La parole devenue homme
Introduction
Nous sommes dans les années 90, zéro-zéro-quatre-vingt-dix. L’apôtre Jean est âgé ; les autres apôtres sont morts. Il y a des Eglises dans les grandes villes de l’empire romain : en Italie, en Egypte, dans ce que nous appelons la Turquie, en Grèce. Et plus loin à l’Est : chez les Parthes, les Mèdes, peut-être même en Inde. Les trois premiers évangiles ont été publiés ; ils circulent dans les Eglises et au-delà.
Le dernier apôtre rassemble maintenant ses forces pour écrire un Evangile qui ne sera pas comme les autres. Il ne racontera pas tout. Il fera un message d’évangélisation. Un message pour ses compatriotes les Juifs. Un message pour le monde grec. Un message qui va revisiter en profondeur quelques faits marquants de la vie de Jésus-Christ.
J’aimerais lire avec vous le début de ce quatrième évangile, Jean 1.1-18. Un passage qui nous dira que l’homme de Galilée est la Parole éternelle de Dieu. Et qui nous invitera à croire en lui.
Lecture
Jn 1,1 Au commencement était celui qui est la Parole de Dieu. Il était avec Dieu, il était lui-même Dieu.
Jn 1,2 Au commencement, il était avec Dieu.
Jn 1,3 Tout a été créé par lui ; rien de ce qui a été créé n'a été créé sans lui.
Jn 1,4 En lui résidait la vie, et cette vie était la lumière des hommes.
Jn 1,5 La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas étouffée.
Jn 1,6 Un homme parut, envoyé par Dieu ; il s'appelait Jean.
Jn 1,7 Il vint pour être un témoin de la lumière, afin que tous les hommes croient par lui.
Jn 1,8 Il n'était pas lui-même la lumière, mais sa mission était d'être le témoin de la lumière.
Jn 1,9 Celle-ci était la véritable lumière, celle qui, en venant dans le monde, éclaire tout être humain.
Jn 1,10 Celui qui est la Parole était déjà dans le monde, puisque le monde a été créé par lui, et pourtant, le monde ne l'a pas reconnu.
Jn 1,11 Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas accueilli.
Jn 1,12 Certains pourtant l'ont accueilli ; ils ont cru en lui. A tous ceux-là, il a accordé le privilège de devenir enfants de Dieu.
Jn 1,13 Ce n'est pas par une naissance naturelle, ni sous l'impulsion d'un désir, ou encore par la volonté d'un homme, qu'ils le sont devenus ; mais c'est de Dieu qu'ils sont nés.
Jn 1,14 Celui qui est la Parole est devenu homme et il a vécu parmi nous. Nous avons contemplé sa gloire, la gloire du Fils unique envoyé par son Père : plénitude de grâce et de vérité !
Jn 1,15 Jean, son témoin, a proclamé publiquement : -Voici celui dont je vous ai parlé lorsque j'ai dit : Celui qui vient après moi m'a précédée car il existait déjà avant moi.
Jn 1,16 Nous avons tous été comblés de ses richesses. Il a déversé sur nous une grâce après l'autre.
Jn 1,17 En effet, si la Loi nous a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
Jn 1,18 Personne n'a jamais vu Dieu : Dieu, le Fils unique qui vit dans l'intimité du Père, nous l'a révélé.
La Parole
La Parole de Dieu : quel titre bizarre ! Pour le lecteur juif, il fait penser aux premiers versets de la Bible : Au commencement, Dieu créa… Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut… La Parole de Dieu crée la terre et les cieux. Tout a été créé par elle, et rien de ce qui a été crée n’a été créé sans elle. On ne peut pas concevoir Dieu sans pensée, sans intelligence, sans parole. Dieu et sa parole ne font qu’un. Voilà ce que se dit le lecteur juif. On me parle de la Parole de Dieu qui agit dans le monde.
Le lecteur grec, s’il a fait un peu de philosophie, pense que derrière l’univers visible il y a une sorte de raison suprême, une sagesse, un logos, une parole. Comment cette pure sagesse a-t-elle donné naissance à un univers matériel ? Mystère. Le monde est peut-être l’œuvre d’un dieu inférieur, incompétent, maladroit. Mais derrière ce que l’on voit il y a une parole éternelle. On me parle d’un principe qui est à la base de tout, au commencement de tout.
