Vivre dans la liberté des enfants de Dieu (Galates 1.1-10)
Introduction
Est-ce que quelqu'un peut me donner le nom d'une équipe de foot turque ?
« Galataserai ». Galata, c'est le nom d'une île au large d'Istanbul. Il évoque un peuple qui habitait autrefois au centre de la Turquie, les Galates. Du temps de la Bible, une province romaine portait leur nom, la Galatie. Et l'apôtre Paul y a fondé plusieurs Eglises, à Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres et Derbe[1]. Il leur a écrit une lettre, qui est notre épître aux Galates.
Dans nos lectures quotidiennes, quand nous arrivons à l'épître aux Galates, nous sommes fascinés par ce qu'elle dit sur la conversion de Paul et son conflit avec l'apôtre Pierre. Nous aimons bien le passage sur le fruit de l'Esprit. Mais nous sommes embêtés par de longs passages sur Abraham, sur la circoncision, sur la loi de Moïse. Nous nous disons peut-être que nous ne sommes pas concernés.
Pourtant, cette épître a eu une influence énorme sur l'histoire du monde. Peut-être que l'Eglise n'aurait pas passé le cap du premier siècle sans elle. Vers 1516, 1517 elle a fortement influencé un moine du nom de Martin Luther, père de la Réforme. Aujourd'hui Galates avec l'épître aux Romains est au cur des débats entre catholiques et protestants. Elle est incontournable, l'épître aux Galates. Nous devons la connaître. Même ses parties les plus difficiles ont quelque chose à nous dire.
Nous lirons les 10 premiers versets, dans la version de la Colombe.[2]
Lecture
Arrière-plan
Vous ressentez l'urgence et la passion de ces premières lignes ? Mais qu'est-ce que s'est passé, pour que Paul s'exprime avec tant de véhémence ? Contrairement à ses autres lettres, il n'y met aucune diplomatie, aucune reconnaissance des qualités de ses destinataires, aucune prière. Il commence par un tir de canon : Je m'étonne que vous vous détourniez si vite de celui qui vous a appelés
Nous sommes en l'an 49. Paul a fait de longs voyages pour annoncer l'Evangile dans ces villes de la Galatie, il a été lapidé, il a payé de sa personne pour amener ces gens à Christ et pour les organiser en Eglise. Et maintenant, les Galates se détournent de lui !
On l'accuse d'avoir cherché à plaire aux hommes plutôt qu'à Dieu. Qui est-ce qui dit cela ? Des prédicateurs, de faux pasteurs si vous voulez, qui sont passés après lui dans les Eglises et qui ont dénigré son enseignement. Il y a des gens qui vous troublent, dit Paul.
Comprenez bien ce qui se passe. Quand il a une synagogue, Paul annonce aux Juifs que Jésus est le messie promis. Un certain nombre se convertit. Se convertissent aussi des non-juifs qui sont attirés par le judaïsme mais qui hésitent à assumer toutes les lois des Juifs. Puis d'autres non-Juifs se convertissent, des gens on ne peut plus païens. Les Juifs, les sympathisants et les païens s'unissent pour fonder une Eglise. Paul leur enseigne qu'ils sont sauvés par la même foi en Christ. La loi de Moïse a atteint son objectif, tout le monde est désormais soumis à une nouvelle loi, celle de Christ, celle de l'Esprit. Ils forment ensemble un peuple nouveau.
Paul fait nommer des anciens et s'en va. Personne dans les Eglises n'a beaucoup d'expérience. Et voilà qu'arrivent d'autres prédicateurs, pour les aider, soi-disant. Vous avez reconnu Jésus comme le Sauveur, comme le messie ? C'est formidable ! Vous vous êtes fait baptiser ? Excellent ! Et la circoncision, ce n'était pas trop dur ? Comment, Paul ne vous a pas fait circoncire ? Il ne vous a pas dit d'observer le sabbat ? Il ne vous a pas parlé des lois alimentaires ? Mais c'est inadmissible ! Un vrai disciple, ça obéit à toute la loi de Moïse. Jésus n'est pas venu pour abolir la loi, voyons. Si vous croyez en Jésus, vous allez mettre en pratique toute la loi sinon, vous n'êtes pas de vrais disciples.
