Introduction

C'est une très grande ville, un chef-lieu de région. Elle possède un théâtre de plein-air pouvant accueillir 25.000 personnes. C'est un centre religieux où les chrétiens sont très minoritaires. C'est une ville de commerce. Une route à quatre voies la relie à la mer. Sa population est cosmopolite.

Aujourd'hui, c'est un champ de ruines. Ce n'est ni Pompéi, ni Carthage. C'est la ville d'Ephèse. Passage obligé pour les touristes chrétiens qui visitent aujourd'hui la Turquie.

L'Eglise d'Ephèse figure à plusieurs reprises dans les Actes des Apôtres, elle est la destinataire d'une lettre qui porte son nom, elle est l'Eglise de Timothée, qui reçoit encore deux lettres, elle figure dans l'Apocalypse où elle reçoit encore une lettre. Quatre lettres aux Ephésiens : c'est pas mal.

Quatre lettres aux Ephésiens dans notre Bible : il y a sûrement des points en commun entre les chrétiens de ce temps-là et nous. Pas seulement le tout-à-l'égout et le chauffage central par le sol. Des réalités humaines et spirituelles qui nous sont communes. Nous allons en découvrir en lisant le début de la Première épître de Paul à Timothée.

Lire 1 Timothée 1.1-2

Contexte

L'apôtre Paul, nous le connaissons. C'est un des grands apôtres, le dernier à avoir vu le Seigneur Jésus ressuscité. C'est le fondateur de beaucoup d'Eglises, l'auteur de nombreuses lettres. Quand il écrit à Timothée, c'est après la fin du livre des Actes. Paul a fait de la prison à Rome, il voyage de nouveau librement.

Timothée, c'est un très proche collaborateur. Paul l'appelle son véritable enfant dans la foi. Timothée a trouvé la foi en Christ grâce à l'apôtre. Il accompagne Paul depuis plus de 15 ans déjà. Il a été envoyé en mission à droite et à gauche. Il est maintenant à Ephèse pour représenter l'apôtre. Pourquoi faire ? C'est ce que nous voulons découvrir.

Lire 1 Timothée 1.3-11

Un bon enseignement, c'est important

Il y a toutes sortes de choses à dire et à faire à Ephèse. Paul commence par demander à Timothée de recadrer l'enseignement de l'Eglise. Aie, aie aie, c'est toujours la même chose. Au début de son ministère, en Galatie, il y avait un problème d'enseignement. Pas le même, mais un sérieux problème. A la fin de sa vie, toujours un problème d'enseignement. Encore et toujours.

Cela me dit au moins une chose : quand on est chrétien, on ne peut pas croire n'importe quoi. Un chrétien croit à la manière du Christ. Il croit ce que Christ a dit et ce que Christ a transmis aux apôtres. S'il invente des croyances à sa sauce, c'est son droit, nous sommes en république, mais ce n'est plus la foi chrétienne. Timothée n'a aucun pouvoir sur les gens qui se situent en dehors de l'Eglise, ils pourront raconter ce qu'il veulent. Mais à l'intérieur de l'Eglise, il faut être cohérent avec le message du Christ.

Spéculation, connaissance, symboles cachés, codes secrets

Qu'est-ce qui ne va pas à Ephèse ? Certaines personnes sont fascinées par les patriarches et les généalogies de l'Ancien Testament : (1 Tim 1.4 ; 4.7 ; 2 Tim 4.4 ; Tite 1.14). Ils développent des théories invraisemblables. Ils sont fiers de leurs connaissances. Ils se croient supérieurs aux autres. Ils se perdent dans des spéculations. Si l'Eglise les suit, elle va dévier de son but.

C'est toujours d'actualité. Des théories abracadabrantes, il y en aura toujours : sur la fin des temps, sur les démons, sur les 10 tribus perdues, sur un supposé prophète, sur des messages secrets dans la Bible, des codes cachés… On peut monter des échafaudages extraordinaires autour des Templiers, de la Cabale, des extraterrestres…

L'apôtre Paul veut stopper ces spéculations pour plusieurs raisons.

