5 juin 2004

Dignité devant Dieu et devant les hommes

Prédicateur:

Introduction

Nous vivons aujourd'hui dans une époque où les droits de l'homme sont le véritable évangile. La référence en matière de loi morale. Chaque groupe ou rassemblement ethnique (ou rattaché à des valeurs quelconques comme l'homosexualité par ex..) revendique sa reconnaissance et sa dignité.

L'exemple du mariage homosexuel est le plus récent. Il s'agit d'une reconnaissance sociale que des hommes (et femmes) revendiquent au nom des droits de l'homme au libre choix de ses valeurs de références. Il semble que Noël Mamère soit prêt à porter sa cause devant la cour européenne de Justice.

Mais il y a aussi le choix de mourir quand on veut et comme on veut revendiqué depuis peu par des personnes qui jugent que leur situation n'est plus vivable. Dans ces deux cas, nous touchons à des valeurs que le christianisme considère comme sacrée ou inaliénables et nous nous sentons menacés par de telles revendications car elles remettent en cause les fondements judéo-chrétiens de notre société.

Cette montée en puissance de revendications est rapide et sans doute sans fin quand on sait combien le cœur de l'homme peut être à la fois assoiffé de « justice » et insatiable dans ses requêtes. C'est un puits sans fond.

Pourquoi parler de cela ici : Parce qu'il est de plus en plus difficile de ne pas se laisser influencer par des tels courants de pensées. Nous sommes dans le monde...même si nous sommes plus du monde.

L'Eglise est en elle-même une mini société qui doit aussi gérer ses pressions et revendications internes en son sein. Mais il me semble que l'esprit qui préside à ces revendications devrait être différent. Il ne s'agit pas tant de briser des tabous, de faire reculer les limites à notre « indépendance » que de reconnaître à chacun la valeur qui est la sienne dans le cadre d'une humanité basée sur des valeurs définies par la Parole de Dieu.

Dignité devant Dieu : la femme syro-phénicienne (Matt 15.21-28)

Un texte inacceptable aujourd'hui. Si jamais Jésus avait prononcé ces mots dans une rue de notre beau pays hier , il serait peut-être aujourd'hui dans un avion de retour direct vers Israël, taxé de fanatisme religieux et de non respect de la personne humaine.

Et pourtant ce texte est dans la Bible et, qui plus est, dans le Nouveau Testament. Elle nous apprend ainsi que, nous les gentils (non juifs) sont ici comparés à des chiens. Des animaux dont la valeur, à l'époque, n'avait absolument rien à voir avec celle de nos petits toutous chéris.

Je crois que ce texte nous apprend deux choses :

  1. Que Jésus faisait une différence entre les juifs et les autres, au moins à ce moment précis de son ministère.
  2. Que les hommes (et les gentils en particulier) n'ont rien à revendiquer devant Dieu. Notre statut (dignité), si jamais nous en avons un, est bien insignifiant devant Dieu.

Je sais qu'en disant cela, je vais à l'encontre du courant ambiant, qui met en avant toute la valeur de l'homme (et Jean Claude vous aura sans doute parler de cette valeur dimanche dernier). Pourtant ici, nous devons reconnaître un fait. Notre dignité devant Dieu ne vaut pas grand chose. Paul le dira plus « doctrinalement » dans son épître aux Ephésiens 2.11-13

Nous apprenons aussi dans ce passage que, malgré son indignité, cette femme «  sans rang » saura obtenir gain de cause grâce à sa foi. (Eph2.8).

Sommes nous prêts à reconnaître notre vrai statut devant Dieu ? Le statut de celui de pauvres, d'estropiés, d'aveugles, d'infirmes dont Jésus nous parle dans la parabole Luc14.21

Quelque soit donc notre statut ici dans cette communauté, blanc, noir, chef d'entreprise, ou subalterne, intellectuel ou manuel, doué en musique ou en informatique, nous sommes tous au même rang devant notre Seigneur. Celui d'indignes de sa grâce.

Nous avons d'autres exemple dans la Parole de Dieu qui nous montrent la bonne attitude devant Dieu :

Le fils prodigue : Je ne suis plus digne d'être appelé ton Fils,

Le centurion : Non je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit

Dignité devant les hommes

Si intellectuellement et même spirituellement, nous sommes prêts à reconnaître le statut dont nous venons de parler précédemment, il n'en sera plus de même si mon frère, ma sœur, vient tout d'un coup me dire que je suis un homme de 2ème classe parce que je suis un manuel ou un blanc ou un normand.

