Paul et les femmes
16 octobre 2005

Paul et les femmes

Prédicateur:
Passage: 1 Timothée 2:9-15

Introduction

Saint Paul était misogyne. Voilà ce que l'on peut lire régulièrement dans le Nouvel Observateur ou l'Express. On le trouve aussi dans le livre de Dan Brown. L'apôtre Paul n'aimait pas les femmes, il était contre les femmes.

Je crois que c'est faux. Pourquoi ? Parce ces auteurs copient les uns sur les autres sans vérifier à la source. Je vous en laisse juges, avec quelques versets bibliques que je vais afficher. (Eph 5.25-28 ; 1 Cor 7.3-4 ; Rom 16.)

Deux transparents

Je trouve particulièrement fortes ces salutations à la fin de Romains 16. Ce n'est pas le théologien qui parle ici, c'est l'homme de cœur.

D'où vient alors l'accusation de misogynie, de mépris à l'égard des femmes ? Sans doute d'une mauvaise compréhension de textes comme celle que nous voulons étudier ce matin, en 1 Timothée 2.9-15.

Affichage

Jusqu'ici notre étude d'1 Timothée a été relativement facile. Aujourd'hui, nous essayerons de décoder un passage qui a fait couler beaucoup d'encre.

Problème n°1 : la tenue des femmes

Commençons par un premier problème, celui de la tenue des femmes. Je vous rappelle que nous sommes ici dans le contexte d'une réunion de l'Église, une réunion de prière ou un culte. Au verset 8, Paul dit un mot aux hommes[1] : ils doivent prier sans colère ni esprit de dispute, ils doivent être purs. Au verset 9, Paul dit un mot aux femmes – ce qui suppose déjà qu'elles participent à ces réunions où l'on prie. Elles sont incluses dans la vie de l'Église. Elles aussi doivent prier sans colère ni esprit de dispute, elles doivent être pures. Puis, il y a un mot de plus. Je le relis.

Je veux que les femmes agissent de même, en s'habillant décemment, avec discrétion et simplicité. Qu'elles ne se parent pas d'une coiffure recherchée, d'or, de perles ou de toilettes somptueuses, mais plutôt d'œuvres bonnes, comme il convient à des femmes qui déclarent vivre pour Dieu.

Pour toutes sortes de raisons les chrétiens et les chrétiennes ont une préférence pour la simplicité, la modération, la sobriété, la retenue. C'est important dans une vie d'Église où nous accueillons les gens de toutes conditions sociales. Mais suivant les pays et les occasions les codes vestimentaires changent. Entre l'Europe et l'Afrique ; entre le travail et l'Église ; entre la vie de tous les jours et un mariage. Il est donc impossible d'imposer des règles à ce sujet. On peut simplement indiquer des lignes générales. Nous allons éviter la provocation et la frime : nous ne sommes pas là pour ça. Nous préférons les bonnes œuvres aux bons habits. Nous voulons soigner notre caractère et nos attitudes encore plus que notre apparence. L'apparence envoie un message : de joie ou de tristesse ou de séduction ou de révolte… Il faut soigner son apparence. Mais il faut surtout soigner son âme. C'est ce que Paul dit, et ce n'est pas choquant. Mais la suite est plus compliquée.

Problème n°2 : le silence des femmes

Le deuxième problème, je l'appelle le silence des femmes. Si vous avez la Bible du Semeur, vous n'avez pas de problème ici. Mais si vous avez une traduction plus ancienne, vous avez une parole qui semble interdire aux femmes de prendre la parole en Église. Comparez la Segond 1910 et la Semeur 2000 :

Transparent

Entre garder le silence et rester paisible, il y a une énorme différence. Qu'est-ce que me dit que la Bible du Semeur a raison et que Louis Segond a tort ? Deux choses.

D'abord le contexte immédiat. Au verset 2, nous sommes invités à prier pour les autorités afin de vivre une vie paisible, c'est l'adjectif grec hsuciov. Dans les versets 11 et 12 les femmes sont invitées à avoir une attitude paisible, c'est le substantif hsucia. Entre la vie paisible du verset 2 et l'attitude paisible du verset 11, je ne pense pas que le mot change de sens.

Deuxième argument, le contexte général de l'enseignement de Paul. Dans son épître aux Corinthiens il admet expressément que dans les réunions de l'Église les femmes vont pouvoir prier et prophétiser. On peut prier dans le silence, mais on ne peut pas apporter un message de la part du Seigneur sans parler à haute voix. Nous pourrions discuter de la forme de cette prophétie, je crois qu'il y a beaucoup de malentendus ici. Mais pour aujourd'hui au moins nous pouvons dire que dans l'enseignement de Paul les femmes ont droit à la parole. C'est dans 1 Corinthiens 11. Dans les Actes des Apôtres nous trouvons Paul chez son ami Philippe, à Césarée : et Philippe avait quatre filles qui prophétisaient. Elles parlaient à l'Église de la part de Dieu.

