Le respect
1 octobre 2006

Le respect

Prédicateur:
Passage: 1 Pierre 2:11-25

Introduction

C’est un mot tout à fait respectable. Mais il me fait penser aux Inconnus et leurs sketches avec des types qui ne respectent rien ni personne. C’est un mot qu’on utilise avec le verbe exiger. C’est un mot qu’on prononce parfois pour dire ou faire son contraire. C’est un mot dont on a tellement abusé que j’ai peur de m’en servir. Et pourtant c’est un mot noble que les marins utilisent à propos de la mer et que les rugbymen utilisent à propos de leurs adversaires. C’est le mot respect.

J’aime bien enseigner la Bible de façon systématique. Et c’est ainsi que j’arrive ce matin à une section de la première lettre de Pierre où il sera question de respect. Pour bâtir des ponts, comme nous en avons parlé il y a deux semaines, le respect de l’autre est indispensable.

Mais je ne commencerai pas là. Je commencerai par la lecture de 1 Pierre 2, les versets 11 à 17.

Lecture

« Se soumettre à toute créature humaine »

Le contexte est toujours notre manière de vivre en tant que chrétiens dans un monde païen. L’art de vivre de telle façon que les critiques se taisent et qu’ils soient préparés, le moment venu, à se tourner vers Dieu.

Nous avons déjà médité les versets qui parlent de bonnes actions et des désirs qui font la guerre à l’âme. J’aimerais regarder de plus près ce qui suit, à partir du verset 13. Les traducteurs, qui connaissent tous le grec mieux que moi, ne sont pas d’accord sur la façon de dire le verset 13 en français. La Bible à la Colombe dit que nous devons nous soumettre à toute institution humaine ; la Bible du Semeur que nous devons nous soumettre à nos semblables en tant que créatures de Dieu. La difficulté vient du fait que le texte dit mot à mot : à toute créature humaine et donne ensuite l’exemple du roi, du maître et du mari. L’idée est que le chrétien se soumet à un certain nombre de personnes humaines. Ces personnes ne sont pas des dieux, comme les empereurs romains, ce ne sont pas des autorités absolues comme certains patrons ou certains maris aimeraient bien l’être. Ce sont des créatures de Dieu, redevables à Dieu.

La tentation, c’est que le chrétien dise à partir de là : Je n’ai pas de comptes à rendre aux autorités ou à mon employeur ou mon mari ou mes parents ou mes profs : de toutes façons, ils ne connaissent pas Dieu. Moi je connais Dieu, je connais la Parole de Dieu, je ne tiens pas compte des institutions et des gens qui les représentent. Il y a des chrétiens qui raisonnement comme cela. Mais l’apôtre dit : A cause du Seigneur, soumettez-vous à toute créature humaine. Puisque nous avons du respect pour Dieu, nous avons du respect pour les structures qui sont en place dans sa création. Les humains ne sont pas faits pour vivre comme une horde désordonnée et anarchique : ils vivent dans des familles, dans des villes, dans des nations, ils s’organisent. Et cette organisation est même un don de Dieu. Romains 13 le dit.

Les autorités

Se soumettre au roi. En l’occurrence l’empereur romain. En l’occurrence, Néron ! Qui était tout sauf un enfant de cœur. A titre personnel, une ordure. A titre symbolique, le garant des lois auxquelles le citoyen se soumet. Il nomme les gouverneurs, qui à leur tour sont chargés de punir ceux qui font le mal et d’encourager ceux qui font le bien.

Pour nous donc, aujourd’hui, le respect des lois et des autorités s’impose. Les ministres, les préfets, les maires, les juges ; la police, les impôts, l’inspection du travail, la CAF. Ils ne sont pas parfaits. Ils font des erreurs, et parfois de graves erreurs. Nous avons le droit de contester leurs décisions. Mais fondamentalement, notre attitude est une attitude de respect. Non pas parce que nous leur serions soumis comme des esclaves à leurs maîtres. Mais, dit Pierre, parce que nous sommes des hommes et des femmes libres qui avons du respect pour Dieu.

D’ailleurs le monde ne se trompe pas sur notre compte. Le collègue qui se vante d’avoir ramené de Thaïlande trois montres Rolex pour 10 euros, le même va nous humilier devant tout le monde pour avoir écopé d’une amende pour stationnement. Il sait comment un chrétien doit se comporter, même quand nous ne le savons plus.

Le respect de tous

Le principe du respect va plus loin que le respect de la loi et de ceux qui la représentent. Pierre dit : Honorez tout le monde. Témoignez à tout homme le respect auquel il a droit. Il utilise le mot pour tout être humain, homme ou femme, adulte ou enfant. Si nous sommes dans une position de responsabilité, nous devons le respect à ceux qui sont nos subordonnés, nos élèves, nos employés, nos enfants. Nous nous souvenons qu’eux aussi sont les créatures de Dieu et que Dieu nous jugera les uns et les autres sans favoritisme. La femme de ménage devancera peut-être dans le royaume de Dieu le directeur de l’hôpital. Le directeur de l’hôpital va peut-être devancer la femme de ménage.

Concrètement, comment est-ce que nous allons manifester ce respect envers tous ?

Il me semble que le premier pas, c’est de reconnaître l’existence de l’autre. C’est pour cela que quand on débarque dans une réunion on fait le tour de la pièce en saluant tout le monde. En Angleterre on se contenterait d’un vague geste de la main sur le pas de la porte. Mais en France, on tient à saluer et donc à reconnaître la présence de chacun. En Eglise, c’est parfois un peu compliqué. Il y a beaucoup de monde, vous voulez attraper monsieur Dupont avant qu’il ne parte et vous passez devant madame Durand sans lui dire bonjour. C’est inévitable. Si vous avez le temps, vous reviendrez sur vos pas pour saluer madame Durand, mais il y a des chances pour qu’elle ne soit pas là. J’espère qu’elle ne boude pas !