Pourquoi ?

  1. Nous sommes tous dans le même bateau (pêcheurs en perdition rachetés par la Grâce !)
  2. Nous revendiquons une certaine justice mutuelle dans nos relations sociales individuelles.
  3. Nous sommes par essence orgueilleux et respectueux de notre petite personne.=> Conscients de notre propre dignité.

En général personne ne viendra nous dire que nous sommes citoyens de 2ème classe. En revanche, il pourrait nous le faire ressentir, consciemment ou non. C'est là où la notion de dignité individuelle est un peu à géométrie variable.

Ex : Moi qui suis normand d'adoption, et qui suis fier de l'être, si quelqu'un dit qu'il n'aime pas le camembert, je l'accepte même si je suis un peu déçu.

En revanche, s'il dit que le camembert est un fromage qui sent mauvais, je me sens quelque part un peu indigné. Ma dignité est quelque peu menacé car ma culture est attaché à l'image du camembert que mes parents ont contribué à fabriquer pendant une grande partie de leur vie.

Je constate alors que ma dignité passe par ma culture, par mes origines, par mon passé.

Autre ex : Dans le RER, je suis assis sur une banquette en face d'une dame qui finit (ou commence) de se maquiller. Pourquoi, je ressens une certaine irritation qui monte en moi. J'ai essayé d'analyser mon sentiment.

Il me semble que c'est parce que je juge que cette personne fait quelque chose de très personnel qui, dans notre société au moins, doit se faire dans l'intimité d'une salle de bain. En le faisant devant moi, je ressens qu'elle m'ignore royalement et donc ma dignité s'en trouve affectée. Je n'existe pas pour elle. Il en va de même quand quelqu'un parle fort avec son portable, ou vous bouscule dans l'escalier.

Ce sentiment de ne pas exister pour l'autre, fut-il un quidam, est une atteinte à ma dignité d'homme car, nous sommes par essence des êtres sociaux et relationnels.

Même pêcheurs graciés, nous avons droit, au moins de la part de nos semblables, à un minimum de reconnaissance que chacun d'entre nous évaluons un peu à notre guise en fonction de notre caractère, de notre passé et parfois de notre culture.

Il me semble que la dignité individuelle est quelque chose de très précieux que chacun d'entre nous chérissons au plus profond de nous-mêmes et que nous ne pouvons pas ignorer. C'est l'essence même de notre personne.

Le dictionnaire la définit comme le sentiment de la valeur intrinsèque de la personne. C'est cette valeur qui commande le respect d'autrui.

Dans l'Eglise qui, mieux que le RER, réunit des personnes parfois bien différentes dans un même lieu nos dignités respectives sont donc confrontées les unes aux autres dans un joyeux mélange qui peut parfois susciter des sentiments ou des réactions diverses et variées

Le respect : Jésus et la Samaritaine (Jean 4:5-38)

Nous sommes devant une femme dont la dignité est sans doute menacée. Ses mariages successifs et sa visite au puits autour de midi en disent long sur son statut dans la société de l'époque.

Jésus ici traverse plusieurs rideaux culturels :

  • Il parle à une femme en seul à seul
  • Il parle avec une femme de mauvaise vie
  • Il parle avec une Samaritaine

La demande de Jésus est directe et claire. Fait-il preuve d'impolitesse ?Selon la norme française, sans doute. Je ne suis pas sûr que le texte nous permet de le penser.

En revanche, la réaction de la femme laisse croire que son approche transgresse le statut quo social entre Juif et Samaritain. La réponse de la femme V.9 est particulièrement claire pour positionner les deux protagonistes dans l'échange.

Deux peuples, deux religions, des préjugés, de l'hostilité ! Jésus brise cette glace en demandant un service (confiance ou défiance ???)

Pourtant, jamais le texte nous permet de croire que la dignité de la femme est remise en cause. Ni pour son caractère samaritaine, ni pour son statut de femme « volage ».

