« Ayez une bonne conduite au milieu des païens »
25 juin 2006

« Ayez une bonne conduite au milieu des païens »

Prédicateur:
Passage: 1 Pierre 1:1-2 ; 1 Pierre 2:11-12

« Introduction

Cette petite épître de Pierre est un vrai bijou. Je vous la recommande. Cinq chapitres, ce n’est pas long, mais c’est très riche.

J’aimerais que nous portions notre attention ce matin sur une phrase toute simple parmi celles que nous venons de lire. « Ayez une bonne conduite au milieu des païens ».

« Les païens »

Nous pourrions penser que le païen est quelqu’un d’arriéré, un être pas très civilisé. Ce serait un sauvage, il ne serait pas l’un des nôtres. Il aurait besoin d’être éduqué.

Mais non ! Pour l’apôtre Pierre et ses lecteurs, le païen, c’est simplement celui qui n’appartient pas au peuple de Dieu. Des êtres hautement civilisés peuvent être des païens : les philosophes Socrate et Platon ; les empereurs romains ; des Togolais, des Japonais, des Français. Des religieux, des scientifiques, des politiques, des footeux. Etre païen ou pas, cela porte sur un seul point : connaître Dieu notre Créateur.

Dans l’empire romain autrefois et en France de nos jours, les païens sont de loin majoritaires. Ce sont nos voisins, nos parents, nos collègues, nos chefs. Des gens bien et des crapules. Des gens ordinaires et des gens puissants.

Aux yeux des Juifs au 1er siècle, toutes les autres nations étaient des païens. Ils avaient un seul mot pour les nations et pour les païens. Mais l’Evangile a changé radicalement tout cela. Avec Jésus toutes les nations de la terre sont appelées à rejoindre le peuple de Dieu. Le clivage n’est donc plus entre la nation juive et les autres. Le clivage passe à l’intérieur de tous les peuples et à l’intérieur de toutes les familles. Il sépare ceux qui appartiennent déjà à Dieu et les autres. Dans ma famille, il y a des païens et des chrétiens. Quand Pierre dit « païens », cela suppose une vraie différence entre les chrétiens et les autres. « Ayez une bonne conduite au milieu des païens. »

« Au milieu des païens »

Nous sommes bien au milieu des païens. Comme des pépites de chocolat dans une glace vanille. Comme un chapelet d’îles au milieu de la mer. Comme des Congolais en Suède, comme des Anglais au Mali. Tout au début de sa lettre Pierre avait désigné ses lecteurs comme ceux que Dieu a choisis et qui vivent en hôtes de passage, dispersés dans les provinces du Pont, de Galatie, de Cappadoce, d'Asie et de Bithynie.

Des hôtes de passage, des étrangers disent certaines traductions, dispersés dans différentes provinces à l’Est du bassin méditerranéen.

Beaucoup d’entre nous savons ce que c’est que d’être étrangers. D’être pareils aux autres en tant qu’être humains mais différents à cause de nos racines. Eh bien, le chrétien se trouve au milieu des païens de la même façon. Il est pareil aux autres sur le plan de son humanité. Il a les mêmes joies et les mêmes peines. Il prend les mêmes transports, regarde les mêmes matchs, envoie ses enfants dans les mêmes écoles. Et en même temps ses racines sont ailleurs. Notre patrie à nous est dans les cieux.

Nous sommes au milieu des païens. De tous temps, il y a toujours eu des chrétiens pour dire que le monde païen était tellement horrible et tellement dangereux qu’il fallait s’en séparer totalement. Les uns vont dans les déserts d’Egypte vivre dans des grottes ou des monastères. Les autres s’entourent de murs invisibles. Ils se rencontrent entre chrétiens, ne lisent que des livres chrétiens, cherchent un médecin chrétien, un garagiste chrétien, une école chrétienne. Ils tiennent le monde à distance tout au long de la semaine – sauf peut-être quand le monde entre chez eux par le biais du petit écran.

Cette distance, il faut effectivement l’imposer quand le monde vous pousse vers le mal : vers le mensonge ou la magie ou la gourmandise ou la haine ou l’immoralité. Mais est-ce que le Seigneur Jésus s’est coupé du monde ? Manifestement pas. On le critiquait même pour ses fréquentations. Il était bien, lui, au milieu des gens. Il était l’ami des gens. Les seuls qui lui donnaient de l’urticaire, c’était les gens trop religieux.

Nous ne sommes pas Jésus. Certaines situations peuvent nous poser des problèmes insurmontables. La seule façon de nous en sortir serait la fuite. Soit. Mais de façon générale nous avons notre place au milieu des païens. Quand Jésus a prié pour ceux qui croiraient en lui, il n’a pas demandé au Père de les ôter du monde, de les exfiltrer comme le disent les militaires. Jésus a demandé au Père de nous garder du mal. Notre place est bel et bien dans le monde.

« Une bonne conduite au milieu des païens »

Comment occuper au mieux cette place ? « Ayez une bonne conduite au milieu des païens. » Cela semble tellement simple. Ne pas céder aux désirs de l’homme sans Dieu, ne pas céder à ces désirs qui font la guerre à l’âme. Le verset 11 le dit. Car il existe une véritable guerre dont nous sommes le champ de bataille. Les armes alignées contre nous sont formidables : l’immoralité, les pratiques dégradantes et la débauche, l’adoration des idoles et la magie, les haines, les querelles, la jalousie, les accès de colère, les rivalités, les dissensions, les divisions, l’envie, l’ivrognerie, les orgies et autres choses de ce genre. C’est la liste de Galates 5. Mais les armes défensives et offensives que Dieu nous donne sont encore plus puissantes : la vérité, la droiture, l’esprit de service, la foi, le salut, la Parole de dieu, la prière (Eph. 6).