Pourquoi ces nouveaux prédicateurs insistent-ils sur la circoncision ? A l'âge de huit jours le jeune garçon juif subit une petite opération chirurgicale qui enlève le morceau de peaux qu'il a au bout de son sexe. D'autres peuples encore avaient cette coutume, et l'ont toujours aujourd'hui. Pour les Juifs, c'était le signe de l'appartenance aux descendants d'Abraham, comme un tatouage, c'était le signe qu'il appartenait au peuple de Dieu, qu'il entrait dans l'alliance et qu'il acceptait la loi de Moïse. Pour les Grecs et les Romains, par contre, c'était une mutilation barbare. C'était l'obstacle majeur à leur conversion au judaïsme.
Un homme qui croit en Jésus-Christ, il accepte la loi de Dieu, non ? Il entre dans l'alliance. Il entre dans le peuple de Dieu. Il faut donc qu'il se fasse circoncire. C'est normal, non ? Et s'il refuse, c'est qu'il refuse de se soumettre à Dieu. Il n'est pas converti, il n'est pas encore sauvé de ses péchés. Ce fameux Paul, pour avoir plus d'adeptes, a passé sous silence des choses indispensables. C'est un faux apôtre, il ne faut pas le croire.
Voilà ce que Paul entend. Il est loin. Quelqu'un lui raconte ce qui se passe, c'est une sonnette d'alarme. Il écrit de toute urgence cette lettre de sa propre main. Là où il est, à Antioche de Syrie, ce genre de chose se dit aussi. Il faut réagir.
Les versets 1-5
Déjà dans les salutations au début de la lettre Paul souligne plusieurs points qu'on retrouvera plus tard dans la lettre : Paul, apôtre, non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ et par Dieu le Père qui l'a ressuscité d'entre les morts, et tous les frères qui sont avec moi Paul n'est pas seul, ce n'est un franc tireur, un homme qui travaille à son compte. Il y a du monde avec lui, la majeure partie de l'Eglise d'Antioche, en fait. Paul est un vrai apôtre, contrairement à ce que disent les faux docteurs. Il le prouvera plus tard dans la lettre.
Un autre point important vient au verset 4 : Jésus-Christ s'est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher au présent siècle mauvais La vie éternelle ne s'obtiendra pas parce que nous aurons fait ce que la loi de Dieu demande, mais parce que Christ s'est donné lui-même pour nous. La piété, la sainteté, la vie du disciple ne se fondent pas sur l'obéissance à la Loi, mais sur le fait que Jésus-Christ s'est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher au présent siècle mauvais. Etre sauvé, cela dépend de la croix. Vivre aujourd'hui pour Dieu, cela dépend de la croix. Pas de la loi de Moïse. Et cela aussi sera dit en long et en large plus tard. Je ne vais donc pas le commenter maintenant.
Les versets 6-10
Un seul Evangile
Par contre, j'aimerais vous faire remarquer des choses extrêmement importantes dans les versets 6 à 10.
D'abord, il faut remarquer que selon Paul on n'a pas le droit de dire n'importe quoi au nom de Jésus-Christ. Il y a l'Evangile, celui que les apôtres nous ont transmis. Et puis, au verset 6, il y a des enseignements qui constituent un autre Evangile un Evangile qui n'en est pas un.
Cet autre Evangile annoncé en Galatie était convaincant. Il citait beaucoup la Bible. Il exigeait beaucoup de dévouement. Ses enseignants semblaient sérieux, zélés. Et pourtant, leur message était faux, parce qu'il n'était pas conforme à ce qui a été enseigné dès le départ par les apôtres. Malgré les apparences ce n'était pas conforme à la Bible et ce n'était pas le vrai chemin de la sainteté. C'était un évangile trompeur.
