6 février 2007

L’Église locale aux prises avec la diversité culturelle

Prédicateur:
Passage: Jean 11:50-52

Introduction à la table ronde du 6 février 2007

La prophétie de Caïphe, Jean 11.50-52

Introduction

Si je suis parmi vous aujourd’hui, c’est que j’ai envie d’apprendre. Après avoir vécu plus de vingt années en Bretagne, j’ai découvert la diversité culturelle en venant en 1996 en région parisienne, à Ozoir-la-Ferrière. J’ai été le fondateur et le pasteur d’une petite Eglise de province, où on l’on rencontrait de temps en temps un Antillais, un Africain. Je suis devenu le pasteur d’une Eglise de banlieue de plus de 80 membres et d’une grande diversité culturelle. Ce qui frappait au départ, c’est qu’il y avait au culte des noirs et des blancs, à peu près moitié-moitie. Puis j’ai découvert que dans les blancs il y avait pas mal de Portugais, et des Américains. Dans les noirs, il y avait des Français, des Haïtiens, des Africains. Il fallait que je m’adapte, que j’apprenne des choses. Une Eglise multiculturelle, ça ne va pas de soi.

Je tiens à remercier Jean-Claude Girondin, Patrice Kaulanjan, André Pownall, Albert Watto et d’autres encore pour ce qu’ils m’ont appris, et qu’ils continuent à m’apprendre.

En venant en France, j’ai dû abandonner une conviction chère à tout Anglais qui se respecte : les Anglais sont la norme, les Anglais sont les meilleurs. J’ai appris à aimer et à apprécier la France, qui est devenu ma seconde patrie. En venant à Paris, j’ai appris à aimer et à apprécier l’Afrique et les Antilles.

Mais comment gérer tout ça en Eglise ? Nous parlons ici de l’Eglise aux prises avec la diversité culturelle, c’est-à-dire de l’Eglise qui se débat pour comprendre, pour aimer, pour trouver son identité, pour être témoin dans la société d’aujourd’hui.

L’Eglise d’Ozoir

Franchement, je ne peux pas vous parler de l’Eglise aux prises avec la diversité culture, mais je peux vous parler d’une Eglise, de mon Eglise d’Ozoir.

J’ai remarqué que quand certaines familles antillaises ou africaines nous rejoignent, ils font le choix de venir dans une Eglise de culture française. Des églises mono-culturelles, cela existe. Ces familles font le choix d’Ozoir tantôt pour des raisons de proximité, tantôt pour ne pas être enfermées dans leur culture d’origine, pour s’ouvrir à la vie en France. Si nous devenions une Eglise antillaise ou africaine, comme cela se passe parfois, ce sont les Africains et les Antillais qui seraient déçus. Ils veulent la mixité, ils veulent une Eglise de culture française.

C’est une immense richesse, cette mixité. Dans notre conseil d’Eglise nous avons deux Antillais, un Américain, une personne d’origine Africaine, quatre Européens. Dans mon groupe de maison, c’est pareil : Afrique, Antilles, Europe. Nous sommes de vrais banlieusards, de vrais Ozoiriens.

Une question qui me préoccupe de façon permanente, c’est : Où placer le curseur entre ces différentes cultures ? Dans la façon de démarrer un culte, dans le choix de la musique, dans le type de repas on signale que le curseur va être pousée d’un côté ou de l’autre.

Si nous arrivons à placer le curseur au bon endroit, nos Eglises vivront une extraordinaire richesse. Comment se fait-il que les Eglises de la banlieue parisienne sont souvent plus grandes et plus dynamiques que les Eglises de province ? L’une des grosses différences, c’est l’apport des Antillais, et depuis peu des Africains. Pas avant tout pour des questions de nombre. Mais pour la chaleur des relations, le dynamisme de la musique, le zèle dans le témoignage, et la rupture avec la mentalité du petit troupeau craintif. Une Eglise multiculturelle, c’est une chance !

Pour être plus concret encore, j’aimerais vous livrer une courte réflexion sur trois domaines, trois chantiers : l’accueil au culte, le respect des personnes et l’évangélisation.

L’accueil au culte

La façon d’accueillir les gens au culte a été un problème chez nous. Dans la culture catholique, qui a marqué des siècles d'histoire française, on va à la messe pour soi, on se confesse avant, on entre révérencieusement, on fait silence, et on repart seul.

Certains métropolitains sont donc surpris par le bruit de l'accueil chez nous. Certains n’y trouvent pas leur compte, c’est trop agité. D’autres aiment et deviennent aussi bavards que les autres.

J'ai remarqué que quand certains chrétiens antillais viennent nous rejoindre un dimanche matin, ils sont contents d'être là, ils sont contents qu'on les salue du haut de la chaire. Alors que le métropolitain qui vient, quand il est nouveau, il vient sur la pointe des pieds. A moins d'être en vacances et bien dans sa peau, il vient presque en cachette. Il ne sait pas où il met les pieds. Il est peut-être en recherche sur le plan spirituel et il veut protéger son anonymat. Ou alors, il est à la recherche d'une nouvelle église - pour de bonnes ou pour de mauvaises raisons - et il ne veut pas trop se lier avec vous tant qu'il n'a pas fait son choix. Le jeune président de culte antillais lui demande depuis l'estrade de se présenter, il comprend qu'il doit se dénoncer, il va se cacher derrière un poteau. Il ne veut pas se faire connaître.

