18 mai 2008

Le déluge

Prédicateur:
Passage: Genèse 6, Genèse 8

Genèse 6-8

Introduction

Le soleil brille. Le ciel est bleu. Une colombe passe qui tient dans son bec une brindille qui va servir à faire un nid. Noé est sur le pont de son bateau, barbe blanche et grand sourire. A ses côtés, le lion et l’hippopotame. Une tête de girafe sort par le toit du bateau. C’est le bonheur, c’est le déluge raconté aux enfants.

Si vous allez au Louvre ces temps-ci, vous pourrez voir ce que les Babyloniens en disaient. A côté de tablettes d’argile datant de 1700 ans avant Jésus-Christ, vous pourrez lire des extraits en français du déluge babylonien. Vous pouvez lire tout le récit dans des ouvrages un peu plus spécialisés. Les dieux sont en colère parce que les humains font trop de bruit. Ils décident d’envoyer un déluge pour supprimer les gêneurs. L’un des dieux prévient son protégé, Outa-Napishtim, de faire un bateau. A la fin du déluge, Outa-Napishtim leur offre des sacrifices. Et ils viennent autour des sacrifices de Outa-Napishtim comme une nuée de mouches, parce qu’ils sont affamés. Les dieux n’avaient peut-être pas prévu qu’en empêchant les humains de faire du boucan ils supprimeraient du même coup leurs offrandes indispensables. C’est le déluge raconté aux Babyloniens.1

Et dans la Bible ?

Lire Genèse 6.9-14 ; 6.17-7.24 ; 8.20-22

Le déluge et l’histoire

Un peu partout dans le monde on trouve des récits de déluge avec des personnes sauvées à l’aide d’un radeau, d’un bateau. Et c’est un peu normal : ceux qui échappent au désastre, ou bien ils ont un bateau, ou bien ils sont sur des hauteurs. On ne peut donc pas dire que tous ces récits remontent au même événement. Mais les récits qui viennent de Mésopotamie, semblent bel et bien conserver, chacun à sa manière, le souvenir d’un événement catastrophique ancien, le même que dans la Bible.

Dans les années trente, certains chercheurs pensaient avoir trouvé les traces d’une immense inondation dans les plaines de l’Euphrate. Aujourd’hui, on pense que ce n’est pas ça. Plus récemment j’ai lu un article qui situait le déluge dans le bassin de la Mer Noire, complètement inondé lorsque la langue de terre qui le séparait de la Méditerranée s’est rompue.

Pour bien comprendre la Bible nous avons une difficulté majeure. C’est que des auteurs bibliques comme Luc2 et Paul3 peuvent parler de toute la terre ou de toutes les créatures sous le ciel d’une façon assez lâche : ils veulent dire tout l’empire romain, ou des représentants de toutes les nations. Et pas, comme nous, toute la terre depuis l’Alaska à la Nouvelle Zélande. En hébreu, le mot terre, eretz, signifie aussi pays. Eretz Israël, c’est le pays d’Israël. Dans la Genèse, toute la terre, est-ce toute la terre du nord au sud et de l’est à l’ouest ? Ou est-ce toute la terre habitée connue ? Ou seulement tout le pays ? Ce n’est pas si simple. Ce qui est clair, lorsque nous lisons la Genèse, c’est que l’événement parle d’un jugement global.

Pourquoi ? Certainement pas parce que les humains font trop de bruit. Notre texte biblique dit : Les hommes s’étaient corrompus et avaient rempli la terre d’actes de violence, que toute l’humanité suivait la voie du mal. Juste avant, au verset 5, nous lisons : Les hommes faisaient de plus en plus de mal sur la terre ; à longueur de journée leur cœur ne concevait que le mal. C’est donc grave, universel, et cela va de mal en pis. Le temps de la tolérance prend fin ; c’est le temps du jugement.

Et parce que l’homme est un être communautaire et qu’il est responsable de la gestion de la terre, il est frappé dans ses familles, dans ses peuples, dans ses villes et dans sa terre. C’est terrifiant. Le mal que fait un seul retombe sur d’autres. Comme le mal fait par Adam. Comme le mal fait par l’un de nous. Aucun airbag divin ne vient protéger les nôtres de nos mauvais choix. Nous sommes comme tissés ensemble pour le meilleur et pour le pire.