Si un homme du 21e siècle avait été transporté là-bas à cette époque, qu'est-ce qu'il aurait dit ? Il y a de fortes chances pour qu'il dise ceci : On ne va pas se laisser diviser par des querelles de mots. De toutes façons, tous les chemins mènent au ciel. Ce qui compte, c'est d'être sincère. La diversité, c'est une richesse. Nous sommes tous un en Christ, de toutes façons.
Mais Paul nous dit que la doctrine compte, que la vérité compte. Même un ange n'a pas le droit de venir enseigner autre chose que ce qui nous a été laissé par les apôtres. Aucune vision, aucune révélation, aucune tradition, aucune parole prophétique ne peut être reçue qui soit contraire à ce que les apôtres ont donné au départ. Il y a effectivement des sujets où il ne faut pas se laisser arrêter par des différences d'opinion. Paul en donne des exemples dans ses épîtres. Mais il y a des moments où il faut se battre pour des principes. Ici, l'enjeu était de taille : faut-il oui ou non se plier à toute la Loi de Moïse pour être un vrai chrétien, pour être sauvé ? Avec cela, on ouvre ou on ferme les portes du Royaume de Dieu ! Et on conditionne ensuite tout, mais tout, de la pratique de la vie chrétienne.
Aujourd'hui, on peut rencontrer des chrétiens qui seraient tentés de faire un bout de chemin avec les faux pasteurs de la Galatie. Pour les uns, la vie chrétienne implique la pratique du sabbat et des lois alimentaires. Pour les autres, le culte de l'Ancien Testament avec ses prêtres et ses sacrifices doit fournir un modèle pour la vie de l'Eglise. Mais la bonne nouvelle, c'est que la Loi de Moïse a atteint son objectif et que le chrétien vit désormais sous un autre régime, celui de l'Esprit. Attention, donc, parce qu'en toute sincérité, les chrétiens peuvent faire un mauvais usage de la première partie de la Bible, de l'Ancien Testament.
L'intolérance de la vérité
Paul nous dit qu'il y a le véritable Evangile, puis il y a des contrefaçons. Le vrai exclut le faux. C'est très fort sous la plume de l'apôtre. Si quelqu'un vous annonce un Evangile différent de celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème !
C'est quoi, ce mot d'anathème[3] ? Certaines traductions disent : Qu'il soit maudit ! La Bible en français fondamental dit : Que Dieu le rejette ! C'est quoi, l'anathème ? C'est plus que d'être exclu de l'Eglise, puisque le passage parle des anges aussi bien que des hommes. C'est le rejet total, la séparation, l'exclusion. Il n'y a pas de communion possible quand des éléments fondamentaux de l'Evangile sont en cause.
Parfois, on ne sait pas trop jusqu'où il faut aller dans l'accueil ou dans la séparation. Vous avez peut-être rencontré des chrétiens sectaires, qui jettent l'anathème sur la vaste majorité de leurs frères. Pour un détail, vous êtes considérés comme des infidèles. Quels détails ? Sur la doctrine de la fin des temps, sur l'action du Saint-Esprit, sur le baptême, sur la création, sur l'habillement, sur le vin, et j'en passe. Il est bon d'avoir des convictions sur ces sujets, c'est même nécessaire. Certains d'entre eux pourraient même rendre difficile une collaboration rapprochée. Mais ces détails ne justifient pas une rupture totale. Dans les Galates, Paul n'est pas en train de se battre pour ce genre de chose.
Par contre, il y a des divergences tellement énormes que nous serions infidèles à l'Evangile si nous les ignorions. Christian Laporte m'a parlé d'un pasteur qui ne croyait pas en Jésus-Christ. J'en ai rencontré un qui ne croyait pas que Jésus-Christ soit ressuscité. Et là, nous sommes carrément en dehors de la foi chrétienne. Ces gens-là ont droit à un certain respect en tant que citoyens, et responsables d'une communauté. Mais il n'y a aucune communion possible avec eux sur le plan de la foi. Si quelqu'un me dit qu'il n'y a pas de salut si on n'est pas en communion avec Rome, ou qu'il faut parler en langues pour être sauvé, c'est la même chose. Heureusement que cela ne se dit plus très souvent.
