2 juillet 2006

L’aimer sans l’avoir vu

Prédicateur:
Passage: 1 Pierre 1:3-9

Introduction

Les stades sont bondés. Les foules sont là pour encourager leurs champions. On crie. On rit. On pleure. C’est un grand moment fédérateur. Un grand moment d’émotion collective.

Venez avec moi maintenant non pas à Wimbledon ou à Francfort, mais à Lyon, en l’an 177 de notre ère. C’est l’ambiance des grands jours. Mais dans l’arène il y a une jeune chrétienne de 15 ans, Blandine. Elle a déjà été torturée dans les prisons du gouverneur, comme des dizaines d’autres, dans l’espoir qu’elle abandonnerait la foi. Mais elle a tenu bon. Maintenant, saignant de partout, elle est attachée à un poteau. Les fauves sont lâchés. On va s’amuser ! Mais non, les fauves n’ont plus faim. Alors, on la détache, on la met dans un filet, et on la roule devant un taureau qui va la piétiner et l’encorner jusqu’à ce qu’elle meure. On crie. On rit. C’est un grand moment fédérateur.

Il aurait été si facile de se ranger du côté des païens. Mais en 177 de notre ère, comme avant, sous Néron, comme maintenant en Corée du Nord et en Erythrée, il se trouve des chrétiens prêts à affronter le pire à cause de Christ. Leur exemple peut certainement nous aider à affronter la vie courante de maintenant. Le passage que nous venons de lire nous en donnera quelques clefs.

Sous quel angle voir les épreuves ?

Au verset 6, Pierre reconnaît que ses lecteurs subissent diverses épreuves. Ce n’est pas encore la traque à l’homme et les brutalités systématiques. Mais déjà, être chrétien vous expose à des calomnies et à des injustices. Trois petits mots ici nous disent comment comprendre ces épreuves.

Un mot qui passe presque inaperçu : il faut. Il faut que vous soyez attristés par diverses épreuves. Par ce petit mot, Pierre renvoie à la souveraineté de Dieu. Il ne dit pas quelque chose dans le genre : vous devez souffrir pour expier vos fautes. Jamais il ne dira cela, parce qu’il sait que Christ seul nous sauve. Il dit : il faut que, parce qu’il sait que Dieu fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment Dieu (Romains 8.28), il sait que derrière les agissements des hommes il y a la souveraineté de Dieu. Mystérieuse, certes, mais bien réelle.

Un deuxième mot clef : pour un peu de temps. Paul l’a dit aux Corinthiens : Nos détresses présentes sont passagères et légères par rapport au poids insurpassable de gloire éternelle qu’elles nous préparent… les réalités visibles ne durent qu’un temps, mais les invisibles demeureront éternellement (2 Cor 4.17-18). Cette épreuve prendra fin. Ce n’est pas définitif, ce n’est pas notre destination finale. Il y a autre chose, et mieux, après. Dans peu de temps.

Et le troisième mot clef ? Je le trouve au verset 7 : Ces épreuves servent à éprouver la valeur de votre foi. Entre autres, dirais-je, il n’y a pas que ça. Mais comme un test match sert à tester la valeur relative de deux équipes, les épreuves servent à tester la valeur de notre foi. C’est une foi qui tient seulement quand le baromètre est au beau fixe ? Ou alors elle sait affronter des tempêtes et des hivers rudes et la sécheresse des étés sans pluie ? Elle est une petite superstition inoffensive ? Ou elle tient contre vents et marées ?

Les épreuves ne nous anéantissent pas, car nous comprenons qu’elles seront de courte durée, quelles sont autant de tests, qu’elles n’échappent pas à la souveraineté de Dieu.

La foi : certitude de choses invisibles

Nous voulons maintenant aller un peu plus loin et voir quelle est la foi qui résiste à l’épreuve. Elle apparaît dans ce passage comme une certitude au sujet des choses que nous ne voyons pas.

Dans les versets 3 à 5, il est question d’une espérance vivante, on peut dire la forte conviction que ce monde n’est pas tout. Il existe une réalité qui dépasse la réalité, un monde au-delà du monde, une dimension de l’existence dont cette vie n’est que le prélude.

Beaucoup de livres et de films nous le disent, ou le suggèrent. Toute une littérature fantastique y fait allusion. Tout n’est pas carré, cartésien, quadrillé par nos cinq sens. Mais ce monde invisible ne se laisse pas définir par l’imagination des cinéastes et des auteurs de science-fiction. Il est révélé par Dieu, défini par la parole de Dieu. Nous y entrons personnellement non pas par des transes ou par la magie, mais par la nouvelle naissance, verset 3. Nous y avons accès par la résurrection de Jésus-Christ. Et cette résurrection est la preuve que nous avons un héritage invisible, indestructible, incorruptible, inflétrissable. Il fait notre joie, dit le verset 6. C’est en voyant cette réalité invisible que tant de martyrs ont tenu bon.

Si nous en étions aussi convaincus qu’eux, notre échelle de valeurs changerait, n’est-ce pas ? Ce qui nous tracasse aujourd’hui nous inquièterait moins ; ce qui nous obnubile nous fascinerait moins ; ce qui nous tente nous tenterait moins. Il est plus facile de gérer les équilibres de la vie sur terre si nous avons en même temps un regard sur l’éternité. Il est dit d’Abraham et de Moïse et de beaucoup d’autres en Hébreux 11 que la foi en un Dieu invisible et l’espoir d’une cité à venir leur ont permis de persévérer envers et malgré tout.

