Être fiers de la croix (Galates 6)
17 juillet 2005

Être fiers de la croix (Galates 6)

Prédicateur:
Passage: Galates 6:11-18

Introduction

Ce matin j'aimerais faire un plaidoyer en faveur de l'orgueil.

Quand un cycliste se trouve largué par le peloton et qu'il ramasse ses forces et son courage pour recoller au groupe, on parle d'un sursaut d'orgueil. L'orgueil qui écrase les autres est d'une laideur. Mais celui qui vous pousse à vous dépasser, qui vous aide à affronter les difficultés, il ne peut pas être mauvais. Si vos enfants ont réussi un examen et que vous bombez le torse, je ne vous en veux pas. C'est normal.

Peut-être parlerait-on plus volontiers de fierté. Eh bien, je prends la défense de la fierté. Quand j'ai réussi à ajuster le starter de la Clio, j'étais content de moi. Quand ma femme a fait quelques kilos de confiture de cerises, elle était contente d'elle. On peut être fier de soi, fier de son conjoint, de ses enfants, fier de son Eglise. Pourquoi devrions-nous faire comme si tout était toujours nul ? Angèle et son équipe peuvent être fières des repas qu'elles ont préparés pour nos amis Américains. Doug et son équipe peuvent être fiers du projet qu'ils ont réalisé à Chevry-Cossigny. Mes amis, ne dites pas que ce n'était rien. Soyez fiers de vous, comme moi le pasteur je suis fier de vous.

Maintenant, il y a peut-être des sujets de fierté qui n'en sont pas. Il y a des fiertés que l'on revendique à tort. Philippiens 3.19 parle de gens qui mettent leur fierté dans ce qui fait leur honte. Et sans aller jusque là, on peut penser que celui qui met la millionième allumette sur sa maquette de la tour Eiffel va en être fier – alors que l'entreprise n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus utile dans la vie. La fierté peut être déplacée.

Lisons maintenant la toute dernière partie de l'épître de Paul aux Galates, où il sera question justement de ce qui fait la fierté des uns et des autres.

Lecture : Galates 6.11-18

La fierté déplacée

Il est question ici d'une fierté mal placée : celle des prédicateurs qui troublaient les chrétiens de la Galatie en leur disant qu'ils devaient obligatoirement se faire circoncire, comme de bons Juifs. C'était la seule façon d'être sauvé, c'était la preuve de leur obéissance à Christ, c'était l'engagement que Dieu demandait. A chaque fois qu'un homme suivait ce raisonnement et se faisait opérer, les mauvais enseignants de la Galatie éprouvaient une bouffée de contentement et d'orgueil. Sans doute qu'ils en remerciaient même Dieu. Mais c'était déplacé.

Toute l'épître aux Galates nous dit pourquoi : Ce n'est pas le rite extérieur donné à Abraham qui nous sauve, c'est la foi comme celle d'Abraham. Ce n'est pas l'obéissance à la Loi de Dieu qui sauve, c'est la foi en Dieu qui rachète ceux qui n'ont pas obéi, qui en sont même incapables.

Comment était-ce possible de se tromper là-dessus ? C'est que naturellement les humains ne fonctionnent pas sur le mode de la grâce et du pardon, ils fonctionnent sur le mode du donnant-donnant. Et le donnant-donnant n'a rien à voir avec l'Evangile. Les partisans de la circoncision n'étaient pas très différents de ceux qui, aujourd'hui, pensent que le baptême les sauve, les régénère, leur garantit le paradis. Comme si le geste matériel avait un sens en dehors de l'engagement de la foi !

La fierté des adversaires de l'apôtre était d'autant plus aberrante qu'eux-mêmes n'allaient pas jusqu'au bout. Ils tentaient d'imposer la loi de Moïse à des païens nouvellement convertis, alors qu'eux-mêmes n'observaient pas toute la Loi. Que d'incohérences quand vous vous attachez à la forme et que vous ignorez le fond ! Ce qui importe, ce n'est pas la circoncision ou l'incirconcision, le baptême ou l'absence de baptême, ce qui compte, c'est d'être une nouvelle créature !

Les faux docteurs mettaient leur fierté dans un geste extérieur et dans l'effort humain. L'apôtre ne veut être fier que de la croix de Jésus-Christ.

La fierté bien placée

La phrase est déjà marquante pour nous, au 21e siècle. Mais au 1er siècle, dire qu'on est fier d'une croix, c'est comme si un Français disait qu'il était fier de la guillotine, ou un Américain de la chaise électrique. La croix, c'est l'horreur, c'est la honte, c'est le signe de la criminalité, de la bassesse. La croix, c'est pour la racaille. En être fier ? Il n'est pas fou, l'apôtre ? Comment peut-il être fier de l'innommable ?

Disons tout de suite qu'il ne s'agit pas ici d'une piété morbide, comme celle que la télévision nous montre parfois dans certains pays du monde. Ce n'est pas le culte du sang, des plaies ouvertes. Ce n'est pas le culte d'un Christ aux joues creuses dont la tête penche pour laisser échapper un dernier râle. Cela a été la piété de certains chrétiens, et l'est encore peut-être. Mais ce n'est pas la piété de l'apôtre.

