Introduction

Ce n'est pas l'eau qui a ravagé la ville, mais le feu. Six jours et sept nuits d'un incendie criminel au profit d'une immense opération immobilière. Trois des quatorze quartiers de la ville s'enflamment. Les immeubles lépreux et les villas les plus luxueuses. Les monuments historiques et les entrepôts alimentaires. Quand on voit venir des gens avec des torches on n'ose même pas les arrêter : ce sont les valets du roi ! Et le soir, du haut d'une tour, le roi observe les flammes et chante des airs de son cru.[1] Il se croit artiste !

Après l'incendie de Rome, Néron se demande s'il n'est pas allé un peu loin. Ses espions lui rapportent que la population est en colère. Il va falloir trouver des coupables. Et les coupables sont tout désignés, ce sont les chrétiens. Ceux qu'il arrête sont mis à mort dans d'atroces souffrances. Certains sont enduits de résine et allumés pour éclairer les jardins de Néron le soir.[2] Nous sommes en l'an 64 après Jésus-Christ.

La même année que l'apôtre Paul écrit sa première lettre à Timothée, ou juste avant.

Paul n'est pas à Rome, Timothée non plus. Mais dans la lettre il est question de Néron. Je vous lis quatre versets dans 1 Timothée 2.1-4..

Lecture

En Église, prier pour tous les hommes

Si Paul écrit à Timothée, c'est qu'il a une liste de sujets qu'il veut traiter pour que ça se passe bien dans l'Église d'Ephèse. Au chapitre 1, il aborde un problème urgent qui menace l'existence même de l'Église : les prédicateurs qui déforment l'enseignement de la Bible. Au chapitre 2 et par la suite, il abordera des sujets importants, mais moins dramatiques. Et dans le court extrait que nous avons lu, il parle de la prière lors des réunions de l'Église.

Je dis bien la prière lors des réunions de l'Église, plutôt que la prière privée, à cause de ce qui suit dans le reste du chapitre. Paul souhaite que lorsque l'Église se réunit il y ait des prières pour tous les hommes. Plusieurs types de prières : des demandes qui seront faites en fonction des besoins ; des supplications, plus intimes ; des actions de grâces. Quand l'Église se réunit, elle entre en dialogue avec Dieu au sujet du monde entier, tantôt pour remercier, tantôt pour intercéder. Ce n'est pas ce qu'on a pris l'habitude d'appeler la louange, mais c'est un ingrédient essentiel de notre relation avec Dieu. Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Quand nous prions comme cela, c'est quand même une sorte de louange. Nous reconnaissons par là que Dieu est souverain et qu'il doit avoir le dernier mot sur la terre. Nous nous tournons vers Dieu, nous cherchons à nous associer à son plan pour le monde, nous l'honorons en demandant que sa volonté soit faite.

Prier les uns pour les autres, prier pour les autorités de notre pays, prier pour le monde musulman, prier pour la Corée du Nord, c'est normal, cela fait partie de l'offrande spirituelle que nous apportons à Dieu.

Quand Paul dit de prier pour tous les hommes, il utilise le mot qui en grec désigne l'être humain, homme ou femme. Et quand il dit tous, il veut dire tous. Nos amis et nos ennemis. Les chrétiens et les non-chrétiens. Les adultes et les enfants. Les bons et les méchants. Dans les jours qui viennent, pendant le mois du ramadan, nous sommes invités à prier pour les musulmans qui sont nos frères en Adam. Prenez la brochure spéciale, elle vous aidera, elle vous inspirera. Encore au mois d'octobre la Fédération évangélique de France nous invite à prier pour les autorités de notre pays : prenez la feuille jaune-orange pour en savoir plus. La Bible nous dit de prier pour tous les hommes.

Prier pour les autorités

Et en particulier Paul nous dit de prier pour le roi et pour les autorités. Est-ce qu'il était déjà au courant des persécutions à Rome ? Je ne sais pas. Mais il devait certainement savoir que Néron était un monstre d'avarice, de débauche et de cruauté. Eh bien, c'est pour celui-là qu'il faut prier. Parce que Dieu veut le salut de Néron. Dieu veut que ses administrés vivent dans la paix. Si tu pries pour ton ennemi, ta haine va être transformée, et ta peur aussi. Si tu pries pour ton ennemi, il n'aura plus aucun pouvoir sur toi.

Prier pour tous les hommes… pour le roi… et pour tous ceux qui exercent l'autorité. C'est au plus haut niveau de l'État que les lois sont décidées. Mais c'est plus près de nous que l'injustice peut se faire sentir. L'autorité d'un élu local, d'un professeur, d'un employeur, d'un simple gardien de la paix ou d'un employé de la préfecture peut faire beaucoup pour notre bonheur ou notre malheur. Voilà pourquoi Paul nous demande de prier pour tous ceux qui exercent l'autorité. La justice de l'empereur a protégé Paul contre des accusations injustes et des tentatives d'assassinat. Mais sur le plan local c'était très mitigé. Dans la ville de Philippes les magistrats de la ville l'ont fait battre et l'ont jeté en prison. Le gouverneur romain Félix ne lui a jamais fait justice, parce qu'il espérait un pot de vin. Voilà pourquoi il fallait prier pour les autorités de tout bord.