Pourtant, nous constatons que la conversation est très franche et directe. Il y a véritablement échange, puisque lui demande d'abord un service, puis c'est elle qui vient avec une requête. v.15

Jésus n'est pas universaliste ! Il affirme la supériorité de la religion juive sur celle des Samaritains, mais après avoir donner un signe clair de respect par rapport à son interlocutrice : « Tu as raison de dire... En cela tu as dit vrai»

Jésus la connaît et le lui a fait savoir. Il apprécie son honnêteté.

Pourtant, nous trouvons au cours de l'entretien, (19-23) cet échange ‘vous...nous' qui implique que les deux interlocuteurs s'identifient bien au groupe auquel ils appartiennent. Tout en faisant référence à leurs racines ou à leurs pères ils ne vont pas jusqu'à la rupture.

La réponse de Jésus implique une certaine supériorité du juif % au Samaritains. ‘Le salut vient des juifs'. Sans doute que les Samaritains acceptaient cette réalité mais ce n'est pas facile à entendre.

Pourtant Jésus ne se limite pas à cette affirmation sans doute péremptoire. Il va au-delà pour présenter le vrai projet de Dieu. Cela ne fait sans doute que relativiser l'affirmation préalable.

De là, la femme comprend qu'elle a affaire à plus qu'un simple juif qui veut simplement afficher sa supériorité traditionnelle. Elle va donc plus loin dans sa quête pour poser les questions qui la taraudent.

La fin de l'histoire nous montre une femme qui retourne à la ville avec une assurance et sans doute une dignité retrouvée. En tout cas l'impact de son message est clair dans la communauté. Elle sera l'outil d'un réveil local.

Que pouvons-nous apprendre de cet entretien ?

L'échange vers l'autre groupe exige une petite part d'audace, surtout si la relation avec l'autre groupe est entachée d'une histoire de rivalité et d'hostilité ancestrale.

Que penser des traces de la colonisation dans les relations entre les Africains et les Français ?

Il exige de l'honnêteté, pour ne pas seulement chercher à plaire et à satisfaire à la diplomatie mièvre qui n'arrive à rien de bien solide dans les relations. Ici, nous assistons à un moment particulièrement unique dans les Evangiles: c'est l'un des seuls endroit où Jésus se révèle lui-même à son interlocuteur et sans aucun mystère.

Il a discerné chez son interlocutrice une honnêteté telle qu'il pouvait vraiment se confier en elle. D'ailleurs les fruits ne se sont pas fait attendre.

Il est important de chercher à connaître l'individu au-delà de l'appartenance au groupe dont il est membre. Jésus a un regard personnel et individuel. Il a dépassé le clivage. C'est certainement cela : respecter quelqu'un. Lui accorder l'importance de sa valeur individuelle et non pas seulement celle de l'image qui colle à son groupe.

Conclusion

L'honnêteté reste la clef de voûte de toute relation vraie.

Que l'amour soit sans hypocrisie Rom 12.9

Comme vous vous êtes purifiés par l'obéissance à la vérité, en vue d'une affection fraternelle sans hypocrisie, aimez vous les uns les autres avec ferveur, d'un coeur pur ! 1Pi 1.22

Les exhortations dans le NT et surtout dans les épîtres sont nombreuses. Cela nous montre que le problème n'est pas nouveau. L'amour fervent, demande plus qu'une acceptation réciproque.

Il implique une démarche positive qui va vers l'autre et lui manifeste des signes tangibles qui vont au-delà des signes de politesse conventionnels :

Dieu a créé des individus et non des groupes. Les groupes sont le résultat d'un brassage culturel, géographique, ethnique, historique qui créé sans nul doute des traits communs que nous pouvons plus ou moins facilement reconnaître.

Mais dans son approche, Jésus a régulièrement brisé les barrières qui s'interposent entre ces groupes :

Le centurion, Zachée, Matthieu, le lépreux, Judas le Zélote, la prostituée, la femme adultère, tous ces hommes et femmes qui appartenaient à des groupes qui n'avaient pas forcément d'atomes crochus entre eux... Plutôt antagonistes entre eux et parfois à l'égard de Jésus lui-même. Il a appris à les regarder individuellement. Apprenons donc à faire la même chose !

Comment pouvez vous aimer les français avec ferveur ? Nous allons essayer d'en parler cet après midi.