17 septembre 2006

Bâtir des ponts (Culte de rentrée)

Introduction

Cette semaine j'ai trouvé en bas d'un courrier électronique la phrase suivante :

"Beaucoup de gens passent leur temps à élever des murs. Nous préférons bâtir des ponts".

Il n'y a pas de ponts de la Bible. A un endroit il est question du pont d'un bateau. Ce n'est pas la même chose. Il est parfois question d'une province romaine qui s'appelait Le Pont. Ce n'est pas la même chose. Dans la Bible, où l'action se passe dans des pays chauds, il y a des gués pour traverser les rivières, mais pas de ponts. En tout cas, aucun n'est mentionné en toutes lettres.

Mais comme le Seigneur Jésus a enseigné à partir d'images tirées de la vie courante, j'ai envie de faire pareil. J'ai envie de vous parler de trois ponts.

Le pont de Mostar

Le premier pont, c'est le pont de Mostar. Un pont ancien, du 16e siècle, magnifique monument en marbre blanc. Il enjambe un ravin, assez profond, qui coupe la ville de Mostar en deux. Les jeunes se lançaient le défi de se jeter du haut du pont dans la rivière je ne sais pas combien plus mètres plus bas. Ce pont reliait deux quartiers, deux populations, des Croates à l'ouest et des Bosniaques à l'est. Les gens se fréquentaient, s'installaient de part et d'autre du pont, vivaient en bonne intelligence. Les uns étant de tradition catholique, les autres de tradition musulmane. Plus de 100.000 personnes étaient unis grâce à ce pont.

Puis la guerre a éclaté, et ce pont en est devenu l'une des premières victimes. Les nationalistes ne voulaient pas d'un pont qui permette aux populations de se fréquenter. Ils ne voulaient pas faciliter la communication. Ils ne voulaient pas non plus faciliter les attaques. Les explosifs modernes ont vite fait de démolir ces pierres anciennes.

Puis la guerre a pris fin, et l'ONU a poussé pour que ce pont symbole soit reconstruit. Et effectivement le pont a été reconstruit. Mais ce n'est plus un pont qui permet à deux populations de vivre ensemble. C'est le pont de la peur. Ceux qui ont été chassés de chez eux n'osent plus le franchir. Les fanatiques l'avaient détruit parce qu'ils avaient peur du camp en face, peur d'être contaminés, peur d'être influencés, peur d'être submergés, peur d'être attaqués. Après la reconstruction, c'est toujours le pont de la peur.

Espérons que ça changera un jour.

Est-ce que nos relations avec autrui ressemblent au pont de Mostar ? La peur, le recul, la méfiance, le rejet même peuvent parfois caractériser les relations entre chrétiens. Le pont de la communication, nous n'osons pas l'emprunter. Nous préférons rester de part et d'autre d'un ravin de silence. Nous préférons prendre mille détours.

Voici le verset biblique que j'aimerais inscrire sur le pont de Mostar. L'amour parfait bannit la crainte. C'est l'apôtre Jean qui l'a écrit dans une lettre qui parle beaucoup de l'amour entre chrétiens. Si nous n'arrivons pas à aimer un frère en Christ, bien visible, bien présent à nos côtés le dimanche matin, comment osons-nous affirmer que nous aimons Dieu, qui, lui, reste invisible ?

L'amour parfait bannit la crainte également dans nos relations avec le monde. Il existe des activités et des fréquentations qui portent préjudice à notre âme, qui font la guerre à l'âme comme dit la Bible. Mais franchement, s'il fallait se soustraire à toutes les influences du monde – y compris à celles qui sont déjà dans notre tête et dans notre souvenir – s'il fallait se soustraire à toutes les influences du monde, il faudrait quitter ce monde. Ce n'est pas ce que Dieu nous demande. Il nous demande d'être des lumières dans le monde. Nous y sommes, pour le meilleur et pour le pire. Autant profiter pour construire des ponts. L'amour parfait bannit la crainte.

Le pont de l'Europe à Strasbourg

C'est ici que j'aimerais vous parler d'un deuxième pont. C'est le pont de l'Europe, à Strasbourg. Trois guerres terribles ont déchiré la France et l'Allemagne, en 1870, 1914, et 1939. Sans parler des guerres de Napoléon. Une histoire mue par l'ambition, trempée dans le sang. En 1945, il n'y avait plus de ponts pour traverser le Rhin entre la France et l'Allemagne, sinon quelques structures provisoires mises en place par les armées, les ponts Bailey. Et dans les têtes il n'y avait plus de ponts non plus. J'avais 12 ans en 1959, mon père n'a pas trop apprécié que je fasse de l'allemand au lycée.