La première, c'est que de fil en aiguille on aboutit à des doctrines étrangères à la foi. Paul le dit a verset 3 ; il en donnera des exemples plus tard dans la lettre.

La deuxième raison qui le pousse à vouloir mettre fin à ces recherches, c'est qu'elles vous font oublier vos vraies responsabilités spirituelles, verset 4. La spéculation divise l'Eglise. Elle incite à l'orgueil. Elle met l'accent sur des choses qui ne sont vraiment pas importantes. Un vrai enseignement chrétien édifie l'Eglise et nous fait progresser dans l'amour les uns pour les autres. Il change non seulement nos idées mais notre comportement. Il nous stimule en vue de la pureté, la bonne conscience, la sainteté. Tripoter l'Ancien Testament comme faisaient certains chrétiens d'Ephèse, c'était l'utiliser à contre-sens.

La loi n'est pas faite pour le juste[1], mais[2] pour les malfaiteurs, les rebelles…

C'est ici, au verset 9 que Paul dit quelque chose d'étrange. La Loi n'est pas faite pour le juste. Ah bon ? Mais je la lis, la Loi de Dieu. Jésus la lisait. Tout l'Ancien Testament est inspiré de Dieu et utile pour enseigner à mener une vie conforme à la volonté de Dieu (2 Tim 3.16), c'est Paul lui-même qui le dit. Comment peut-il dire que la Loi de Moïse n'est pas faite pour le juste, alors qu'il la cite constamment, il dit même que son histoire a été mise par écrit pour nous servir d'exemple (1 Cor 10.6). Il se contredit ? Non : il fait une comparaison.

Il vient de dire au verset 8 que la Loi est bonne, pourvu qu'on en fasse un usage légitime. Et le premier but de la Loi, le grand but de la Loi, est de dénoncer le mal. Connaître la Loi de Moïse ne peut pas être un but en soi, puisque cette Loi doit surtout nous prémunir contre le mal. Si j'étais juste, elle ne me concernerait plus.

Il s'agit bien d'être juste sur le plan pratique. Les mauvais exemples qui suivent sont tous pratiques. Il ne s'agit pas de celui qui est justifié, en règle avec Dieu par la foi en Christ. Il s'agit, comme dit la Bible du Semeur, de ceux qui font le bien. Si tu fais le bien, la Loi dans sa première intention ne te concerne pas. Elle te concerne si tu es pécheur. Elle t'apprend ce qu'est le péché, elle constitue un rempart pour te garder du péché. Et c'est pour cela qu'elle est encore utile, c'est pour cela que je la lis.

Je ne la lis pas pour calculer l'âge des patriarches, ou pour déterminer qui sera le prochain président des Etats-Unis, ou pour trouver des extra-terrestres, ou pour prouver que Marie-Madeleine descendait des rois d'Israël. Je la lis pour devenir meilleur !

Dans cette liste de personnes spécialement visées par la Loi, versets 9 et 10, il y a peut-être des choses qui nous surprennent. Paul met les menteurs et les assassins dans le même sac, il compare ceux qui ne tiennent pas parole à des marchands d'esclaves ! C'est qu'il cite les différents cas qui se trouvent dans les 10 commandements. Le faux témoignage comme le meurtre, le vol comme l'adultère. Tous ces péchés n'ont pas les mêmes effets en société, mais tous nous séparent de Dieu et de notre prochain.

La Bible du Semeur parle au verset 10 de débauchés et d'homosexuels. La Nouvelle Bible Segond parle plutôt de gens qui se livrent à l'inconduite sexuelle et d'hommes qui couchent avec les hommes Cela met l'accent sur les actes, et non sur les sentiments. Dans ce domaine plus que bien d'autres les chrétiens d'Ephèse étaient en décalage avec leur temps, comme nous le sommes avec le nôtre.