Quand les gens deviennent membres de l'Eglise d'Ozoir, nous leur demandons s'ils sont d'accord avec ce que nous appelons notre confession de foi. Ce sont des croyances fondamentales non-négociables. Nous avons le devoir d'accueillir les frères et surs en Christ, sans discuter des opinions secondaires. Nous n'avons pas le droit de tolérer des déviations majeures par rapport à la foi.
Sauvés par la grâce, par la foi
Les faux pasteurs sont en train de dire aux Galates : C'est très bien d'avoir la foi en Christ. Mais vous avez aussi besoin de la loi de Moïse. Et ce mot « aussi » est une négation de l'Evangile. Vers la fin de sa vie Paul dira : C'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu. Car nous sommes son ouvrage, nous avons été créés en Christ-Jésus pour des uvres bonnes que Dieu a préparées d'avance, afin que nous les pratiquions. Les Réformateurs disaient : « Par la grâce seule, par la foi seule. » Evidemment, la foi ne reste pas seule, elle produit toutes sortes de bonnes choses. Mais ces bonnes choses, ces bonnes uvres ne sont pas à la base de notre salut, elles en sont le fruit.
Pourquoi ne pas endosser la loi de Moïse alors ? Paul dira dans la lettre aux Galates que c'est renier la foi en Christ. Il faut choisir entre Christ et Moïse. Parce que la piété chrétienne, ce n'est pas la foi en Christ, puis l'observance méticuleuse d'une loi. C'est la fin du régime des lois religieuses, c'est la liberté des enfants de Dieu, c'est la vie selon l'Esprit, la vie qui porte les fruits de l'Esprit.
Aux yeux de certains, pour entrer dans le royaume de Dieu, la foi en Christ ne suffit pas, il a des contraintes supplémentaires : il faut être baptisé, il faut appartenir à la bonne Eglise, et que sais-je encore. L'enjeu essentiel dans l'épître aux Galates, c'est de dire que le salut vient par la foi en Christ. Et que ce principe fondamental de la foi vaut pour la suite.
Est-ce que nous serions tentés de dire : La vie chrétienne, c'est la foi, plus quelque chose ? Arrêter de fumer ? Donner la dîme ? Se faire baptiser ? Se réconcilier avec son ex ? Venir tous les dimanches à l'Eglise ? Jeter tous ses CD piratés ? Comprenez-moi bien, tout cela, c'est important. Mais seulement si vous le faites dans la liberté de ceux que Christ a sauvés par sa croix. Si vous le faites pour être sauvés, vous êtes en train de vivre un autre Evangile, qui n'en est pas un.
Conclusion
Comprendre l'épître aux Galates vous aidera à saisir la différence entre l'ancienne alliance et la nouvelle, à comprendre pourquoi nous ne suivons pas à la lettre tout ce qui est marqué dans la loi de Moïse. Elle peut vous aider à comprendre pourquoi notre Eglise d'Ozoir a l'air d'être moins stricte que d'autres dans certains domaines, alors que par ailleurs elle maintient de fortes exigences. Surtout, l'épître aux Galates vous aidera à vivre dans la liberté des enfants de Dieu.
Jésus-Christ s'est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher au présent siècle mauvais Ca, c'est l'essentiel. Si nous appartenons à Jésus-Christ, notre vie sera différente. Nous vivrons pour lui.
Amen
[1] Il y a un récit passionnant à ce sujet en Actes 13 et 14.
[2] Pas la NBS, qui dit réveillé d'entre les morts, ni la Bible du Semeur qui dit maudit plutôt qu'anathème.
[3] Voir l'excellent article sous ce mot dans « Le grand dictionnaire de la Bible », aux éditions Excelsis