Cela a un côté qui me fait parfois grimacer. Quand les chrétiens prient pour les autorités et qu'ils le leur disent, j'ai parfois l'impression qu'il s'agit d'une sorte de flagornerie. On leur ferait des courbettes, on leur ferait la cour dans l'espoir d'obtenir quelque avantage. Mais ce n'est pas cela dans la pensée de la Bible. Écoutons dans l'Ancien Testament ce que Jérémie a dit à ses compatriotes qui sont exilés en terre ennemie à Babylone :

Jr 29,4              " Voici ce que déclare le Seigneur des armées célestes, Dieu d'Israël, à tous les exilés que j'ai fait déporter de Jérusalem à Babylone :

Jr 29,5              Construisez des maisons et installez-vous y, plantez des jardins et mangez-en les fruits,

Jr 29,6              mariez-vous et ayez des enfants ; mariez vos fils et donnez vos filles en mariage et qu'elles aient des enfants ! Multipliez-vous là-bas, et ne laissez pas diminuer votre nombre.

Jr 29,7              Recherchez la prospérité de la ville où je vous ai déportés et priez l'Eternel en sa faveur, car de sa prospérité dépend la vôtre.

Nous sommes solidaires du reste de l'humanité. Nous devons donc chercher le bien de tous, et prier pour le bien de tous. Les autorités, dit Romains 13, sont au service de Dieu, elles ont été voulues par Dieu pour la défense du bien. En Romains 13, c'est encore de Néron qu'il s'agit. Et si on dit que c'était un tyran, on peut aussi reconnaître que l'absence de tout gouvernement est même pire qu'un gouvernement tyrannique.

Prier pour le bien de la ville, prier pour les autorités, cela peut paraître en fait égoïste. Paul dit de prier afin que nous menions une vie paisible et tranquille, en toute piété et toute dignité. Mais il enchaîne par une phrase qui est tout sauf égoïste : Voilà ce qui est bien devant Dieu, notre Sauveur, ce qu'il approuve. Car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité.

Les chrétiens ne visent pas à prendre le pouvoir. Ils veulent la sécurité, la paix, la liberté du culte. Et derrière cela ils veulent s'aligner sur la volonté de Dieu, qui veut sauver les humains.

Vous remarquerez qu'on ne peut pas séparer le salut de la connaissance de la vérité. Le verset 4 ne dit pas que tout le monde sera effectivement sauvé. Il dit que la volonté de Dieu est de sauver, en sous-entendant que les humains peuvent très bien lui tourner le dos – comme l'ont fait au chapitre 1 Hyménée et Alexandre. Et le lien entre la liberté de l'Église et le salut des humains, c'est que Dieu a choisi l'Église pour porter la connaissance de la vérité au monde. Nous vivons en paix ? Raison de plus pour annoncer l'Évangile ! Il est vrai que dans certains pays du monde des milliers de gens se convertissent à Christ au milieu d'une grande insécurité. Mais la voie normale, c'est que nous annoncions l'Évangile dans la paix.

Nous prions ainsi dans le droit fil de la volonté de Dieu pour le monde.

Prier sans cesse

Une question pratique, maintenant : Est-ce que nous le faisons vraiment ? La Bible dit de prier sans cesse. Est-ce que nous disons plutôt de prier quand nous avons envie, ou quand nous sommes dans le pétrin, ou quand quelqu'un est malade ? Comment faire, pour prier comme Dieu le veut ?

Je peux simplement vous dire ce qui m'aide, moi, qui ne suis pas un très grand prieur. Ce qui m'aide, c'est de prier de trois façons différentes : par discipline ; par impulsion spontanée ; et en Église.

Prier par discipline. Qu'il vente ou qu'il pleuve, j'ai un objectif : de prier avant de partir au bureau. Lundi pour quelques-uns de mes collègues ou des Églises sœurs ; mardi pour la Bretagne ; mercredi pour des amis et des Églises en Angleterre ; jeudi pour les responsables de l'Église et leur conjoint ; vendredi pour le monde musulman, pour Antoine et Michèle et Bernhard ; samedi pour des missionnaires ; et dimanche pour ma famille. Je dis bien que c'est un but : mais avant de me raser j'arrive à prier ainsi, allez, cinq ou six jours sur sept. Je peux faire mieux. Je n'ai pas envie de faire moins.

Prier par discipline, prier par impulsion spontanée. Quand je pense à quelqu'un, n'importe quand dans la journée. Des fois à deux avec Avril ou Manu ou Christian ou Doug. Sans préméditation. Après un coup de fil ou un entretien.

Et puis, prier en Église. Parce que je ne suis pas un grand prieur, j'ai besoin de l'Église pour m'aider à prier. Le dimanche. Le mercredi dans un groupe de maison. Le premier mercredi du mois ici à l'église. Sans ces points fixes, sans l'aide de mes frères, je prierais moins, je serais moins en phase avec le plan de Dieu pour moi et pour le monde. Je suis fatigué, je n'ai pas envie de sortir, c'est l'hiver, il fait froid, il pleut, la télévision m'appelle… mais en priant avec mes frères je suis remotivé, je rentre heureux.

Je sais, ce que je dis n'est pas très glorieux. Je cite mon malheureux cas personnel pour vous dire : prier pour tous les hommes, c'est possible. Car Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité.

Conclusion

Généralement à la fin de nos prières nous disons : Amen. Si vous êtes d'accord pour aller un peu plus loin dans la prière suite au message de ce matin, je vous invite à le dire maintenant : Amen !

[1] Suétone, Vie des Douze Césars, Néron XXXVIII

[2] Tacite, Annales, XV 44