7 mai 2006

Vie privée, vie publique : l’amour et le mariage

Prédicateur:
Passage: Cantiques
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Introduction

Ce n'est pas un scoop si je vous dis qu'il y a souvent un décalage entre les valeurs de l'Église et les valeurs du reste du monde. Parfois le reste du monde a des choses à nous dire, à nous apprendre, parce que nous sommes déphasés par rapport à ce qui est juste et vrai. Nous nous posons des questions, nous relisons notre Bible, nous pesons le pour et le contre, et, des fois, nous changeons. Si des chrétiens ont été à la pointe de certains progrès – Henri Dunant, pour la Croix-Rouge, par exemple – nous avons été à la traîne pour l'écologie. Le monde a parfois des choses à nous apprendre.

Mais d'autres fois, quand nous observons l'évolution de la société et que nous cherchons à discerner la volonté de Dieu pour les humains, nous ne bougeons pas. Nous ne lâchons pas les valeurs que nous tenons de Dieu lui-même.

Cela a toujours été le cas. Quand les chrétiens d'autrefois condamnaient les jeux du cirque, parce que des êtres humains s'y entretuaient, le monde nous traitait d'antisociaux. Que peut-il y avoir de mal à voir un combat de gladiateurs, de voir des criminels déchiquetés par un taureau, de voir une bataille navale en vraie, grandeur nature ? Pauvres chrétiens, qui se privent de tout, qui se coupent du monde. Non, disent les chrétiens, les jeux du cirque qui font couler le sang humain, pas question.

De nos jours, le décalage se situe dans d'autres domaines : les jeux d'argent, pour parler d'un problème mineur ; l'avortement, par parler d'un problème majeur. La sexualité et le mariage, pour le sujet d'aujourd'hui.

Lecture

Cant 8.6-7 : L'amour est fort comme la mort, et la passion est indomptable comme le séjour des défunts. Les flammes de l'amour sont des flammes ardentes, les flammes de la foudre venant de l'Éternel. Même de grosses eaux ne peuvent éteindre l'amour, et des fleuves puissants ne l'emporteront pas. L'homme qui offrirait tous les biens qu'il possède pour acheter l'amour n'obtiendrait que mépris.

Vie privée, vie publique

C'est beau, et c'est fort. C'est très beau, c'est très fort. Allons-y gaiement, alors, sans nous soucier de personne !

Mais non. Entre autres parce que les deux amoureux du Cantique des Cantiques ne sont pas seuls au monde. Ils connaissent le roi Salomon et ses cent-quarante femmes (Cant. 6.8). Quel mauvais exemple ! Ils ont forcément des parents. La fille a une plus jeune sœur. Il y a des gens qui les observent : les jeunes filles de Jérusalem, les gardes de la ville, sans doute les frères de la fille. Il y a du monde autour !

La relation de deux amoureux a forcément un impact sur toutes sortes d'autres personnes. D'autant plus quand ils se marient et qu'ils fondent une nouvelle maison, une nouvelle famille. Toute la société se tient derrière eux pour protéger cette famille, pour protéger les enfants qui viendront l'enrichir.

Il y a bien des aspects de la relation amoureuse qui sont d'ordre privé. Le Cantique des Cantiques en parle avec délicatesse et poésie. Mais il y d'autres aspects qui concernent la société. Dans le monde entier il y a des règles, des coutumes, des lois qui régissent ces aspects-là. Les amoureux n'y pensent pas, mais derrière eux il y a le code des impôts, la Caisse d'Allocations Familiales, des lois sur le logement, sur les héritages, sur la protection des enfants, sur la rupture de la vie commune… Il y a une armée de notaires, d'agents du fisc, d'hommes d'Église, d'élus municipaux, d'assistantes sociales : qu'on ne verra pas souvent si tout va bien. Mais qui devront intervenir s'il y a des problèmes.

Non, la relation amoureuse n'est pas une affaire purement privée. Passé le stade des premières fréquentations, c'est une affaire publique.

C'est pour cela qu'il y a le PACS, pour mettre un peu d'ordre là où il n'y en a pas. Mais par rapport à la Bible, le PACS est un pis-aller comparé au mariage. Parce que la vision biblique de la chose est plus élevée, plus exigeante, plus sécurisante, plus permanente. L'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme. Et les deux ne feront plus qu'un (Gen 2.24). Moïse l'a dit. Jésus l'a dit. L'apôtre Paul l'a dit. Un homme, une femme, pour la vie. On me dit parfois que le mariage n'est qu'un chiffon de papier, et que ce n'est pas la peine. Tiens, si c'est si léger que ça, pourquoi est-ce que le mariage pose un problème ? Il pose un problème, parce que justement le mariage dit un véritable engagement. Et quand les gens se disent amoureux mais qu'ils ne veulent pas se marier – ou que l'un d'eux ne veut pas le mariage – je comprends trop bien où ils en sont. L'amour sans engagement. L'amour sans l'amour. Alors que la Bible dit : L'amour est fort comme la mort.