Pourquoi fallait-il alors dire aux femmes de rester tranquilles, d'écouter paisiblement ? Peut-être à cause de l'ambiance détendue des cultes. Peut-être à cause du contexte culturel, avec des prêtres païens qui officiaient dans les temples alors que les gens discutaient autour. Peut-être parce que les femmes, privées d'instruction la plupart du temps, ne comprenaient pas tout et interrompaient la réunion pour poser des questions. Quelle que soit la raison pour laquelle Paul insiste sur la tranquillité, il Paul ne leur impose le silence total en aucun cas. Les femmes ont droit à la parole.

Problème n° 3 : l'enseignement des femmes

Nous arrivons au troisième problème, et c'est le plus ardu. C'est l'enseignement des femmes. Qu'est-ce que Paul interdit, au juste ? Et le fait-il uniquement pour l'Église d'Ephèse au 1er siècle, ou pour les Églises de toujours ? Nous avons de nouveau une question de traduction :

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Entre les deux versions, la différence est subtile. Dans le premier cas, nous avons l'impression que Paul interdit toute forme d'enseignement et toute forme d'autorité ; dans le deuxième cas, il n'interdirait qu'une forme d'enseignement qui serait en même temps une prise d'autorité.

L'Église d'Ozoir a opté pour la deuxième version. Pourquoi ?

Parce que la première version ne colle pas avec la femme qui prophétise en 1 Corinthiens 11 ou avec les quatre filles de Philippe en Actes 21. Quand Paul explique aux Corinthiens ce qu'est la prophétie il leur dit que c'est une parole claire qui console, édifie, encourage et instruit. C'est en 1 Corinthiens 14. Une forme d'instruction est donc incluse dans la prophétie… et du coup, une forme d'enseignement est ouverte aux femmes et édifie les hommes. Ceci est conforme à la pratique de beaucoup d'Églises, dont la nôtre.

Pourquoi alors une restriction ? On pourrait dire que les femmes d'Ephèse n'étaient pas suffisamment instruites, et que si elles s'instruisaient l'interdiction tomberait. On pourrait dire que c'est relatif à la culture de l'époque. Sans doute.

Mais dans le passage que nous avons lu, Paul tire un argument de la création, de la place relative d'Adam et d'Eve, d'une sorte de primauté accordée à Adam. Ca va donc plus loin que la ville d'Ephèse au 1er siècle. Dans le couple, les psychologues parlent de la femme qui représente la tendresse et l'homme qui représente l'autorité. Il donne la loi. Les deux en fait doivent faire preuve de tendresse, les deux exercent l'autorité. Mais, symboliquement, la mère est plus tendresse et le père est plus autorité. La Bible dit quelque chose de semblable, je crois. Il y a une responsabilité masculine qui est inscrite en nous dès les origines. Et dans l'Église, l'apôtre souhaite que la symbolique des rôles soit maintenue : l'Église reflète la famille. Quand il s'agit donc de donner la loi, d'écarter les faux docteurs comme il en était question au chapitre 1, ce rôle incombe normalement aux anciens qui sont des hommes.

La plupart du temps dans l'Église, l'enseignement n'a pas ce côté qui vise à fixer une ligne officielle. La prédication va être faite en toute simplicité par un homme ou une femme. Nous avons besoin des deux. De Prisca et d'Aquilas. D'Andronicus et de Junia. De Philippe de Césarée et de ses quatre filles.

Problème n° 4 : sauvée en devenant mère ?

Nous arrivons au quatrième et dernier problème. Un peu moins complexe, heureusement. Regardez dans vos Bibles le dernier verset du chapitre 2. De nouveau la Bible du Semeur n'est pas d'accord avec le docteur Louis Segond.

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La femme, au singulier, Eve, sera sauvée en devenant mère ? Il y aurait la doctrine du salut par la foi, il faudrait ajouter le salut par la grossesse ? Non, évidemment non. Paul est en train d'équilibrer ce qu'il vient de dire à propos de la désobéissance d'Eve. D'ailleurs, normalement il parle de la faute d'Adam : ici il parle de la faute d'Eve. Et comme souvent quand il parle des hommes et des femmes, il corrige une parole apparemment négative par une parole positive. Eve a fauté. OK. Mais elle sera aussi source de salut, car sa descendance va écraser la tête du serpent. Elle sera sauvée, littéralement, par la naissance de l'enfant. Lequel ? Celui qui, en écrasant le serpent, sera lui-même mortellement blessé : le messie, le Christ, le descendant. Et toutes les femmes – nous passons au pluriel – seront sauvées par la foi persévérante en Christ.

Conclusion

Je vous livre un secret de famille. Ma femme me demande parfois ce que je ferais sans elle. Je mangerais n'importe quoi, je m'habillerais n'importe comment, je mélangerais les cousines et les nièces, j'oublierais les anniversaires. Que ferais-je sans Avril ? Je suis l'homme sauvé par sa femme. Nous sommes peut-être nombreux dans ce cas.