Jésus, vous l’aimez sans l’avoir vu

Je pousse la chose un peu plus loin, pour en venir à la phrase qui m’a surtout motivé ce matin. Au verset 8 : Jésus, vous l’aimez sans l’avoir vu. Je crois que c’est là le secret de tout.

Comment peut-on aimer quelqu’un qu’on n’a jamais vu ?

Il y a certainement là-dedans un amour de reconnaissance. Chaque chrétien sait que Jésus a donné sa vie pour le sauver. La chose est enseignée dans les prophètes de l’Ancien Testament, elle a été annoncée de vivre voix par les apôtres, elle est confirmée dans les écrits du Nouveau Testament. Christ est mort pour nous. C’est là le sens de cette phrase un peu curieuse au verset 2. Comme dans les rites d’autrefois le sang des animaux offerts en sacrifice servait à asperger les objets du culte et même les adorateurs, de même la mort de Jésus nous purifie de nos fautes.

Et la reconnaissance des chrétiens est d’autant plus grande qu’ils savent que leurs fautes sont des péchés qui les séparent de Dieu. Christ n’est pas mort pour nous parce qu’il aurait trouvé en nous quelque chose de valable. Il est mort pour nous alors que nous étions loin de Dieu, condamnables et condamnés. Nous l’aimons donc, sans l’avoir vu, parce qu’il nous a aimés au point de se donner pour notre salut.

Nous ne l’avons pas vu, mais en fait, nous le connaissons. Dans les pages de l’Evangile nous l’avons vu marcher sur les routes de Galilée, nous l’avons vu se frayer un passage dans les rues de Jérusalem. Nous l’avons vu enseigner les foules, dialoguer avec les petits et les grands, former ses disciples. Nous avons vu l’attention particulière qu’il porte aux exclus. Nous avons vu sa compassion pour les malades. Nous avons vu sa fermeté, sa colère contre l’injustice, l’hypocrisie, le mensonge. Il nous a éblouis.

Et le portrait que nous laissent les Evangiles est complété par le reste de la Bible. Voilà pourquoi la confession de foi de notre union d’Eglises dit ceci :

Nous croyons que, Parole éternelle de Dieu, le Fils Unique est devenu un homme en la personne de Jésus de Nazareth. Il est le Christ, le Messie promis par les prophètes. Conçu du Saint-Esprit et né d'une vierge, il est aussi réellement homme que réellement Dieu. Tout en s'étant volontairement abaissé, le Fils de Dieu a manifesté la même perfection dans le domaine du vrai et dans le domaine du bien. Tenté comme nous en toutes choses, il est demeuré parfaitement saint. Dans sa vie comme dans sa mort, il a pleinement accompli la volonté de Dieu, exprimé sa pensée et incarné l'immensité de son amour.

Nous croyons que Jésus-Christ a volontairement souffert et qu'il est mort sur la croix. Pour satisfaire à la justice divine, il a offert sa vie parfaite en sacrifice expiatoire pour les pécheurs.

Nous croyons que Jésus-Christ est corporellement ressuscité et qu'il a été élevé au ciel. Il siège à la droite du Père et partage sa gloire. Il intercède auprès de lui pour les siens ; il reviendra pour les prendre avec lui et pour établir le règne de Dieu dans toute sa gloire. Il est le seul médiateur entre Dieu et les hommes. Il sera le juge des vivants et des morts. Il est le Sauveur et le Seigneur.

Nous l’aimons, sans l’avoir vu encore. Et cela va plus loin que la reconnaissance. En plaçant notre confiance en lui sans le voir encore, nous sommes remplis d’une joie glorieuse qu’aucune parole ne saurait exprimer, car nous obtenons notre salut qui est le but de notre foi (1 Pi 1.8-9).

Amour et foi

Aimer Jésus-Christ, c’est l’essence même de la foi. La foi n’est pas une sorte d’optimisme religieux: tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. La foi, c’est n’est pas une croyance religieuse qui nous laisse libres de vivre à notre guise. Ce n’est pas non plus une valeur en soi : tout dépend de l’objet de notre foi. Et l’objet de la foi chrétienne, c’est Jésus-Christ. C’est lui qui est visé par notre foi, notre amour, notre espérance.

Si ce n’est pas lui, nous ne sommes pas chrétiens. Si ce n’est pas une foi qui agit dans l’amour, ce n’est pas la foi chrétienne.

Vous vous rappelez l’entretien que Jésus a eu avec Thomas une semaine après sa résurrection ? Thomas qui réclamait de voir Jésus, de mettre son doigt dans la marque des clous ? Thomas qui est tellement bouleversé de le voir qu’il ne peut que balbutier : Mon Seigneur et mon Dieu ? Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois ! Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Et en fait, plein de gens ont vu Jésus sans croire en lui. Ont vu ses miracles sans croire. L’ont entendu prêcher sans croire. Alors que d’autres ont vu et ont cru. Ce qui compte, ce n’est pas de le voir en chair et en os, c’est de voir et de comprendre, de voir et d’aimer. Nous sommes aujourd’hui de ceux que Jésus appelle heureux : Heureux ceux qui croient sans avoir vu.

Conclusion

Un jour, nous le verrons tel qu’il est, dit la Bible. Il nous a sauvés. Il nous garde à travers les épreuves. Il nous garantit un héritage éternel. Il nous remplit d’une joie glorieuse. Nous l’aimons.

Et si vous n’arriviez pas à le dire ? Allez, nous pouvons nous donner une petite minute pour le dire, pour la première fois ou pour la énième fois. Pour marquer un vrai tournant ou une petite correction de trajectoire. Pour dire notre reconnaissance et notre joie. Je vous invite à la prière silencieuse.