations qui n'ont pas beaucoup de moyens. Ils poussent même au vol et au trafic. Mais la Bible dit que la pauvreté n'excuse pas le vol. On paie ses cigarettes, sa bière, son shit, et on ne paierait pas un CD ?
Quand l'Etat disparaît derrière une horde de gangs et de miliciens, OK, on discutera du vol comme unique manière de survire. Et encore, dans ces conditions-là, c'est des pauvres que l'on vole, pas des riches, parce qu'ils se protègent. Le remède à la pauvreté, ce n'est pas le vol, c'est le travail, puis la solidarité. Jésus a dit : Tout ce que vous voudriez que les gens fassent pour vous, faites de même pour eux. Cela ne laisse pas beaucoup de place pour le val.
- Le temps
Nous pouvons voler autre chose que de l'argent. Nous pouvons voler le temps. Quand vous êtes payé pour travailler à la mairie, et que vous vous arrangez pour traîner, pour ne rien faire, pour bricoler votre maison ou votre voiture. C'est le vol du temps. Quand vous discutez au téléphone avec les amis, au lieu de vous occuper d'un client, d'un malade, c'est le vol du temps. On ne va pas se livrer à des comptes d'apothicaire. Un téléphone de 3 minutes au bureau, moins un téléphone de 2½ minutes depuis la maison, moins un SMS : on est quitte. Ce serait ridicule de faire comme cela, on perdrait du temps. Mais on peut avoir comme principe de respecter le temps de l'employeur.
- L'affection
On peut voler de l'argent, de différentes façons. On peut voler le temps. On peut aussi priver d'affection ceux qui y ont droit. L'apôtre Paul dit aux couples : Ne vous privez pas l'un de l'autre. Votre conjoint, vos enfants ont droit à votre affection. Si vous faites exprès de les négliger soi-disant à cause du travail, ou du sport, ou d'un loisir personnel, vous commettez peut-être une forme de vol. Le temps que vous devriez leur accorder, votre présence, votre attention, votre affection : ils en sont privés, par votre choix. On pourrait parler d'un vol affectif.
- Voler Dieu
Voler de l'argent, de différentes façons. Voler le temps et l'affection. On peut même voler Dieu. Cette expression se trouve dans le prophète Malachie : Un homme peut-il voler Dieu ? Pourtant, vous me volez, et puis vous demandez : " En quoi t'avons-nous donc volé ? " Lorsque vous retenez vos offrandes et vos dîmes ! Malachie 3.8. Dans l'Israël d'autrefois les dîmes servaient entre autres à l'entretien du culte : c'était dix pour cent des revenus. Les offrandes étaient des dons libres et volontaires. Dieu y avait droit. Dans la nouvelle alliance, il n'y a pas de tarifs, il n'y a pas d'obligation. Mais on n'imagine pas un chrétien qui n'aurait pas à cur de participer aux frais du culte, à l'évangélisation, à la mission, à l'aide humanitaire. Si vous ne le faites pas, ou si vous ne le faites pas proportionnellement à vos ressources, demandez-vous si vous n'êtes pas en train de voler Dieu.
Parler de Dieu et récolter de l'argent, c'est parfois très rentable pour des gens sans scrupule. Demandez des comptes, vérifiez, exigez la transparence. Mais ne vous privez pas de la joie de donner pour Dieu.
La forme positive du commandement
Et avec cela, j'aborde la dernière considération en rapport avec notre huitième commandement : sa forme positive.
C'est dit, n'est-ce pas ? Travailler pour pouvoir donner. Donner, surtout, c'est la façon de vous libérer de l'esclavage de l'argent. Jésus a dit : Il y a plus de joie à donner qu'à recevoir.
Conclusion
Et si vous vous reconnaissez aujourd'hui coupable face au 8e commandement ? S'en prendre à l'homme, c'est aussi une faute contre Dieu. La Loi de Moïse exige la restitution du bien volé, plus le versement d'une indemnité en guise de dommages et intérêts. Zachée, le percepteur véreux, propose à ceux qu'il aurait lésés quatre fois la somme perçue à tort. Quand vous demanderez pardon à Dieu, demandez-lui aussi de quelle façon vous pouvez réparer le mal que vous avez fait.
Qu'est-ce qui changerait dans notre vie de tous les jours si nous tenions plus compte du 8e commandement : Tu ne commettras pas de vol » ?