Il est fier de la croix, parce que c'est la croix de notre Seigneur Jésus-Christ. Jésus-Christ y est mort, tout Seigneur qu'il est, en donnant sa vie pour nous sauver. C'est un signe d'héroïsme, mais c'est plus que cela. C'est le signe d'une vie donnée en rançon pour le salut des pécheurs. C'est le signe de la générosité immense de Dieu. C'est le signe d'un sacrifice insondable qui enlève le péché du monde.

Et c'est un signe qui a une valeur personnelle. Par elle, dit l'apôtre, le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde. A partir du moment où Saul de Tarse a compris que Jésus est mort à la croix pour lui, et qu'il s'est soumis à Christ, le monde ne pouvait plus compter pour lui. La vie sans Dieu était morte, crucifiée, enterrée. Et parallèlement, c'est comme si Saul lui-même était mort à l'égard de la vie dans ce monde sans Dieu. Il y a eu une rupture nette. Qui justifiait son baptême, par les soins d'Ananias, et son changement de nom : Saul de Tarse est devenu Paul, l'apôtre.

Il dira aux chrétiens de Corinthe : Je n'ai pas estimé devoir vous apporter autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié (1 Cor 2.2). Ni la sagesse des Grecs, ni les miracles que réclamaient les Juifs, ni même le baptême dont se vantaient certains chrétiens à l'esprit sectaire. Uniquement Jésus-Christ crucifié.

A travers la croix, Paul est devenu une nouvelle créature. La Bible parle de la nouvelle naissance ; de la circoncision du cœur ; du baptême de l'Esprit ; de la repentance ; de la conversion ; de l'adoption dans la famille de Dieu ; de la réconciliation de ceux qui sont loin de Dieu et hostiles à Dieu. Ce sont autant d'images d'un vrai changement. Aux Corinthiens l'apôtre dira : Si quelqu'un est un Christ, il est une nouvelle créature : les choses anciennes sont passées, voici toutes choses sont devenues nouvelles (2 Cor 5.17).

C'était vrai pour Paul, c'est vrai pour tous ceux qui croient en Christ comme lui. La conversion individuelle, qui projette un Saul de Tarse par terre et l'amène en l'espace de trois jours au baptême, conduit au gré d'une multitude de naissances spirituelles à la constitution d'un peuple nouveau.

C'est pour cela que Paul dit : Que la paix et la grâce de Dieu soient accordées à tous ceux qui suivent cette règle de vie, ainsi qu'à l'Israël de Dieu. Suivre quelle règle ? Celle qui consiste à mettre la nouvelle naissance au-dessus des questions de rites physiques. Ce qui compte, c'est d'être une nouvelle créature. A ceux qui suivent cette règle, et à eux seuls, la paix et la grâce de Dieu seront assurées.

Ils constituent l'Israël de Dieu. L'apôtre a passé beaucoup de temps dans l'épître aux Galates pour démontrer que les véritables enfants d'Abraham sont ceux qui ont la foi d'Abraham, la foi qui sauve, la foi qui justifie le pécheur. Ceux qui ont cette foi-là sont les enfants de la promesse, les enfants légitimes, les enfants nés selon Dieu. Ils constituent une nation spirituelle, non en vertu des liens du sang, mais en vertu des liens de l'Esprit.

C'est à cause de la croix que cette nation nouvelle se crée. Tu en fais partie, si tu appartiens à Christ. Tu peux en faire partie, si tu te tournes vers Christ.

La croix est au centre de notre foi. Pas comme un objet que l'on vénérerait, mais comme l'événement le plus significatif de l'histoire des hommes. Le récit des quatre Evangiles met l'accent sur la croix. Le partage du pain et du vin parle de la croix. La musique chrétienne chante la croix. L'architecture de nos lieux de culte dessine la croix. Christ est réellement mort ; il est mort pour nos péchés. Et la résurrection prouve que ce n'était pas en vain. La grâce et la paix sont au prix de la croix.

Conclusion

Vous remarquez ces grandes lettres : c'est bien de ma propre main que je vous écris. Généralement Paul dictait ses lettres, à moins de faire comme les hommes politiques de nos jours et de confier le premier jet à des assistants. Mais arrivé à la fin de la lettre aux Galates il prend lui-même la plume pour donner la touche finale et pour souligner la chose la plus importante.

Il n'a pas encore de longues années de ministère derrière lui, mais déjà son corps est marqué par les coups de pierre et de fouet qu'il a subis au nom de Christ. Ce sont comme des tatouages qui attestent qu'il appartient à Christ, c'est comme la marque apposée sur la peau par le maître d'un esclave : il a prêché la croix, il en a souffert, mais il en est fier.

Ses adversaires, par contre, en restant dans la religion traditionnelle, ont échappé à la persécution et à la haine des foules. Ils sont restés en phase avec les autorités de Jérusalem, ils n'ont pas dit des choses trop choquantes pour les Grecs et les Romains. Ils ont trouvé leur fierté ailleurs que dans un symbole de la honte et de la défaite.

Paul prend la plume de sa propre main pour dire une chose encore, une seule : la croix de Jésus-Christ est au centre, c'est par elle seule que l'on devient une nouvelle créature. Elle se dresse au carrefour de l'histoire, au carrefour de nos vies, elle appelle au changement.

Qu'est-ce que tu en fais ?

J'espère que tu en es fier.

Amen