Noël 2005
Noël 2005
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux,
et paix sur la terre, aux hommes qu'il aime ! »
Luc 2.8-20 (ou : 2.1-20)
Prédication du dimanche 25 décembre 2005
par le pasteur Gordon Margery
Introduction
Des bergers qui passent la nuit à la belle étoile, plutôt que de rentrer dormir tranquillement à la maison : c'est qu'ils ne sont pas très riches. Ils doivent protéger leurs troupeaux, ils ne peuvent payer personne d'autre pour le faire.
Ils sont dehors. Nous ne sommes peut-être pas dans un hiver du Nord de l'Europe, comme on l'imagine traditionnellement. Mais même en été, dans les pays de la Méditerranée il peut faire froid la nuit. Il n'y a pas de pollution, il n'y a pas la lueur d'une grande ville comme Paris qui vous empêche de voir le ciel. Ils voient la magnifique Voie lactée comme nous ne la verrons peut-être jamais.
Et voilà que la nuit s'éclaire comme en plein jour. Un ange leur apparaît, une armée d'anges, avec le message incroyable de la naissance du Messie. Attendu depuis des centaines d'années, depuis le temps des anciens rois et même avant. Le monde invisible devient d'un coup visible, audible. Le ciel des scientifiques se fait envahir par le ciel de Dieu.
Et tout cela au bénéfice de gens rustres, sans doute malodorants, sans doute pauvres. Mais pourquoi pas à Jérusalem ? Pourquoi pas à Rome ? Pourquoi pas au Temple devant une constellation de rois et de prêtres ?
Sans doute parce que c'était le premier acte dans l'histoire de celui qui s'élève comme une jeune pousse sortant d'un sol aride, de celui dont on ne fait aucun cas. Le ciel se réjouit, mais sur terre seuls quelques paysans israélites sont dans le coup.
Paix sur la terre ?
Les cantiques de Noël nous invitent à suivre les bergers jusqu'à Bethléhem, pour admirer le Christ. Nous l'avons fait. J'aimerais donc m'intéresser à un autre volet du message des anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! Et paix sur la terre aux hommes qu'il aime. »
Gloire à Dieu : pour la naissance de l'enfant. Nous qui savons tout ce que cette naissance implique, nous aussi nous avons envie de dire : Gloire à Dieu ! L'aboutissement de centaines, voire de milliers années d'histoire ; la réalisation de dizaines de promesses. La venue, enfin, de celui qui nous sauvera de nos péchés.
Mais Paix sur la terre ? L'immense empire romain est effectivement en paix. Mais la guerre est aux frontières, où sont stationnées les légions. La guerre n'est jamais loin en Judée, qui sera ensanglantée par un chapelet de révoltes menées par de soi-disant messies. Au-delà de l'empire romain, la guerre monte et descend et remonte comme les marées, portant dans ses flots le carnage, la misère, la destruction, le désespoir.
L'Europe aujourd'hui est un îlot de paix qui ressemble un peu à l'empire romain. Mais l'armée française est déployée en Côte d'Ivoire et en Afghanistan et dans les grandes gares parisiennes parce que la guerre, sous différentes formes, ne nous a jamais lâchés.
Conflits à cause du Christ
Et si ce n'était pas déjà assez compliqué comme cela, pensez à ce qui a été dit à Marie quelques semaines après la naissance de Jésus :
Cet enfant est destiné à être, pour beaucoup en Israël, une occasion de chute ou de relèvement. Il sera un signe qui suscitera la contradiction : ainsi seront dévoilées les pensées cachées de bien des gens. Quant à toi, tu auras le cur comme transpercé par une épée (Lc 2.34,35).
Jésus lui-même a dit :
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur terre : ma mission n'est pas d'apporter la paix, mais l'épée (Mt 10.34).
Il est clair que Jésus n'est pas en train de prôner le recours aux armes. Il l'a explicitement refusé en disant à Pierre :
Remets ton épée à sa place, car tous ceux qui se serviront de l'épée mourront par l'épée (Mt 26.52).
Non, il ne parle pas de la guerre au sens propre, mais il parle bel et bien de contradictions et de conflits sur le plan spirituel. Sa venue en provoque même. Celui qui est la Parole était déjà dans le monde, puisque le monde a été créé par lui, et pourtant, le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas accueilli (Jn 1.10, 11).
La paix promise
La guerre n'a jamais cessé. La personne de Jésus divise l'humanité. Et on parle de paix sur la terre. Comment est-ce qu'on peut dire cela ? Comment est-ce des anges peuvent dire cela ? Parce que la paix est le projet de Dieu depuis toujours, et que ce projet aboutira. Un jour :
[Dieu] sera l'arbitre des peuples. Oui, il sera le juge de nombreuses nations. Martelant leurs épées, ils forgeront des socs pour leurs charrues, et, de leurs lances, ils feront des faucilles. Plus aucune nation ne brandira l'épée contre une autre nation, et l'on n'apprendra plus la guerre (Es 2.4).
Un jour :
Le loup vivra avec l'agneau, la panthère paîtra aux côtés du chevreau. Le veau et le lionceau et le buf à l'engrais seront ensemble, et un petit enfant les mènera au pré La terre sera remplie de la connaissance de l'Eternel comme les eaux recouvrent le fond des mers (Es 11.6,9).
Et si nous nous demandons comment est-ce que cela va être possible, le prophète Esaïe nous a déjà répondu :
Car pour nous un enfant est né, un fils nous est donné. Et il exercera l'autorité royale, il sera appelé Merveilleux Conseiller, Dieu fort, Père à jamais et Prince de la Paix (Es 9.5).