La Bible contient d’autres récits de catastrophes de grande ampleur : l’irruption qui a détruit Sodome et Gomorrhe ; les plaies d’Egypte ; la destruction de Jérusalem. Dans ces cas il y a un lien entre le péché contre Dieu et le désastre. Mais la Bible rapporte d’autres cas où il n’y a pas de lien comme cela. Pilate a massacré des Galiléens ; la tour de Siloé est tombée tuant une vingtaine de personnes ; tel homme est né aveugle : ce ne sont pas des punitions.

Le déluge : une punition

Le déluge de Genèse 6 à 8 est une punition. Ce n’est pas un avertissement. Ce n’est pas une mesure éducative. Ce n’est pas une méthode pour protéger le reste de la société. C’est une punition.

Si vous suivez l’actualité judiciaire, vous savez que les victimes réclament souvent que le coupable soit puni. Que l’on reconnaisse par là qu’il a fait quelque chose de grave, qu’il a enfreint la loi, qu’en face de lui il y a des victimes qui ont besoin d’entendre que le crime n’est pas normal, qu’on ne peut pas passer dessus.

Ici, c’est Dieu qui réclame et qui exécute une mesure de justice. C’est sa loi, inscrite dans les cœurs, qui est bafouée. C’est sa justice qu’il faut rétablir. C’est à la face de tout l’univers que Dieu montre qu’il n’est pas complice du mal, qu’il ne passe pas dessus comme si ce n’était rien.

Un jugement image du jugement

Le déluge est un jugement terrestre. Il emploie un moyen terrestre, l’eau, comme le jugement de Sodome emploie le feu et comme le jugement de Jérusalem utilise des armées étrangères. Ce n’est pas le jugement dernier.

Au jugement dernier, les choses seront plus nuancées. L’épître aux Romains4 dit que les gens seront jugés de façon différenciée, selon les lumières qu’ils auront reçues. Jésus-Christ évoque une graduation5 dans le jugement dernier, qui sera parfaitement équitable et définitif.

Le déluge est un jugement global qui ne détermine en rien ce qui va se passer après. Mais dans ce qu’il a de terrible, il nous avertit de ne pas prendre le péché à la légère. Dieu jugera toutes choses. Et si le déluge est effrayant, combien plus effrayantes seront les ténèbres du dehors6, là où il y aura des pleurs et des grincements de dents !

Le jugement est un soulagement pour les victimes du mal, pour tous ceux qui ont crié pourquoi sans avoir de réponse. Le jugement est un apaisement pour ceux qui ne tolèrent pas de voir la justice bafouée, de voir le mal triompher. Le jugement est quelque chose de bien… et vous avez certainement prié pour qu’il vienne, comme la volonté et le règne de Dieu sur la terre, comme le Christ qui revient dans sa gloire pour juger les vivants et les morts.

Le déluge : une histoire de grâce

Maintenant, le déluge n’est pas seulement une histoire de jugement. C’est aussi une histoire de grâce. Noé n’a pas été averti par un dieu qui aurait trahi ses collègues. Il a été averti par le seul et même Dieu qui allait juger les hommes. Le Dieu du jugement est en même temps le Dieu de la grâce.

Au chapitre 6 verset 9, il est dit que Noé était juste et irréprochable au milieu de ses contemporains. C’est un témoignage impressionnant, car les occasions de tentation et de chute devaient être nombreuses. Nous pourrions imaginer Noé comme un homme parfait, n’ayant besoin de rien. Mais le texte dit au verset 8 : Noé obtint la faveur de l’Eternel. Autrement dit, Noé n’était pas parfait. Il était droit et intègre comme les humains peuvent l’être. Il avait néanmoins besoin de la grâce de Dieu. Et il l’a obtenue. L’épître aux Hébreux met en avant sa foi7. Il n’a pas acheté son salut par la multitude et la perfection de ses sacrifices. Il ne s’est pas imposé auprès de Dieu à cause de ses vertus héroïques. Il a cru en Dieu, cela s’est vu dans sa vie, et Dieu a eu compassion de lui, Dieu l’a sauvé.

