18 décembre 2004

Noël : l’essentiel

Prédicateur:
Passage: Matthieu 1.18-25
Topics:

Introduction

Depuis trois semaines la famille Margery reçoit un courrier abondant en provenance de l'Angleterre. C'est un peu comme les cartes de vœux en janvier en France, sauf que pour les Anglais – et les Ecossais – cela doit se faire avant Noël. Voilà où nous en sommes aujourd'hui. : des étoiles, des mages, des bougies, des sapins, des paysages de neige, un rouge-gorge, Marie sur son âne, une crèche, un enfant Jésus, les toits de Bethlehem… Avril et moi avions plusieurs dizaines de cartes à envoyer, achetées en Angleterre : soit le mot paix en grand, avec plein de versets bibliques, soit un sapin, une couronne de l'Avent, ou un pudding surmonté d'une feuille de houx…

Tout Noël est là… sauf le foie gras et les huîtres. La fête de famille. La grande fête de l'hiver. La fête de la lumière, du soleil qu'on va retrouver. Et la fête chrétienne.

Ce n'est pas le moment de faire triste mine. Dans la Bible on voit souvent Jésus à table avec des gens qui ont quelque chose à célébrer, ou qui veulent simplement passer un bon moment ensemble entre amis. Je le verrais bien assis dans un fauteuil, un verre à la main, entouré de papier cadeau déchiré et de jouets, un grand sourire aux lèvres. Je n'enlèverais pas à Jésus sa réelle humanité.

Aujourd'hui et vendredi soir nous aimerions faire quelque chose de spécifiquement chrétien. Nous voulons penser à l'essentiel. Allez, vous les anges, vous les bergers, et vous les mages qui êtes venus en retard : poussez-vous un peu. Nous voulons nous pencher sur le berceau. Qui c'est, ce bébé ?

Jésus, vrai homme

C'est un petit garçon, qui ressemblera sans doute à sa mère. De type méditerranéen. De condition modeste. Un vrai bébé, qui pleure – contrairement à ce que disent certains chants traditionnels. Un bébé qui a besoin qu'on le nourrisse, qu'on le change, qu'on le protège, qu'on lui apprenne des choses. Un petit être humain à ses débuts.

Cela vous paraît évident ? Pourtant, la piété chrétienne a souvent oublié l'humanité de Jésus. Dans la crèche, il est nimbé d'or. Il tient la terre dans une main, et vous bénit de l'autre. Jésus n'a jamais ri, disait-on. Il aurait traversé l'enfance, l'adolescence et la vie adulte sur un coussin d'air. Tellement différent de nous.

La Bible enseigne qu'il est devenu un homme comme nous, au point même d'être tenté comme nous à tous égards. Il n'a jamais péché. Mais nos souffrances et nos luttes, il les a toutes connues. Et même le péché, il l'a connu quand il a porté nos péchés en son corps sur la croix. Jésus est comme nous.

Il a une mère, qui l'a porté neuf mois. Il a des ancêtres : leurs noms nous sont donnés dans la Bible. Des gens bien, et des gens pas bien du tout. Quelques géants de la foi, quelques monstres. Une année je me suis intéressé à la généalogie de Jésus. Elle démontre que Jésus est bien le fils de David, celui vers qui convergent les prophéties. Elle montre aussi l'intérêt que Dieu porte aux exclus comme Ruth la Moabite. Elle montre comment Dieu peut intégrer dans son plan des pécheurs comme Juda et Thamar, comme David et Bathchéba. Jésus il n'est pas conditionné par ses ancêtres, il est libre. Mais on peut dire qu'il fait partie d'une famille, que cette famille fait partie d'un peuple et que Jésus en est solidaire. Cela paraît très ordinaire et très humain.

Né d'une vierge

Mais regardons son berceau et posons-nous la question de son père. Joseph l'a reconnu comme son enfant, c'est par lui que Jésus est l'héritier du vieux trône de David. Mais Joseph n'a pas eu de rapports avec Marie avant la naissance de l'enfant. Et Marie était vierge au moment de la conception. C'était conforme à la vieille prophétie d'Esaïe, conforme à ce qu'un ange avec annoncé à Marie, puis à Joseph. Cet enfant n'a pas de père humain, il a été conçu dans le sein de Marie par un miracle divin. « Le Saint-Esprit te couvrira de son ombre », dit l'ange.

Vrai Dieu

Qui c'est, ce bébé ? Le prophète Esaïe dit qu'il est un signe. Ce signe est expliqué dans son nom « Emmanuel », Dieu avec nous. Et on peut prendre cela de deux façons. C'est le signe que Dieu est avec nous, qu'il est pour nous, qu'il est de notre côté. C'est déjà pas mal. Logiquement, Dieu devrait être contre nous à cause de nos péchés. Non, il est pour nous. Mais la naissance de l'enfant de la vierge signifie aussi que Dieu est parmi nous, qu'il est venu parmi nous. « On l'appellera Admirable conseiller, Dieu puissant, Père éternel… » dit le prophète. « Le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu » dira l'ange à Marie. Voilà pourquoi les bergers se prosternent devant le berceau, voilà pourquoi les mages l'adorent. L'Evangile de Jean dit les choses très clairement. « Au commencement était celui qui est la Parole. Il était au commencement avec Dieu, il était Dieu. Il est devenu un homme et nous avons contemplé sa gloire. »

Nous le chantons dans un cantique : Mystère de Jésus-Christ, homme et Dieu réuni. C'est dur à comprendre, n'est-ce pas ?