Qu’est ce que cela donne concrètement, là où nous vivons au milieu des païens ?

Dans le monde du travail, je vois bien ce qu’il faut viser. De l’intégrité. Le respect des lois. Le respect des règles de l’entreprise. La compétence professionnelle. Des relations paisibles entre collègues. Le respect des engagements, de la parole donnée, des horaires et des délais. En même temps, le respect de Dieu, le respect de la vie familiale, le respect des équilibres de la vie. Jamais un chrétien ne peut être dévoué corps et âme à son entreprise. Mais il peut viser un comportement intègre.

Dans la vie au milieu des païens il y a plus que le travail. Il y a la famille. Avec parfois autant de difficultés et de conflits et de déceptions qu’au travail. Mais de nouveau nous savons ce qu’il faut viser : une bonne conduite à la sortie de l’école, dans notre quartier, au mariage de notre neveu. Le respect mutuel entre mari et femme. Une attention particulière portée à nos enfants, sans les gâter, sans les brimer, sans leur faire porter le poids de notre passé à nous. Une relation paisible avec nos frères, sœurs, oncles, tantes, grands-parents… Le respect des équilibres de la vie. Jamais un chrétien ne peut être dévoué à sa famille au point d’oublier le reste du monde. Mais il peut viser un comportement sage et juste et bienfaisant.

Dans la vie il y a encore plus que le travail et la famille. Il y a les loisirs. Et c’est sans doute là que nous avons le plus de peine à nous situer. La Bible parle bien des joies de la vie, des chants et des danses, du vin et des bons repas, de la poésie et du repos. Tout cela fait partie de notre humanité. Mais ce n’est pas notre dieu. Vivre pour les loisirs, ce serait une vanité. Les supprimer, ce serait inhumain, donc anti-Dieu. Là encore, nous visons le respect des équilibres. Et nous pourrions peut-être dire aussi ceci : quand le choix se présente à nous, privilégions les loisirs que augmentent notre surface de contact avec le monde païen. Pourquoi adhérer à l’association des boulistes chrétiens quand on peut se joindre à celle des boulistes païens ? Pourquoi passer des heures seul devant un écran quand on peut faire de l’aquarelle ou du rollers ou la visite du quai Branly avec d’autres ? C’est au milieu des païens que nous devons avoir une bonne conduite, pas au milieu de notre bulle. Pourquoi ?

« Une bonne conduite au milieu des païens, pour que… »

Parce que nous sommes au milieu des païens que nous le voulions ou non : autant que cela se passe bien.

Mais il y a plus. Le passage que nous avons lu ouvre une perspective. Les chrétiens de l’époque vivent dans un climat plutôt hostile. Ce n’est pas la persécution systématique, ce n’est pas la Corée du Nord, mais ils peuvent être victimes de calomnies et d’injustices. La perspective que nous ouvre le verset 12, c’est que si les gens nous voient vivre – même s’ils ne nous aiment pas – s’ils nous voient vivre ils peuvent être touchés par Dieu. Dieu peut intervenir dans leur vie, et à ce moment-là ils reconnaîtront nos bonnes actions et en rendront gloire à Dieu. Jésus n’a pas dit autre chose dans le Sermon sur la Montagne : Votre lumière doit briller devant tous les hommes, pour qu’ils voient le bien que vous faites et qu’ils en attribuent la gloire à votre Père céleste.

Vivre dans le but d’impressionner les gens, c’est de l’hypocrisie, c’est tout le contraire d’un vrai témoignage chrétien. Mais vivre simplement et humblement devant Dieu peut toucher les gens au-delà de ce que nos imaginons. Nous sommes le sel de la terre, dit Jésus, nous sommes la lumière du monde. Le sel donne du goût et empêche la pourriture. La lumière éclaire. Notre bonne conduite au milieu des païens peut être utilisée par Dieu dans ses interventions auprès des humains.

Oui, mais comment feront-ils pour rendre gloire à Dieu s’ils ne savent pas pourquoi nous sommes ce que nous sommes ? Si nous taisons le nom de Christ ? Si nous ne parlons jamais de notre loisir préféré du dimanche matin ? Si nous ne rebondissons jamais sur l’actualité pour dire qui nous sommes ? Il ne s’agit pas de leur faire la morale ; les gens ne veulent absolument pas qu’on les recrute pour une religion. Mais nous avons le droit d’être nous-mêmes devant eux. Sans orgueil. Sans hypocrisie. Mais sans fausse pudeur. Ils seront attirés à Christ si notre vie, en tant qu’humains, leur fait envie. Et si notre vie spirituelle est authentique.

Succès garanti ? Absolument pas. Quand Pierre parle de la réaction des païens, il parle du jour où Dieu les visitera, c’est-à-dire en français moderne, du jour où Dieu interviendra dans leur vie. Il y a toujours le mystère de la souveraineté de Dieu. Il y a toujours les mystères de l’âme humaine, avec ses ressorts cachés, ses aspirations et ses craintes. Mais notre part, c’est quoi :

« Ayez une bonne conduite au milieu des païens. »

Conclusion

Il y a bien une différence entre l’Eglise et le monde. Mais nous sommes à notre place au milieu du monde. Il nous faut une bonne conduite, lisible, compréhensible, équilibrée, animée par l’Esprit de Dieu.

Rien de moins ne convient à ceux qui vivent en hôtes de passage, dispersés dans l’est parisien, et que Dieu le Père a choisis d’avance, conformément à son plan, et qui lui ont été consacrés par l’Esprit pour obéir à Jésus-Christ et être purifiés par l’aspersion de son sang.

Amen.