Un exemple précis. Cette semaine les journaux ont parlé d'un magnifique film qui vient de sortir : Peindre ou faire l'amour. Voici ce qu'en dit 20 minutes : « Sabine Azéma peint ET fait l'amour. Avec son mari, mais aussi avec sa voisine, puis avec son voisin et encore avec son mari, tous en même temps ». Le journal pose la question aux réalisateurs : « Votre éloge de l'échangisme ne risque-t-il pas de choquer ? » Et les frères Larrieu de répondre : « Ce qui est peut-être subversif et provocant, c'est de montrer des personnages qui suivent leur pente naturelle en allant jusqu'au bout. D'habitude, on s'arrête avant… En tout cas on s'est efforcé de leur apporter une certaine innocence et des filmer les scènes où ils passent à l'acte avec le plus de légèreté possible ». Suivre sa pente naturelle en allant jusqu'au bout : Je me demande s'ils auraient dit la même chose s'il s'agissait d'enfants. Je vous laisse imaginer l'impact sur les acteurs, les techniciens du tournage, les spectateurs. Suivre sa pente naturelle en allant jusqu'au bout n'a jamais été une méthode pour vivre en société, encore moins pour vivre avec Dieu.

Négliger l'essentiel

En se passionnant pour tout ce qui est obscur dans la Bible, certains chrétiens d'Ephèse négligeaient l'essentiel : la sainteté.

Il me semble qu'ils ne sont pas les seuls à détourner la Bible de son but. Si vous avez une grosse Bible chez vous pour vous protéger, si vous avez comme blindage un verset biblique, sur le mur ou cousu dans un vêtement, vous êtes dans la superstition et non dans la foi. Si vous l'ouvrez au hasard pour trouver du réconfort ou pour vous aider à prendre une décision, vous ne faites pas mieux que ceux qui consultent les horoscopes ou les marabouts. La Bible n'est pas faite pour cela. Elle est là pour vous rapprocher de Dieu, pour vous encourager dans la foi, pour vous éloigner du péché, pour vous pousser à l'amour.

Conclusion

A l'époque où Paul écrit 1 Timothée, les chrétiens d'Ephèse avaient quoi comme Bible ? Très peu de gens avaient des manuscrits à la maison, seulement les plus riches, ou les héritiers de la piété juive. Peut-être qu'il y avait une maison, une salle de prière, une salle de lecture où l'on pouvait venir consulter les Ecritures. Et là on aurait trouvé non pas des Bibles toutes reliées, avec les 39 livres de l'Ancien Testament et les 27 livres du Nouveau Testament, mais des manuscrits, des rouleaux individuels. Tout l'Ancien Testament était disponible. Mais, pour les écrits de apôtres, au grand maximum quelques lettres, et sans doute aucun évangile.

La loi est bonne, pourvu que l'on s'en serve à bon escient. Toute l'Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour éduquer dans la justice. Vous imaginez l'effort qu'il fallait fournir pour en profiter vraiment ? Effort de concentration lorsque ces livres étaient lus au culte. Effort financier, si vous vouliez en acheter. Effort pour aller les lire chez un ami où à la bibliothèque de l'Eglise. Et nous, on peut lire la Bible si facilement !

Est-ce qu'on va le faire ? Régulièrement ? En fournissant un effort ? Des deux choses l'une : Ou bien : ce livre vous gardera du péché ; ou bien : le péché vous gardera de ce livre.

A nous de choisir.

[1] L'interprétation qui voit dans le juste celui qui est juste par la foi, le justifié, celui qui est juste en Christ ne semble pas tenir la route, car dans la suite du texte ce juste est opposé à une liste d'injustes. Il semble donc que ce soit la justice pratique qui est visé, comme dans BS : ceux qui font le bien.

[2] Ce mais est le mais léger, de, plutôt que 'alla. Nous avons donc sans doute non pas une opposition absolue, mais une priorité : pas d'abord pour le juste, mais en premier lieu pour les injustes.