Tellement dur, que dans les premiers siècles il y avait pas mal de gens pour dire qu'il n'était pas un vrai homme. Il n'en avait que l'apparence. Et du coup, il n'aurait connu aucune limitation, il n'aurait jamais souffert, ne serait pas vraiment mort.

Il y avait d'autres pour dire qu'il n'était pas vraiment Dieu. Il ressemblait à Dieu, sans plus. Il était un être créé comme les autres, voire le premier des êtres créés.

Au quatrième siècle, à Alexandrie en Egypte, les gens se battaient dans les rues à ce sujet. Il y avait le camp de ceux qui croyaient à la divinité du Christ, et le camp de ceux qui n'y croyaient pas. C'était comme le PSG et l'OM. Il y avait même des émeutes à ce sujet qui tournaient autour du plus petit des lettres grecques, le i.

Regardez ces deux mots : vous voyez la différence ?

omoousioV omoiousioV

Allez, je vous aide :

omoousioV omoiousioV
Homoousios homoiousios

Allez, je vous aide encore :

omoousioV omoiousioV
Homoousios homoiousios
De la même nature (que le Père) D'une nature semblable (au Père)

Heureusement qu'il n'y a plus d'émeutes dans les rues entre homoousiens et homoiousiens. Mais il y a toujours une bagarre entre ceux qui croient à la divinité du Christ et ceux qui n'y croient pas. C'est là-dessus que les Témoins de Jéhovah et les musulmans sont le plus remontés contre nous.

La différence est minime sur le plan de l'orthographe, mais il est énorme sur le plan du sens : Dieu se fait homme - ou alors, c'est un genre d'ange qui s'est fait homme. Qui c'est, cet enfant dans le berceau ? C'est un être humain comme nous. Et ensuite : c'est un être qui ressemble à Dieu, ou il est vraiment Dieu ?

L'apôtre Paul a dit à ce sujet : « En lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité ». Tout Dieu est là dans ce berceau. Tout Dieu est là trente ans plus tard lorsque dans la chambre haute l'apôtre Thomas s'écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu. » C'est peut-être difficile à comprendre, mais c'est ce que la Bible enseigne.

Qu'est-ce que cela change ?

Vous êtes peut-être tentés de dire que tout cela, c'est de la théorie. Bon pour nous défendre dans une discussion avec un voisin ou un collègue de travail. Mais pratiquement ?

Cela changerait pas mal de choses, si Jésus-Christ n'était pas vraiment Dieu. Cela changerait notre façon de rendre un culte à Dieu et de prier. Les prières que vous avez prononcées spontanément ce matin sont souvent tournées vers le Seigneur Jésus. C'est inadmissible si Jésus n'est qu'un simple homme, ou s'il n'est qu'un ange puissant. Mais si toute la plénitude de la divinité habite en lui, c'est normal. Lui-même a dit : « Celui qui m'a vu a vu le Père. » Il a évoqué le jour où tous honoreraient le fils comme ils honorent le Père. Et c'est exactement que font les chrétiens, sans trop y réfléchir. Ecoutez bien les paroles de nos chants de Noël : ils nous invitent à adorer Jésus. Il est l'image visible du Dieu invisible, le rayonnement de sa gloire, sa Parole, son empreinte, son Fils. Non pas comme nos fils à nous, mais l'expression visible et audible du Père quand il tourne sa face vers nous.

C'est ainsi que nous connaissons Dieu. Il y a certes une révélation de Dieu dans la nature. Mais elle est incomplète, et nous n'arrivons pas bien à la capter. Il y a eu bien des moments où Dieu s'est révélé dans l'histoire du peuple d'Israël et où il a parlé par les prophètes. Mais la révélation la plus complète, la plus forte, la plus belle, c'est en Jésus-Christ. Dans sa vie comme dans sa mort, il a pleinement accompli la volonté de Dieu, exprimé sa pensée et incarné l'immensité de son amour. Si Dieu vous paraît lointain, abstrait, incompréhensible : regardez Jésus-Christ. Il est venu pour révéler le Père. Vous pensez que Dieu tolère tout, qu'il passe tout ? Regardez la sévérité de Jésus-Christ. Vous pensez que vous êtres trop bas tombé pour que Dieu vous aime ? Regardez comment Jésus tend la main et touche le lépreux, relève la prostituée. Il est l'image visible de Dieu.

Mystère de Jésus-Christ, homme et Dieu réuni. Mettant de côté pour un temps certains attributs de sa divinité, vivant parmi nous, mourant parmi nous et pour nous. Quelle aurait été la valeur de la croix, si Christ n'était pas vraiment Dieu et vraiment homme ? Il est appelé le seul médiateur entre Dieu et les hommes. Il fallait donc qu'il représente bien les deux parties, Dieu et les hommes. Notre salut dépend de cela. Dieu le Père manifeste son amour envers nous en ce que lorsque nous étions encore des pécheurs Christ est mort pour nous.

Conclusion

Ces jours-ci nous verrons des étoiles, des mages, des sapins, des paysages de neige, Marie sur son âne, les toits de Bethlehem… ou un pudding surmonté d'une feuille de houx…

Ce n'est pas le moment de faire triste mine.

Mais c'est sûrement le moment de penser à l'essentiel. « Un Sauveur vous est né dans la ville de David : c'est lui de Messie, le Seigneur. - Car pour nous un enfant est né, un fils nous est donnée. Et il exercera l'autorité royale, il sera appelé Merveilleux conseiller, Dieu fort, Père à jamais et Prince de la Paix. »

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! Et paix sur la terre aux hommes qu'il aime ! »