C’est exactement la même chose pour nous. Si nous croyons en Dieu, cela se verra dans notre vie, quelque chose nous démarquera de nos contemporains. Si nous croyons en Dieu, et en Jésus-Christ qu’il a envoyé, nous avons la vie éternelle8. Le don de Dieu. Le salut. Même si nous sommes seuls contre tous.

La Bible ne dit pas un mot sur la foi de la femme de Noé, de ses trois fils, et de ses belles-filles. Mais je suppose qu’ils auraient tous pu le traiter de vieux fou et choisir de rester avec leur famille élargie. Ils ont eu assez de foi, assez de confiance, pour le suivre. La grâce a valu pour eux aussi. La suite des événements nous montrera un Noé qui n’est pas à la hauteur, des fils que ne le sont pas non plus… il n’empêche qu’avec le peu de foi qu’ils ont ils sortent du lot. Dieu les sauve.

Quand l’apôtre Pierre évoque le déluge dans sa première épître9, c’est pour le voir comme une image du salut en Christ. Un grand péril nous menace. A cause de nos péchés nous sommes séparés de Dieu. Le jugement nous attend. Mais Dieu nous envoie le moyen d’être sauvés. Parce que Jésus-Christ est mort pour nos péchés, lui juste pour des injustes, et qu’il est ressuscité, nous échappons au désastre du jugement. Nous nous engageons envers Dieu par le baptême. Notre conscience est purifiée.

Les temps de Dieu

Le jugement, la grâce… et j’aimerais ajouter un troisième élément majeur : le temps. Non pas le temps qu’il fait, non pas le temps qui passe, mais le temps qui s’arrête. Le temps qu’il fait, c’est la météo. Le temps qui passe, c’est le décompte des heures et des jours. Le temps qui s’arrête, c’est la fin d’une époque, c’est la fin des attentes, la fin des atermoiements.

Jésus a comparé10 ce qui s’est passé du temps de Noé à ce qui se passera au temps de la fin. On mangeait, on buvait, on fêtait des mariages, on se donnait du bon temps… puis d’un mot Dieu a mis fin à tout cela. Si les gens pensaient qu’ils avaient du temps devant eux, ils se sont trompés. Le temps s’est arrêté.

Un jour, le temps s’arrêtera pour tout le monde. On tirera un trait. On fera le bilan. Et on ne tiendra pas compte des bonnes intentions et des promesses et des excuses. La photo prise à ce moment-là sera celle qui comptera, qu’elle soit bonne ou mauvaise.

Et sans parler du retour de Jésus-Christ et de la fin du monde, je pense à beaucoup d’autres situations dans la vie où le temps s’arrête pour nous. Tu n’es pas sérieux au travail, tu rigoles, et puis un jour tu reçois une lettre recommandée. Tu cours les filles, puis l’avant-dernière t’apprend qu’elle est enceinte. Jour après jour tu humilies ta femme, puis un jour elle s’en va. Tu ne t’occupes pas de tes enfants, tu es toujours sorti, puis un jour le commissariat de Pontault t’appelle.

Le temps peut s’arrêter n’importe quand. C’est maintenant qu’il faut vivre comme Noé, juste et sans reproche, dans la foi.

Prions


1 Dans l’Epopée de Gilgamesh tablette XI il y a de nombreux parallèles avec le récit biblique. Gilgamesh entend le récit du déluge de la bouche de son unique survivant. A Sumer, le héros s’appelle Ziusudra, c’est un roi.

2 Luc 2.1

3 Colossiens 1.23

4 Romains 2.12-16

5 Matthieu 11.20-24

6 Matthieu 8.12, par exemple

7 Hébreux 11.7

8 Jean 5.24 ; 17.3

9 1 Pierre 3.18-22. Certains aspects de ce passage sont difficiles. La comparaison essentielle tourne autour de la phrase « sauvées à travers l’eau. » Nous sommes sauvés par l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, par la résurrection de Jésus-Christ, exprimé dans les eaux du baptême.

10 Matthieu 24.36-39 et parallèles