Les temps et les délais

Il y a une autre phrase célèbre dans le Cantique de Cantiques qui va nous faire comprendre un autre aspect de la pensée biblique : O filles de Jérusalem, oh, je vous en conjure par les gazelles ou par les biches de la campagne : n'éveillez pas, non, ne réveillez pas l'amour avant qu'il ne le veuille (Cant 2.7 ; 3.5 ; 8.4).

Dans une relation amoureuse authentique, il y a des délais à respecter. Apprendre à connaître quelqu'un, ça prend du temps. En arriver à se faire totalement confiance, ça prend encore plus de temps. Et dans le Cantique des Cantiques nous voyons un homme et une femme qui s'aiment, mais qui n'en sont pas toujours au même point. Ils doivent s'attendre, se rattraper. Ce sera vrai même après le mariage. Il y a un temps pour tout, dit la Bible. Ces différents temps, il faut les respecter.

Tant qu'on n'est pas marié, on n'est pas marié, comme dirait monsieur Lapalisse. Habiter ensemble, n'est pas se marier. Échanger des vœux au clair de lune n'est pas se marier. Coucher ensemble de temps en temps, quand on peut, en prenant bien soin que personne ne le sache, ce n'est pas se marier. D'un pays à un autre les choses peuvent changer, mais en France, se marier, c'est prendre des engagements devant le Maire. Ce jour-là, nos engagements privés, les promesses et les espoirs qui entouraient nos fiançailles, deviennent publics et définitifs. L'amour s'engage.

En public, il s'engage devant l'officier d'état civil, devant la famille et les amis. Il peut s'engager devant l'Église. Il s'engage par des gestes : des signatures, des alliances, des cadeaux, une fête.

Il s'engage aussi en privé par une nuit d'amour, la première. Nos paroles et nos corps disent enfin que nous ne sommes qu'un.

Coucher ensemble avant le mariage ?

Mais est-ce vrai que la Bible nous interdit de coucher ensemble avant le mariage ? Il n'y a sûrement pas de mal à ça, quand on s'aime ?

Le grand mal à ça, c'est que nous faisons le geste de l'amour total à moitié seulement. Nous donnons tout au niveau du corps. Et c'est beau, et c'est fort. Mais nous ne donnons pas tout au niveau du reste de la vie. Rien ne change devant la société. On gardera peut-être deux logements. Deux noms. Deux projets de vie. On gardera une porte de sortie, si jamais ça ne marche pas. On s'engagera, sans s'engager. On fêtera Pâques avant Noël. Tout gentiment, on se mentira.

Et la Bible alors ? Si vous cherchez une phrase qui résume tout, vous la trouverez en 1 Corinthiens 7.9 : Il vaut mieux se marier que de brûler. Ou, si vous aimez mieux la traduction du Semeur : S'ils ne peuvent pas se maîtriser en ce domaine, qu'ils se marient, car mieux vaut se marier que de se consumer en désirs insatisfaits. Vers la fin du même chapitre on pose une question par rapport à ceux qui ont décidé de rester célibataires. Que faire quand ces gens-là découvrent que les flammes de l'amour sont des flammes ardentes ? L'apôtre, qui avait choisi le célibat, dit ceci : Mais si un fiancé craint de mal se comporter envers sa fiancée, et pense que les choses doivent suivre leur cours normal, qu'il fasse ce qui lui semble bon ; il ne commet pas de faute. Que ces fiancés se marient donc ! (1 Cor 7.36). Même si à un moment donné ils avaient pensé rester célibataires, ils ne commettent pas de faute en se mariant.

Paul aurait pu dire que quand on s'aime tout est possible. Il aurait pu dire que c'est la vie, c'est la nature, c'est la création de Dieu. Mais il dit : Qu'ils se marient. Il vaut mieux se marier que de brûler. Paul dira plus tard que ce mariage est un don de Dieu (1 Tim 4.3-4). C'est le cadre normal de la relation amoureuse.

Si vous regardez dans l'Ancien Testament, vous trouverez toutes sortes d'histoires pas très glorieuses. La passion amoureuse entre un roi et une femme mariée. Un frère qui s'enflamme pour sa demi-sœur. La jalousie entre les deux femmes d'un mari polygame. Toute la vie humaine est là, pour de vrai. Vous trouvez aussi des lois très strictes dans ce domaine. Entre autres, pour quand un couple coucherait ensemble avant le mariage (Exode 22.15-16 ; Deutéronome 22.13-29). Ce n'était pas acceptable. Ce ne l'est toujours pas, quand on veut marcher avec Dieu.

Se marier entre chrétiens ?

L'autre sujet difficile dans ce contexte est celui-ci : est-ce que nous sommes dans l'obligation de nous marier entre chrétiens ? Et ici de nouveau, nous serons en décalage avec ce que dit la société.