Et ces voisins ? Il y en a qui ont tellement peur de sortir de leur coquille que vous les croisez dans la rue ou dans l’escalier et ils font semblant de ne pas vous voir. C’est à nous à ce moment-là de faire le premier pas, de le refaire, et de le refaire encore. Reconnaître l’existence de l’autre. Reconnaître l’existence de la caissière, du facteur, de la dame qui fait traverser vos enfants, du monsieur qui vide votre poubelle.

Et au-delà de cela ? Je crois qu’il existe des relations au travail, dans les associations, dans un quartier… où l’on va au-delà de la reconnaissance. On fait connaissance. Et là encore, le respect s’impose. En face de moi se trouve quelqu’un qui ne me ressemble pas. Il vient de quel pays ? Qu’est-ce qui compte pour lui dans la vie : ses enfants ? sa religion ? son travail ? ses loisirs ? Quels sont ses soucis : la santé ? l’école ? la famille ? Les gens sont parfois prêts à ouvrir une fenêtre dans leur vie privée, surtout si nous en faisons autant. Et là encore, le respect s’impose. Ils se racontent : il n’est pas dit qu’ils cherchent des conseils. Ils se racontent : mais ils ne veulent pas forcément tout raconter. Ils se racontent : mais pas pour qu’on le redise plus loin.

Si nous voulons être entendus, le respect de l’autre et l’écoute de l’autre s’imposent. C’est ainsi que nous bâtirons quelques ponts.

Parfois, sans même nous en rendre compte, nous communiquons le mépris. Ces blagues sur les femmes, sur les Belges, elles disent tout sauf le respect. Ces remarques sur le collègue qui n l’est pas là pour se défendre : c’est tout sauf le respect. Et le monde autour de nous le sait. Dévaluer les autres pour mieux se valoriser soi-même, c’est manquer à notre devoir devant Dieu : ayez du respect pour toute créature humaine.

Et quand nous ne sommes pas respectés ?

Si nous respectons les autres, il serait normal qu’on nous respecte, nous. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Le mépris, la calomnie, le harcèlement, le vol, l’injustice, la violence même, plusieurs d’entre nous en savons quelque chose. Que faire dans ces cas-là ?

Dans la dernière partie de notre lecture, l’apôtre Pierre abordait un cas concret qui va servir de modèle pour nous. L’esclave face à son maître. Toute l’économie de Grèce et de Rome reposait sur l’esclavage. Les conquêtes de l’armée romaine ramenaient des esclaves par centaines de milliers. Certains étaient bien traités, comme lorsque nous achetons une voiture et que nous l’entretenons régulièrement. Nous protégeons notre investissement. D’autres étaient mal traités, sans aucun recours possible.

Que faire, si nous constatons, nous, qu’il n’y a aucun recours possible ? La réponse de l’apôtre tient en deux points.

Tout d’abord, nous respectons nos valeurs à nous, nous respectons notre Dieu. Nous continuons à faire le bien. Nous ne répondons donc pas à la haine par la haine ; nous ne répondons pas au mensonge par le mensonge ; nous ne répondons pas à la violence par la violence. Romains 13 dit : « Ne vous vengez pas vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu. » Cette colère de Dieu qui s’exprimera peut-être à travers les magistrats qu’il a voulus ; qui s’exprimera peut-être par un retournement de situation inattendu ; qui s’exprimera à coup sûr au jour du jugement.

Vous vous êtes réjouis quand vous avez appris la fausse nouvelle de la mort d’Ousama bin Laden ? Moi je me suis dit : Ce pauvre homme doit maintenant répondre devant le juge de toute la terre d’avoir perverti tant de gens, d’avoir propagé tant de mensonges, d’avoir fait couler tant de sang. Je ne voudrais pas être à sa place.

Que faire quand nous subissons des injustices sans aucun recours possible ? Nous maintenons le cap, nous continuons à faire le bien.

Et en même temps, c’est le deuxième aspect, nous tournons les yeux vers Jésus-Christ, nous nous laissons inspirer par lui. (Relecture vs 21-25.)

Le monde n’a pas changé depuis l’an trente. On a trouvé le moyen de condamner pour des crimes imaginaires le seul homme qui n’ait jamais péché. Et nous, on va passer à travers les gouttes ? Avouons-le, ce n’est pas très probable.

Du coup, l’exemple de Jésus est un modèle pour nous. Il a continué à faire le bien. Il n’a pas répondu au mal par le mal. Il a remis sa cause entre les mains du juste juge. C’est la clef de tout, quand les démarches de réparation ou de réconciliation échouent, quand il n’y a rien à y faire. Imiter Jésus en remettant sa cause entre les mains du juge de toute la terre. Nos souffrances ne sont pas une expiation comme l'étaient celles de Jésus. Elles sont plus simplement le résultat de notre solidarité avec une humanité déchue. Elles peuvent être surmontées si nous tournons les regards vers Jésus. Nous avons le choix : entretenir la haine et l’amertume, pour rester encore esclave de notre bourreau. Ou nous en libérer en remettant notre cause au seul juge de toute la terre.

Conclusion

Le respect. Pour les autorités humaines. Pour toute personne. Une attitude à cultiver. Et avant tout, le respect envers Dieu, sans qui nous ne tiendrons pas la route.

Amen.