Paix sur la terre : C'est le projet de Dieu. C'est lié à la venue de l'enfant qui sera prince de la paix. Mais la paix n'est pas encore là.
Et pourtant, il y a des signes avant-coureurs. J'en pense à deux en particulier.
La paix avec Dieu
Le premier, c'est que dès aujourd'hui, par la foi en Christ, nous avons la paix avec Dieu. L'apôtre Paul le dit aux Colossiens :
Or vous, autrefois, vous étiez exclus de la présence de Dieu, vous étiez ses ennemis à cause de vos pensées qui vous amenaient à faire des oeuvres mauvaises ; mais maintenant, Dieu vous a réconciliés avec lui par le sacrifice de son Fils qui a livré à la mort son corps humain, pour vous faire paraître saints, irréprochables et sans faute devant lui (Col 1.21-22).
Quelques cantiques anciens donnent l'impression que Jésus-Christ est venu sur la terre nous sauver d'un Dieu qui nous en voulait. Il est vrai que la Bible enseigne la juste colère de Dieu contre le mal dans toutes ses formes. Mais elle insiste aussi sur le fait que Dieu aime le monde au point de nous envoyer le Sauveur.
Mais voici comment Dieu nous montre l'amour qu'il a pour nous : alors que nous étions encore des pécheurs, le Christ est mort pour nous (Rom 5.7-8).
Paix sur la terre, et parmi les hommes du bon plaisir de Dieu, les hommes qu'il aime[1]. La semence et la promesse de la paix sur la terre, ce sont des hommes et des femmes réconciliés avec Dieu par Christ.
La paix entre nous, en Christ
Mais il y a un deuxième aspect, un deuxième signe avant-coureur de la paix sur la terre. C'est la réconciliation entre les peuples que nous vivons dans l'Eglise. Le journal de Portes Ouvertes parle régulièrement de Palestiniens et d'Israéliens réconciliés en Christ. L'apôtre Paul a parlé de la réconciliation entre Juifs et Grecs :
Car nous lui devons [à Christ] notre paix. Il a, en effet, instauré l'unité entre les Juifs et les non-Juifs et abattu le mur qui les séparait : en livrant son corps à la mort, il a annulé les effets de ce qui faisait d'eux des ennemis, c'est-à-dire de la Loi de Moïse, dans ses commandements et ses règles. Il voulait ainsi créer une seule et nouvelle humanité à partir des Juifs et des non-Juifs qu'il a unis à lui-même, en établissant la paix. Il voulait aussi les réconcilier les uns et les autres avec Dieu et les unir en un seul corps, en supprimant, par sa mort sur la croix, ce qui faisait d'eux des ennemis (Eph 2.14-16).
Quand les chrétiens sont en rupture de communion les uns avec les autres, c'est quelque chose de très grave, parce que Christ est venu les réconcilier. Etre en rupture de communion, c'est constater l'échec provisoire de la mission de Jésus. C'est dire que quelque part, le péché et l'ignorance l'ont emporté sur le projet divin. C'est poser un contre-témoignage.
Christ a créé une seule et nouvelle humanité. Devenue réalité au premier siècle. Devenue réalité aujourd'hui partout où règne le prince de la paix. Gloire à Dieu.
Deux signes avant-coureurs de la paix sur terre : la paix que nous avons avec Dieu ; la paix qui s'établit entre les humains, quand Christ règne.
Le signe de l'enfant
Deux signes. Deux signes, c'est bien mais s'il y avait un troisième, ce serait encore mieux. C'est vrai qu'il y a des bergers dans la Bible mais il y a aussi Thomas. Et pour nous autres Thomas, il y a bel et bien un autre signe, le premier des trois, en fait.
Esaïe dit alors : -Ecoutez donc, dynastie de David. Ne vous suffit-il pas de mettre à dure épreuve la patience des hommes pour qu'il vous faille encore lasser aussi mon Dieu ? C'est pourquoi le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voici, la jeune fille sera enceinte et elle enfantera un fils, elle lui donnera pour nom : Emmanuel, Dieu avec nous (Es 7.13,14).
Cet enfant est la raison pour laquelle la nuit de Noël explose de lumière et de musique. Il est la preuve de ce que projet de Dieu réussira. Il est la preuve que Dieu est avec nous pour nous sauver. Il est celui qui nous transforme en artisans de la paix.
Conclusion
Il n'y aura pas pour toujours des ténèbres sur ce pays envahi par l'angoisse Le peuple qui vivait dans les ténèbres verra briller une grande lumière : la lumière resplendira sur ceux qui habitaient le pays dominé par d'épaisses ténèbres Car pour nous un enfant est né, un fils nous est donné. Et il exercera l'autorité royale, il sera appelé Merveilleux Conseiller, Dieu fort, Père à jamais et Prince de la Paix. Il étendra sans fin la souveraineté et donnera la paix qui durera toujours au trône de David et à tout son royaume. Sa royauté sera solidement fondée sur le droit et sur la justice, dès à présent et pour l'éternité. Voilà ce que fera le Seigneur des armées célestes dans son ardent amour (Es 8.23 ; 9.1, 5, 6).
Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! Et paix sur la terre aux hommes qu'il aime.
Amen !
[1] On trouve différentes traductions, qui dépendent de la présence ou non d'un « s » à la fin du mot eudokia. Sans « s » nous avons un nominatif qui donne : bienveillance parmi les hommes. Avec « s » nous avons un génitif qui donne : aux hommes de la bienveillance. Des passages parallèles (Mt 11.26, Luc 10.21 et Phil 2.13) indiquent que le mot désigne ici le bon plaisir de Dieu, alors que Phil 1.15 et Rom 10.1 permettent de penser à la bonne volonté humaine.