Ici, dans 1 Timothée, c'est autrement plus sérieux, plus profond. L'apôtre Paul enseigne que pour être sauvée, la race humaine avait besoin de celui qui naîtrait d'une femme et qui donnerait sa vie pour nous racheter. Paul était-il misogyne ? Non, pas du tout. Si nous arrivons à honorer et à valoriser les femmes comme lui, nous aurons fait de grands progrès.

Amen.

 

Paul misogyne ?

Eph 5.25 -28 Quant à vous, maris, que chacun de vous aime sa femme comme le Christ a aimé l'Église : il a donné sa vie pour elle afin de la rendre digne de Dieu après l'avoir purifiée par sa Parole, comme par le bain nuptial. Il a ainsi voulu se présenter cette Église à lui-même, rayonnante de beauté, sans tache, ni ride, ni aucun défaut, mais digne de Dieu et irréprochable. Voilà comment chaque mari doit aimer sa femme comme si elle était son propre corps : ainsi celui qui aime sa femme s'aime lui-même.

1.Cor 7.3-4 Que le mari accorde à sa femme ce qu'il lui doit et que la femme agisse de même envers son mari. Car le corps de la femme ne lui appartient plus, il est à son mari. De même, le corps du mari ne lui appartient plus, il est à sa femme.

Rom 16.1-2 Je vous recommande notre sœur Phoebé, diacre de l'Église de Centrées. Réservez-lui, comme à quelqu'un qui appartient au Seigneur, l'accueil que lui doivent des chrétiens. Mettez-vous à sa disposition pour toute affaire où elle aurait besoin de vous. Car elle est intervenue en faveur de beaucoup et, en particulier, pour moi.

Rom 16.3-5 Saluez Prisca et Aquilas, mes collaborateurs dans le service du Christ Jésus. Ils ont risqué leur vie pour sauver la mienne. Je ne suis pas seul à leur en devoir gratitude. C'est aussi le cas de toutes les Églises des pays païens. Saluez aussi l'Église qui se réunit dans leur maison.

Rom 16,6 Saluez Marie, qui s'est beaucoup dépensée pour vous.

Rom 16,7 Saluez Andronicus et Junia, mes compatriotes : ils ont été mes compagnons de captivité ; ce sont des apôtres remarquables, qui se sont même convertis au Christ avant moi.

Rom 16,12 Saluez Tryphène et Tryphose qui toutes deux travaillent pour le Seigneur, ainsi que ma chère Perside qui a beaucoup travaillé pour le Seigneur.

Rom 16,13 Saluez Rufus, cet homme de grande valeur, et sa mère, qui est aussi une mère pour moi.

Rom 16,15 Saluez Philologue et Julie, Nérée et sa sœur, Olympas et tous ceux qui appartiennent à Dieu et sont avec eux.

Rom 16,16 Saluez-vous les uns les autres en vous donnant le baiser fraternel. Toutes les Églises du Christ vous adressent leurs salutations.

1 Timothée 2.9-15 (Bible du Semeur)

9 Je veux que les femmes agissent de même, en s'habillant décemment, avec discrétion et simplicité. Qu'elles ne se parent pas d'une coiffure recherchée, d'or, de perles ou de toilettes somptueuses,

10 mais plutôt d'œuvres bonnes, comme il convient à des femmes qui déclarent vivre pour Dieu.

11 Que la femme reçoive l'instruction dans un esprit de paix et de parfaite soumission.

12 Je ne permets pas à une femme d'enseigner en prenant autorité sur l'homme. Qu'elle garde plutôt une attitude paisible.

13 En effet, Adam fut créé le premier, Eve ensuite.

14 Ce n'est pas Adam qui a été détourné de la vérité, c'est la femme, et elle a désobéi au commandement de Dieu,

15 mais elle sera sauvée grâce à sa descendance.

Quant aux femmes, elles seront sauvées si elles persévèrent dans la foi, dans l'amour, et dans une vie sainte en gardant en tout le sens de la mesure.

1 Timothée 2 : une question de traduction

Segond 1910

Semeur 2000

2,11       Que la femme écoute l'instruction en silence, avec une entière soumission

2,11       Que la femme reçoive l'instruction dans un esprit de paix et de parfaite soumission

2,12       Je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni de prendre de l'autorité sur l'homme; mais elle doit demeurer dans le silence

2,12       Je ne permets pas à une femme d'enseigner en prenant autorité sur l'homme. Qu'elle garde plutôt une attitude paisible

2,15       Elle sera néanmoins sauvée en devenant mère

2,15       mais elle sera sauvée grâce à sa descendance

 

[1] En utilisant le mot anêr Paul semble donner aux hommes une priorité dans la prière. Mais le de même dans le verset 9 y associe les femmes, comme dans 1 Cor 11.