Au commencement était la Parole. La Parole était avec Dieu. La Parole était Dieu. Cela se corse un peu. Si la Parole est avec Dieu, c’est qu’ils sont deux. Mais si la Parole est Dieu, ils sont un car il n’y a qu’un seul Dieu. Il n’y a pas deux Créateurs, il n’y en a qu’un. Il n’y a pas deux sources de vie, il n’y en a qu’un. Dieu et sa Parole sont un. Dieu crée, donne la vie, éclaire les hommes. Il le fait par sa Parole ; la Parole est Dieu ; la Parole est avec Dieu.
Nous n’essayons pas de comprendre cela d’une façon mathématique. Nous reconnaissons simplement qu’il y a une grandeur en Dieu, une pluralité en Dieu, une Trinité en Dieu que Jésus-Christ nous a fait connaître.
Celui qui est la Parole devient homme
Qu’est-ce que cela change ? Pour les Juifs et les Grecs, ces premiers mots de l’Evangile seraient une sorte de spéculation théologique ou philosophique. De la pure théorie. Mais Jean l’évangéliste nous sort de là en parlant d’un autre Jean, Jean-Baptiste. Il y a eu un homme, envoyé de Dieu, qui a témoigné en faveur de celui qui est la parole, la vie, la lumière. Il a pointé les hommes vers un homme plus jeune que lui qui existait avant lui. Voilà la nouvelle étourdissante : la Parole éternelle est devenue un être humain. Celui qui est la Parole a habité parmi les hommes. Les hommes l’ont vu, l’ont entendu, l’ont touché. L’éternité a rejoint l’histoire des hommes.
Explosion de joie sur terre ? Pas du tout. Le monde ne l’a pas reconnu, ne l’a pas accueilli. Incompréhension des Juifs et des Grecs. Pour les Grecs, la Parole éternelle ne peut pas s’abaisser, se souiller, se compromettre avec la matière terrestre, elle ne peut pas devenir un humain. A la limite, elle peut emprunter le corps d’un autre, le posséder, puis l’abandonner. Mais devenir homme, vraiment homme : ça, non. Et pour les Juifs, la Parole de Dieu pourrait bien paraître sur la terre, mais pas dans la faiblesse, pas dans la souffrance, pas jusqu’à la mort. Celui qui est la Parole de Dieu et qui existait depuis le commencement est venu sur sa terre, chez son peuple : pour être rejeté.
Croire en lui, c’est renaître dans la famille de Dieu
Mais pas par tous. Certains l’ont cru, certains l’ont reçu. Et pour ceux-là un miracle s’est produit : ils sont devenus enfants de Dieu. Ce n’est pas la naissance dans une famille humaine qui fait cela, même pas la naissance au sein d’un peuple élu ou d’une Eglise. Ce n’est pas la volonté humaine qui fait de nous des enfants de Dieu. C’est un miracle que Dieu fait, Dieu seul. Nous l’appelons la nouvelle naissance.
J’ai été élevé dans une famille chrétienne, baptisé enfant et confirmé. Mais je n’ai compris la nouvelle naissance qu’à l’âge de 19 ans. Et je m’émerveillais alors de ce que des choses mystérieuses dont certains m’avaient parlé étaient tout d’un coup devenues une réalité pour moi. De quelle façon ? Par une acceptation personnelle et consciente de Jésus-Christ, mon Sauveur et mon Dieu.
Il y a beaucoup de gens qui croient sans croire. Qui ont une croyance, parfois forte, comme quoi il y a autre chose, un Dieu, un destin, une espérance. Mais qui de façon étrange ne semblent jamais vouloir mieux connaître ce Dieu, qui ne cherchent pas à lui obéir, qui ne cherchent qu’à s’en sortir dans la vie en appelant Dieu au secours quand il le faut. Certains portent un gri-gri, d’autres une patte de lapin, d’autres encore mettent dans leur voiture un fer à cheval, un rosaire, une médaille, un poisson peut-être. C’est de cette façon-là que certains disent croire en Dieu. Ils croient en Dieu sans l’aimer, ils croient sans rien faire, ils croient sans s’engager, sans respecter les commandements de Dieu. Ils ne veulent pas marcher avec le peuple de Dieu, ils veulent marcher seuls, pour eux seuls. Ce n’est pas cette foi-là qui nous fait naître de nouveau.
Une foi qui fait naître de nouveau
Regardez comment l’apôtre Jean présente la foi en Christ :
- Il s’agit de l’accueillir, Jésus, dans un monde qui lui est hostile, de se démarquer du monde en l’accueillant.
- Il s’agit de le reconnaître pour qui il est : lumière qui donne la vie, Créateur, Parole éternelle de Dieu, vérité, Fils éternel et glorieux, vrai Dieu et vrai homme.
