Hommes et démons
Introduction
Est-ce que vous êtes du genre à croire tout ce qu’on vous raconte ? Ou à douter de tout ? Est-ce que vous aimez tout ce qui relève du miracle ? Ou est-ce que le miracle vous fait peur ? Est-ce que vous avez l’esprit scientifique ? Ou est-ce que la science vous fait peur ?
Les promesses de Jésus et le récit de la Pentecôte nous disent qu’il existe une dimension de la vie sur terre qui n’est pas purement matérialiste. Que suivre Jésus, c’est naître de l’Esprit, c’est marcher selon l’Esprit, c’est être rempli de l’Esprit. La Bible va jusqu’à dire que si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ il ne lui appartient même pas. Elle parle du fruit de l’Esprit, des dons de l’Esprit, de la puissance de l’Esprit, de la prière inspirée par l’Esprit.
J’aimerais lire avec vous ce matin un passage qui nous fera tous réfléchir et qui, je l’espère, éclairera quelques aspects de la question.
Un mot à ceux qui doutent
Première aspect de la question, pour nous qui sommes plutôt des scientifiques : Est-ce que cela s’est réellement passé comme cela ? Réponse : Les Evangiles disent à plusieurs endroits que Jésus a exorcisé des démons. En dehors de la Bible, la tradition juive le dit aussi, en traitant Jésus de sorcier. Les païens de l’époque et les juifs faisaient des exorcismes. Il n’y a donc aucune raison historique pour dire que ce récit est improbable.
Jésus, le Saint, le Fils de Dieu provoquait peut-être davantage de réactions adverses que nous autres. Ce qu’il faisait annonçait sans doute de façon particulière la venue du royaume de Dieu. Mais le caractère spécial de ce récit ne dit pas qu’il est impossible, ni que des choses semblables sont impossibles maintenant.
Qui plus est, le récit de Marc est rempli de petits détails qui sont le propre d’un témoignage oculaire. Cela ne ressemble pas, par exemple, aux miracles qui sont attribués à Jésus dans évangiles apocryphes du 2e siècle.
Sur certains détails, nous restons évidemment sur notre faim : ce marchandage entre Jésus et les démons et la perte de ce grand troupeau de cochons, c’est vraiment étrange. Mais une chose est claire : quand le monde invisible fait irruption parmi les hommes, c’est Jésus le plus fort.
Un mot aux gens trop spirituels
Deuxième aspect de la question, et c’est pour nous qui sommes peut-être trop portés à voir des miracles partout. Est-ce que toute maladie est le résultat de l’action de mauvais esprits ? Suffit-il de les exorciser pour être guéri de tout ? Réponse : Non. Les Evangiles distinguent entre ceux qui sont malades, tout simplement, et ceux qui subissent l’action d’un mauvais esprit. On y trouve beaucoup plus de malades que de possédés.
Avec l’homme du pays de Gérasa, il y a des symptômes étranges que l’on trouve dans les maladies mentales classiques et qu’on essaie de soigner par la psychiatrie : le fait de se couper, par exemple, de se faire du mal, d’avoir le sommeil déréglé, d’être complètement en dehors de la société. Il y a des choses encore plus bizarres que cela en psychiatrie. Comme sans doute cette fascination avec la mort, avec les cimetières.
Il y a ici deux éléments qui nous permettent de poser le bon diagnostic. Premièrement, l’homme reconnaît Jésus comme le Fils de Dieu, et le craint, alors que personne parmi les disciples ne l’a dit publiquement. Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu très haut. Je t’en conjure, au nom de Dieu, ne me tourmente pas. Cette connaissance et cette crainte ne relevaient pas de l’expérience de tous les jours, elles venaient d’ailleurs. Deuxièmement, après la confrontation, l’homme est réellement guéri, réellement changé. S’il avait été simplement dépressif, schizophrène ou abîmé par des drogues, le fait de chasser un démon ne l’aurait pas guéri. Mais dans son cas, les symptômes n’avaient pas de cause médicale. L’homme était comme parasité par une intelligence ennemie.
C’est Jésus le plus fort
Dans certains pays, on dirait qu’il a été ensorcelé. Les chrétiens européens auraient plutôt tendance à dire que l’homme est lui-même responsable de son sort, que c’est en faisant des expériences de plus en plus poussées dans le domaine de la magie qu’on en arrive à ce degré d’aliénation. Mais peu importe pour le moment comment il en est arrivé là : l’essentiel, c’est de constater que Jésus est le plus fort. Il a une réelle autorité. Sa parole est suivie d’effet. Et c’est pour cette raison-là que l’Evangile de Marc, évangile de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ Fils de Dieu, prend la peine de raconter cet incident dans le détail.
Ce passage nous invite donc à reconnaître la réalité du monde invisible et l’autorité de Jésus. Tout comme le récit de la Pentecôte. Ces signes ont été donnés pour que le monde comprenne que Jésus est vraiment le Fils de Dieu. L’Esprit a été donné pour que l’Eglise annonce le message de Jésus à tous les peuples de la terre.
Notre récit est en premier lieu un message au sujet de Jésus et son autorité. Mais il y a plus.