Pour la plupart des gens, la religion, c'est comme les goûts et les couleurs. On n'en discute pas, c'est une affaire privée, ça ne nous empêche pas de vivre comme on veut. C'est sûrement comme ça pour les trois-quarts de ceux qui se disent chrétiens. Mais pour un vrai chrétien, toute sa vie tourne autour de Jésus-Christ. Christ est le centre de tout. Il est la référence pour tout. Il est le but de tout. Ce n'est pas comme la chasse ou le foot ou l'opéra ou le gospel. Christ est ma vie, dit le chrétien. Comment peut-il alors se mettre volontairement dans la plus forte et la plus belle des relations humaines sans Christ ? Sans que Christ soit au centre ?

Dans 2 Corinthiens 6.14 nous lisons ceci : Ne vous mettez pas avec des incroyants sous un joug qui n'est pas celui du Seigneur. En effet, ce qui est juste peut-il s'unir à ce qui s'oppose à sa loi ? La lumière peut-elle être solidaire des ténèbres ? L'image du joug, c'est l'image d'une paire de bœufs qu'on a attelés ensemble pour labourer un champ. Mais Paul parle ici d'un attelage disparate : un bœuf avec un chameau, par exemple. Ca ne peut pas être bien. Il ne dit pas explicitement que c'est par rapport au mariage qu'il parle, mais le mariage est la parfaite illustration de ses propos. En 1 Corinthiens 7.39, quand il parle d'une veuve chrétienne qui va se remarier, il précise : Que ce soit dans le Seigneur. Les croyants de l'Ancien Testament n'avaient pas le droit de se marier avec des personnes qui n'adoraient pas Dieu. Ca a été le péché monumental de Samson et de Salomon. Ce n'est pas normal.

Un mariage entre chrétiens n'est pas une sorte d'assurance bon-marché. Ce choix ne vous dispense pas des règles élémentaires de sagesse, de bon sens, de savoir-vivre. Mais c'est un point de départ essentiel.

Que dans un couple l'un des deux se tourne vers Christ et qu'avec son conjoint il doive chercher de nouveaux équilibres, c'est normal. C'est bien. J'espère que ce sera toujours un plus que d'avoir un chrétien à ses côtés. Mais que l'on choisisse d'entrée de jeux de bâtir son avenir comme un attelage disparate, voilà qui n'est pas normal.

Conclusions

Essayons maintenant de tirer quelques conclusions de tout cela pour notre vie en société et notre vie en Église.

Une première chose est tout à fait évidente. C'est que nous sommes, nous autres chrétiens, en grand décalage par rapport à la société. Nous devons accepter que les gens ne vivent pas comme nous et ne nous comprennent pas. Je connais une jeune fille qui était connue dans sa fac comme celle qui ne couchait pas avec son fiancé. La huitième merveille du monde ! Il faut accepter ça. Ne pas perdre son temps à juger le monde ; ne pas perdre sa conscience en suivant le monde. Il y a un décalage.

La deuxième chose à dire, c'est que les relations amoureuses ne sont pas purement privées. Elles font partie de la vie en société et de la vie en Église. Et cela veut dire qu'entre membres d'une même Église nous marchons en communion les uns avec les autres dans ce domaine. Si quelqu'un n'est pas membre de la communauté et qu'il fait autrement, c'est son affaire. Mais si nous sommes membres d'une communauté et que nous agissons sans tenir compte de l'Église, la communion est ébréchée, voire cassée. C'est une triste réalité.

Mais la troisième chose à dire, et la plus réjouissante, c'est que quand les gens se tournent vers Christ, beaucoup de choses changent dans leur vie. Là où il y a le désordre, ils mettent de l'ordre. Nous les encouragerons à se marier, au moins à la mairie.

Le chrétien est quelqu'un qui est en train de devenir pleinement humain. Il est en train de devenir tout ce que Dieu veut pour lui. Il peut connaître des ratés, des passages à vide, des chutes épouvantables. Il n'a pas à bomber le torse devant le monde. Mais il a quelqu'un avec lui qui va le tirer vers le haut, vers ce qui est vrai et juste et parfait. Christ peut nous libérer des chaînes du passé. Il peut nous accompagner dans les luttes du présent. Il peut nous transformer pour l'éternité.

Le mot de la fin

Le mot de la fin reviendra au Cantique des Cantiques.

Que tu es belle ma bien-aimée, que tu es belle ! Tes yeux ressemblent à des colombes. Que tu es beau, mon bien-aimé, tu es superbe ! (Cant 1.16-17). L'amour est beau.

Tu es un jardin bien clos, ô toi, ma sœur, ma fiancée. Tu es une source close, une fontaine scellée (Cant 4.12). Quand on aime, il y a des temps à respecter.

Mets-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras. Quand on aime, on s'engage (Cant 8.6).

Amen