- Il s’agit de recevoir sa grâce.
C’est quoi la grâce ? Sur le plan juridique, c’est une remise de peine ; elle ne peut être accordée qu’à des personnes reconnues coupables. Sur le plan biblique, c’est la remise de peine plus autre chose : c’est l’expression d’un amour immérité, durable, un amour qui pardonne au coupable et le transforme.
S’adressant à ses lecteurs juifs, l’apôtre Jean dit que Moïse a donné la loi, la loi de Dieu que nous trouvons dans les cinq premiers livres de la Bible. C’est bien. C’est important. Mais c’est incomplet sur deux plans.
C’est incomplet sur le plan de la vérité : la loi de Moïse ne disait pas tout, il devait y avoir d’autres révélations par la suite. Et, surtout, il devait y avoir la révélation suprême et incontournable de Jésus-Christ : plénitude de vérité.
La loi de Moïse est incomplète aussi sur le plan de du salut. Elle nous dit ce que Dieu veut, elle nous aide à voir où est le bien, où est le mal. Elle a aidé les Israélites à s’organiser en tant que peuple et à s’approcher de Dieu. Mais elle ne pouvait rien faire pour quelqu’un qui ne tenait pas la route, qui péchait, qui oubliait le plus petit des commandements. Elle proposait des sacrifices pour le péché – à renouveler tous les jours, tous les mois, tous les ans. En attendant que soit offert le sacrifice parfait et définitif, en attendant la croix, en attendant la venue de Jésus-Christ.
Avec lui, enfin, la grâce s’affiche au grand jour. Elle couvre les croyants de l’Ancien Testament. Elle couvre les croyants du Nouveau Testament. Elle s’offre aux Juifs et aux Grecs, à tous ceux qui croient en Christ en qui l’accueillent vraiment. Elle les fait devenir enfants de Dieu. En Christ, plénitude de grâce et de vérité.
Celui qui est la Parole est devenu homme et a vécu parmi nous.
Nous sommes en fête
C’est cela que nous fêtons, nous chrétiens, à Noël. Oubliez-moi les Père Noël, les sapins, les huîtres, les guirlandes, les cadeaux, les retrouvailles en famille. Ce ne sont que les à-côté de la fête, son expression visible, sa manifestation joyeuse, le langage que nous employons pour dire à tous que nous sommes heureux. Mais le faire-part n’est pas la même chose que le cri du nouveau-né. La bouteille de champagne n’est pas la même chose que la venue au monde d’un petit enfant. Le monde ne connaît que le foie gras ou le nouveau jeu vidéo. Nous, nous fêtons la naissance. C’est une explosion de joie pour nous, à partager avec tout le monde. Un enfant nous est né !
Nous contemplons sa gloire
Nous avons contemplé sa gloire, dit l’apôtre. N’est-ce pas stupéfiant ? Un petit être tout fripé, avec ou sans cheveux, qui cherche son pouce, qui braille, qui a besoin du sein de sa mère, des bras de son père : nous contemplons sa gloire !
N’est-ce pas stupéfiant ? Un homme fatigué qui s’assoit au bord de la route, le visage trempé de sueur, les pieds encroûtés de poussière, un homme qui demande de l’eau à une femme peu fréquentable : nous contemplons sa gloire !
N’est-ce pas stupéfiant ? Un homme qui meurt en plein soleil, le corps lacéré de coups, un homme dont les mains clouées ne peuvent pas chasser les mouches qui bourdonnent autour de sa tête : nous avons contemplé sa gloire !
N’est-ce pas stupéfiant ? Un homme qui brise les scellés de la mort, qui mange avec ses amis, qui accepte leur adoration en leur montrant ses cinq plaies, qui les envoie comme ses témoins pour tous les pays, pour tous les siècles : nous avons contemplé sa gloire !
Conclusion
Voilà pourquoi nous sommes en fête. Amis chrétiens, ne nous en privons pas ! Si nous ne pouvons pas associer le monde entier à ce qui fait réellement notre joie, offrons-lui au moins le champagne !
Quelques-uns ce matin, comme tous les dimanches, ont la possibilité de faire chanter les anges une nouvelle fois. Et si c’était ce 23 décembre 2007 que vous quittiez les ténèbres pour accueillir, à genoux, Jésus-Christ, votre Seigneur et votre Dieu ?
Personne n'a jamais vu Dieu : Dieu, le Fils unique qui vit dans l'intimité du Père, nous l'a révélé.