Jésus et les gens qui souffrent
Je vois encore ici un exemple du rapport entre Jésus et les gens qui souffrent. Cet homme fuyait le genre humain. Il préférait la compagnie des morts et des hiboux à celle des humains. Mais il est venu vers Jésus. Avec les dernières bribes de personnalité qui lui restaient en propre, et avec tous les démons qui lui disaient de rebrousser chemin, il est descendu au bord du lac pour rencontrer Jésus. Jésus attirait les gens en difficulté. Jésus les aimait. Peut-être y a-t-il eu là, sur la plage, quelques autres interventions. Mais c’est comme si Jésus était venu à cet endroit-là, au bord du lac, pour cet homme-là. Les gens du coin ont peur, ils ont subi une énorme perte financière, ils insistent pour que Jésus reparte comme il est venu. Si Jésus voulait enseigner, sa mission est ratée. S’il voulait gagner les bonnes grâces des habitants de cette région, c’est raté. S’il voulait rentabiliser le temps et le travail qu’il fallait pour traverser ce grand lac, c’est encore raté. Tout ce temps, tout cet effort, tous ces cochons pour un homme.
Et si cet homme, aujourd’hui, c’était toi ? Jésus traverserait le ciel et la terre pour toi. Peut-être que tu es complètement prisonnier de tes problèmes. Peut-être que tes péchés sont énormes. Peut-être que des influences occultes entravent ta liberté. Peut-être que la souffrance t’empêche d’être vraiment toi-même. Peut-être que ton âme est rongée par l’amertume. Tu peux venir à Christ même si une partie de toi-même résiste à chaque pas. Tu peux te jeter à ses pieds et savoir que quelque chose changera. Seul dans ta chambre ou après le culte avec un ancien de l’Eglise, tu peux rencontrer en Christ le Dieu qui sauve.
Mais il y a encore autre chose. L’autorité du Christ, oui. L’espoir pour un homme aux abois, oui. Et autre chose.
La compassion
Ce passage nous parle de notre attitude envers les autres. Ce n’est pas souvent que nous voyons des choses aussi dramatiques que voilà. Mais ce passage me dit que nous devons cultiver une attitude ouverte, une attitude de compassion, une attitude d’accueil et d’amour envers tous. Et surtout envers les gens qui souffrent.
Si l’homme démonisé avait été dans notre entourage, comment est-ce que nous nous serions comportés ? Probablement en manifestant la peur et le rejet. Les gens rencontrent parfois des problèmes tellement lourds que nous les fuyons, nous les abandonnons. Nous ne savons pas quoi faire. Nous nous disons, inconsciemment, que nous aussi nous pourrions passer par là. Nous ne voulons pas voir que cela existe. Et, d’une certaine manière, c’est compréhensible. Qui d’entre nous aurait pu s’occuper de cet homme qui traînait dans les cimetières à se couper avec des pierres ?
Mais quand Jésus le guérit, il semble qu’il n’y a toujours personne pour s’en réjouir. Et cela, c’est triste. Les gens auraient pu dire : « Jésus, viens chez moi, viens dans mon village, reste avec nous, enseigne-nous, fais-nous du bien. Ce que tu as fait là, fais-le pour un tel et un tel. » Mais non. Chacun raisonne en égoïste. « Jésus, va-t-en. »
Où en sommes nous par rapport à la compassion ? Emmanuel a parlé la semaine dernière de la difficulté que nous avons à aller vers ceux qui ne nous ressemblent pas. Est-ce que nous l’avons entendu ?
Le discernement
Pour exercer la compassion, il faut du discernement. Tout le monde n’est pas pareil, les mêmes symptômes n’ont pas toujours les mêmes causes. Les mécaniciens auto le savent, à plus forte raison les médecins. Pour intervenir, il faut comprendre. Pour comprendre, il faut prendre le temps d’écouter. Et nous, avec nos petites recettes, on apporterait la solution sans même prendre le temps de connaître le problème ? Jésus a fait du sur mesure. Dans la confrontation avec l’homme démonisé, et après. L’homme veut suivre Jésus – comme d’autres l’avaient fait, et comme d’autres le feront. Mais non, celui-ci, il doit rentrer dans son village et témoigner auprès des siens. Il ne sera pas le 13e apôtre, il ne sera pas le 71e disciple. Il aura une mission qui lui sera propre. Jésus fait avec lui du sur mesure. Et nous, nous devons faire pareil.
Et l’homme guéri, il aura à faire pareil aussi. Il va raconter à tout le monde ce que Dieu a fait pour lui. C’est sa mission. Mais dans sa joie et son enthousiasme, il ne faudrait surtout pas qu’il projette sur les autres les problèmes que lui il a eus, ou qu’il imagine pour eux des scénarios comme le sien. Pour les autres, avec le même Seigneur, ça va être encore différent. Du sur mesure. De la compassion et du discernement.
Conclusion
En quittant ses disciples pour la dernière fois, Jésus leur a dit : « Vous recevrez une puissance lorsque le Saint-Esprit viendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. » Le jour de la Pentecôte, l’Esprit a été donné. Et les disciples sont devenus des témoins. Comme le démoniaque de Gérasa.
Aujourd’hui, Jésus fait du sur mesure avec toi. Il veut t’enseigner la compassion et le discernement. Aujourd’hui, il veut te remplir de son Esprit. Aujourd’hui, il veut t’envoyer comme un témoin auprès des tiens… et jusqu’au bout du monde.
Amen