Charles de Gaulle et Konrad Adenauer ont compris qu'on ne pouvait pas continuer comme cela, à utiliser les temps de paix pour préparer la prochaine guerre. En tant que chefs d'état ou de gouvernement, et accompagnés par d'autres hommes visionnaires comme Robert Schuman, ils ont voulu l'amitié franco-allemande. Ils ont voulu la réconciliation. J'ai vu sur le parvis de la cathédrale de Reims une plaque en cuivre qui parle de l'un des ces actes symboliques accomplis par un président français et un chancelier allemand. J'ai vu la photo de François Mitterrand et d'Helmut Kohl se donnant la main sur le champ de bataille de Verdun. Et j'ai traversé le pont de l'Europe, entre Strasbourg et Kehl. Le pont de la réconciliation.

Y a-t-il quelqu'un avec qui nous sommes en guerre ? Pour autant que cela dépende de nous, la Bible nous appelle à vivre dans la paix. Il faut de l'imagination pour construire des ponts. Des tonnes de ciment et des mois de travail. Du savoir-faire. Mais il faut surtout une volonté de communiquer.

Pour nous autres chrétiens, l'exemple vient d'en haut. La Bible dit que Christ est mort pour nous alors que nous étions pécheurs. Il a établi la paix alors que nous étions loin de Dieu, ennemis mêmes. Il nous a réconciliés… et il fait de nous des agents de la réconciliation.

Un double exemple se trouve dans Marc 2.13-17. Je vous le lis. C'est l'exemple de Jésus, qui est allé au-devant des gens de tous bords, dans l'amitié, et avec un appel incisif. C'est l'exemple de Lévi, qui remet tout en cause pour suivre Jésus. Et qui le dit à ses amis.

Sur un pont, la communication va dans les deux sens. Si nous sommes en paix avec Dieu, c'est pareil : la prière, et l'écoute de la Parole de Dieu. Si nous sommes en paix avec notre prochain, si l'amour parfait a banni la peur, alors nous écouterons autant que nous parlerons. Nous apprendrons plein de choses. Et nous aurons plein de choses à faire apprendre.

Le pont de Bénouville

Le pont de Mostar, c'est le pont de la peur. Le pont de l'Europe, entre Strasbourg et Kehl, c'est le pont de la réconciliation. J'aimerais vous parler maintenant du pont de la victoire. C'est le pont de Bénouville.

Le 6 juin 1944 ce pont a une importance capitale pour les Alliés qui débarquent avec mon oncle Dennis en Normandie. Comme vous le savez, les soldats américains, anglais, canadiens, polonais… et français doivent se répartir sur plusieurs grandes plages. Et un fleuve coupe ce champ de bataille en deux, c'est l'Orne, à Bénouville au nord de Caen. Il faut donc capturer le pont. Pour empêcher le mouvement des Allemands, pour faciliter les mouvements alliés. Des commandos débarquent pendant la nuit dans des planeurs en bois, ils prennent effectivement le pont. Et puis ils doivent le tenir contre les Allemands, toute la matinée. Vous avez peut-être vu l'incident, dans le film Le jour le plus long. C'est très dur. Tenir le pont sous le feu de l'ennemi est en soi une victoire, ne serait-ce que pour quelques minutes. Mais évidemment le plus important est de tenir jusqu'à ce que la victoire soit définitive. Des renforts sont censés être là à midi, venant des plages. Mais à midi il n'y a personne.

Puis on entend la cornemuse des troupes du Major Howard. Elles arrivent d'un bon pas, fièrement, le joueur de cornemuse en tête. Ouf, c'est gagné.

Aujourd'hui, un nouveau pont a remplacé l'ancien. Mais le vieux pont de Bénouville a été déplacé et conservé. On peut y voir une inscription qui relate son rôle dans la libération de la France – et l'arrivée du Major Howard à douze heures deux minutes et trente secondes. Pegasus Bridge – le pont de Bénouville – le pont de la victoire.

Et quel verset biblique pourrait-on y mettre ? Je suis très tenté par un verset qui parle non de la cornemuse mais de la trompette : Apocalypse 11.15 : Le septième ange sonna de la trompette, et des voix retentirent dans le ciel : - Le royaume du monde a passé maintenant aux mains de notre Seigneur et de son Christ. Il régnera éternellement. Mais j'ai fini par choisir Matthieu 24.14 : Cette bonne nouvelle sera prêchée dans le monde entier, alors viendra la fin.

Ces deux versets disent que même si aujourd'hui nous sommes sous le feu de l'ennemi, la victoire est assurée. La bonne nouvelle sera annoncée. Le Seigneur entrera dans son règne.

Conclusion

Bâtir des ponts, c'est le mot d'ordre que nous voulons nous donner cette année. Pour la communication entre les hommes, pour la réconciliation entre nous et avec Dieu. Avec son aide, nous les bâtirons, nous les tiendrons ouverts… jusqu'à la victoire.

Amen

Le pont de Mostar

Le pont de la peur

L'amour parfait bannit la peur.
1 Jean 4.18

Le pont de l'Europe, à Strasbourg

Le pont de la réconciliation

Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte de leurs fautes, et il a fait de nous les dépositaires du message de la réconciliation
2 Corinthiens 5.19

Le pont de Bénouville

Le pont de la victoire

Cette bonne nouvelle sera prêchée dans le monde entier, alors viendra la fin
Matthieu 24.14