Si notre culte se passait uniquement entre chrétiens en bonne santé spirituelle, nous pourrions accueillir les gens nommément du haut de la chaire, nous pourrions leur demander de se présenter. Mais si nos cultes sont ouverts à des gens en recherche, surtout des métropolitains, il faut que nous trouvions le moyen de respecter leur désir de discrétion.

Il y a peut-être une raison historique qui explique en partie cette discrétion. Quand en 1940 la France était occupée, il ne fallait surtout pas poser des questions aux gens. Quand au 18e siècle un protestant pouvait être envoyé aux galères ou au bûcher, quand plus tard il pouvait perdre son emploi, il ne faillait pas poser des questions, et surtout pas au sujet de la religion. Beaucoup d’Européens ont appris au cours des siècles à tout garder pour eux, et à se méfier de ceux qui veulent tout savoir.

Il y a une autre explication aussi, plutôt sociologique. J’ai l’impression que plus on grimpe sur l’échelle sociale en France, plus on protège son espace privé. Dans les Eglises de campagne et en milieu ouvrier, les gens peuvent être plus simples, plus décontractés dans leurs rapports les uns avec les autres. S’il y a des Bretons dans la salle, je dirais que c’est un peu comme la ville de Brest, ouverte au large et accueillante, et la ville de Rennes, plus bourgeoise, plus réservée. La façon dont on veut être accueilli dans une Eglise, et la façon dont une Eglise accueille, dépendra d’un facteur social, ce n’est pas seulement une question de cultures chaudes ou froides.

Je dis cela pour aider mes frères à ne pas juger trop vite les métropolitains qui ne semblent pas bien les accueillir et à respecter la discrétion de ceux qui viennent sur la pointe des pieds. Il y a peut-être une explication culturelle à tout cela. C’est archi-compliqué, et on fait tous des gaffes.

L’ouverture aux personnes

Un deuxième mot de témoignage concerne plutôt nous les métropolitains. Car j'entends parfois ceci : « Avec tous ces noirs, je n'arrive pas à me souvenir de leurs noms, ils se ressemblent tous ».

C'est inacceptable. A notre décharge, à nous les blancs, je dois reconnaître que les gens de mon âge ont grandi en apprenant à saisir en un clin d’œil toutes les nuances des visages blancs. La couleur et la coupe des cheveux, la forme du nez, les yeux etc. Nous n'avons pas appris à lire toutes les nuances d'un visage noir. Il y a 3-4 ans l'un des membres de mon Eglise parlait de deux dames de sa famille, pour que je me souvienne bien de leur prénom et que je ne les confonde pas. L'une a le teint plus clair, dit-il, l'autre plus foncé. Je n’avais pas enregistré cela. J'avais seulement enregistré que c'était des Antillaises. Et quant aux tresses, qui vous changent une personne du jour au lendemain, c’est trop dur !

La difficulté est donc réelle. MAIS. Quand quelqu'un dit : « Ils se ressemblent tous », il est en train de dire : « Je ne veux pas faire d’effort, je suis trop paresseux pour apprendre à connaître de nouvelles personnes. Je ne m'intéresse pas à elles ». C'est pour cela, chers amis métropolitains, qu'il est inacceptable de dire : « Je n'arrive pas à me souvenir de leurs noms, ils se ressemblent tous ». Il y a un effort à faire, mais l'amour exige qu'on fasse l'effort. La famille africaine qui arrive, ce n'est pas des statistiques, ce sont des êtres humains, des frères et sœurs en Christ !

Pour aider à résoudre ce problème, nous avons édité un trombinoscope avec les photos de tout le monde, membres, visiteurs, adultes et enfants.

L’évangélisation

L’arrivée de chrétiens d’outremer est une chance pour a France. Vous travaillez dans un hôpital. Qui est-ce qui va témoigner au chef de service ? Ce n’est pas l’infirmière européenne, elle a trop appris la discrétion, la laïcité, le silence. C’est l’aide-soignante africaine. Elle a du zèle, elle parle naturellement de Dieu. Mais elle s’étonne de l’indifférence des blancs. Et le chef de service ne la prend pas au sérieux. Voilà un défi formidable : apprendre à ceux qui s’installent en France à être des témoins efficaces, avant que la république laïque n’étouffe leur zèle, avant qu’ils n’apprennent à être réservés comme les Européens.

Si vous venez d’un pays où les chrétiens sont nombreux et où la foi est vivante, ayez de la compassion pour nous autres Européens. Nous avons donné de notre sang pour que certains pays du monde connaissent l’Evangile. Et maintenant ces pays viennent à notre secours. Priez pour nous. Parlez-nous de Dieu et de Jésus-Christ qui est venu pour nous. Dites-vous bien que la richesse n’est peut-être pas du côté que l’on pense, et que vous avez quelque chose de magnifique à nous offrir : l’Evangile de Jésus-Christ.

Conclusion

L’Eglise d’Ozoir est une Eglise aux prises avec la diversité culturelle. Elle essaie de trouver une voie d’avenir qui respecte son identité, qui favorise l’accueil et le service de tous, qui ouvre sur l’évangélisation de tous. Nous avons encore beaucoup à apprendre.

GM, le 6.2.2007